samedi 11 mai 2013

GRB 130427A : La Bouffée de Rayons Gamma de tous les Records

En décembre 2011, je vous racontais l'histoire d'une bouffée de rayons gamma hors normes par sa durée de 28 minutes, le fameux GRB (Gamma Ray Burst) de Noël découvert un an plus tôt (lire ici). Aujourd'hui, c'est un tout autre et tout nouveau GRB qui fait l'actualité astrophysique. Ce dernier est dénommé GRB 130427A. Ce qu'a d'extraordinaire cette bouffée de rayons gamma détectée par le satellite Fermi-LAT et située dans la constellation du Lion, c'est son énergie extrême, battant le précédent record d'un facteur 3, ainsi que sa durée, jamais vue...
C'est le 27 avril dernier qu'à eu lieu le phénomène. Un GRB (ou bouffée de rayons gamma) est un phénomène astrophysique dit transitoire, qui ne dure que quelques instants, de quelques secondes à quelques minutes pour les plus longs. Ces brusques émissions de rayons gamma le plus souvent très énergétiques sont estimées être produites lors des événements les plus violents de l'Univers: la création de trous noirs lors de l'effondrement d'étoiles en fin de vie.

Lorsqu'un trou noir se forme, de jets de matière sont  projetés à vitesse ultra-relativiste de part et d'autre des pôles de l'astre noir. Ce sont ces jets de matière, d'après les meilleurs modèles en vigueur chez les astrophysiciens, qui vont à la fois produire des photons gamma d'énergie de l'ordre du GeV et aussi leur donner un coup d'accélérateur en leur fournissant une énergie cinétique supplémentaire. 
Il suffit ensuite que la Terre se trouve dans l'axe d'émission des jets pour être au premier rang pour observer les rayons gamma les plus énergétiques possibles...
Ciel gamma enregistré par Fermi avant et après GRB 130427A (NASA/DOE/Fermi-LAT collaboration)
C'est très probablement ce qui s'est passé le 27 avril dernier avec GRB 130427A. Le satellite Fermi-LAT qui traque les sources de rayons gamma dans tout le ciel était pointé vers la bonne direction au moment crucial. Il a pu mesurer des photons ayant une énergie maximale de 94 GeV, ce qui est absolument considérable pour un photon. L'image ci-dessus qu'a fourni la NASA, gestionnaire du satellite Fermi, donne un aperçu du ciel en gamma (énergie supérieure à 100 MeV) juste avant le burst et juste après son début.

Car non seulement cette bouffée de rayons gamma est la plus énergétique enregistrée à ce jour, mais elle est également celle de plus longue durée : plusieurs heures! Elle a duré si longtemps que l'alerte lancée par Fermi-LAT a pu être exploitée à temps par l'autre chasseur de gamma en orbite, le satellite Swift (celui-là même qui avait trouvé le GRB de Noël en 2010). Swift a ainsi eu le temps d'observer confortablement le burst et de le localiser assez précisément, mieux que ce que peut faire Fermi-LAT.

Évolution de l'émission gamma entre 100 Mev et 100 GeV vue par Fermi-LAT entre 4 minutes avant le début du burst et 14 heures après (NASA/DOE/Fermi-LAT collaboration)
L'évolution temporelle du sursaut gamma a été très bien enregistrée par Fermi-LAT : après un pic initial très court d'environ une seconde, il y eu un calme relatif de 15 secondes pendant lesquelles ne fut détectée qu'une émission à basse énergie assez variable. Puis ensuite, la bouffée se réintensifia fortement en l'espace de quelques minutes puis resta extrêmement intense durant près de 14 heures...
Une durée aussi longue était du pain béni pour tout astrophysicien, on s'en doute. A partir de la localisation donnée par Swift, de nombreux télescopes terrestres ont pu être pointés dans la direction, pendant que les satellites en orbite enregistraient toujours leurs rayons gamma. Une contrepartie en lumière visible, infra-rouge et aussi en ondes radio ont ainsi pu être observées.

Une équipe américaine avait même détecté optiquement l'apparition d'un nouvel objet indépendamment, sans connaître l'alerte gamma de Fermi et Swift, en exploitant le Catalina Real-Time Transient Survey, dédié à la recherche de phénomènes transitoires.
Les observateurs ont alors appris très vite quelle était la distance de l'objet : 3,6 milliards d'années-lumière, ce qui est relativement proche pour un GRB.
Généralement, dans le cas d'un GRB proche, les astronomes parviennent à détecter la supernova initiatrice dans les deux semaines qui suivent la bouffée. C'est dire si les yeux sont braqués vers le Lion en ce moment dans les grands observatoires de l'hémisphère Nord...

A partir des coordonnées fournies par les divers instruments, une recherche dans les grands catalogues comme le Sloan Digital Sky Survey, indique la présence d'une galaxie presque coïncidente avec cette position : une galaxie très faible nommée SDSS J113232.84+274155.4 de magnitude 21,26 et qui se retrouve maintenant sous l’œil attentif de toute une communauté... 

Sources :
- Communiqué de la NASA  NASA's Fermi, Swift See 'Shockingly Bright' Burst  (03 mai 13)
- An untriggered optical detection of GRB 130427A
Drake, A.J. et al.
The Astronomer's Telegram  (4 May 2013)

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