23/05/13

Fin de Règne pour le Télescope KEPLER

C’en est fini de la mission du satellite Kepler, le plus performant détecteur d’exoplanètes que l’on ait construit. Le télescope spatial de la NASA subit en effet une sévère avarie de gyroscope qui l’empêche de se retourner correctement dans la direction que l’on souhaite...

C’est avec un miroir de 1,4 mètre associé à une caméra de 95 mégapixels que ce bijou technologique arrivé en orbite en 2009 a permis de découvrir pas moins de 2700 exoplanètes.

La principale technique employée par les astrophysiciens exploitant Kepler est la technique dite du transit : détecter l’infime baisse de luminosité d’une étoile lorsqu’une planète passe devant dans la ligne de visée.


C’est une roue gyroscopique qui vient de lâcher, après la première en juillet dernier. Kepler est équipé de quatre roues gyroscopiques à réaction, qui, lorsqu’elles tournent (entre 1000 et 4000 tours par minute) dans un sens, produisent un mouvement de réaction du satellite dans l’autre sens, permettant ainsi de le positionner dans l’espace dans une direction précise et le stabiliser. Or il faut au minimum trois roues pour conserver une bonne stabilité.
Kepler en cours de montage, deux roues gyroscopiques sont visibles (cylindres noirs) (Ball Aerospace Corp.)
Les scientifiques savaient que Kepler était vulnérable sur ce point. En effet, déjà avant son lancement, l’équipe gérant la mission, connaissait les déboires qu’avaient eus auparavant d’autres satellites équipés des mêmes types de roues en provenance du même fabricant.
Des roues similaires avaient flanché sur le Far Ultraviolet Spectroscopic Explorer (FUSE) de la NASA en 2001, ainsi que sur le Hayabusa japonais en 2004 et 2005. Quant au satellite TIMED (Thermosphere Ionosphere Mesosphere Energetics and Dynamics), il connut une avarie sévère de roue gyroscopique en 2007. La  sonde Dawn, connut elle deux défauts de roue consécutifs en 2010 et 2012 (mais Kepler était déjà en orbite)…


Mais c’est surtout le problème de TIMED qui fit prendre conscience au fabricant de Kepler, Ball Aerospace, du problème potentiel, à la fin 2007. Entre-temps, Kepler était déjà prêt à être lancé. Bien sûr, il a été envisagé de démonter en grande partie le télescope pour changer entièrement le système gyroscopique ou encore d’ajouter des systèmes redondants. Mais toutes les solutions imaginées étaient bien trop couteuses, et auraient impliquées des années de délais supplémentaires pour une mission très attendue qui avait été retardée déjà par deux fois.


Les roues gyroscopiques furent tout de même démontées au début 2008 pour être réinspectées chez leur fabricant, Ithaco Space Systems, qui effectua semble-t-il un remplacement de roulements à billes qui montraient déjà des signes de fatigue. Les modifications apportées devaient permettre selon Ithaco Space Systems de ne plus rencontrer les problèmes rencontrés par TIMED…

Vue d'artiste du Télescope Kepler (NASA/JPL)

A cette époque, les scientifiques de la NASA étaient tout à fait confiants, puisque la mission de Kepler devait durer seulement 3 ans et demi, durée attendue pour observer 150 000 étoiles à la recherche de planètes telluriques.

Ce n’est qu’après les premières observations du télescope en orbite que les astronomes se sont rendu compte que cela prendrait bien plus de temps… Ils ont en effet découvert que la plupart des étoiles semblables au soleil étaient beaucoup plus variables que lui, ce qui rendait la méthode de détection par transit un peu plus délicate. Il fallait plus de temps d’observation par étoile pour détecter la présence d’une planète de petite taille, de manière à ne pas confondre une fluctuation d’intensité propre à l’étoile et la variation produite par le passage d’une planète…

Les planètes découvertes par Kepler : taille en fonction de période orbitale (relativement à la Terre)
La NASA étendit donc la durée de la mission jusqu’en 2016. Et c’est à peu près à ce moment-là, en juillet dernier, que la première des quatre roues motorisées flancha…


On connait la suite. Kepler a fait des merveilles en tenant le coup durant 5 4 ans. Bien sûr, les scientifiques vont tenter l’impossible pour essayer de réactiver les deux roues défectueuses, à coups d’impulsions électriques calibrées sur les moteurs, mais l’optimisme n’est pas de mise de ce côté-là. Et une réparation en orbite en envoyant des astronautes est hors sujet….

Ce qui est sans doute le plus dommage, c’est que Kepler commençait tout juste à devenir sensible aux petites planètes de la taille de la Terre ayant des orbites du même type. Rien que dans les deux dernières années, il en aura déniché plusieurs centaines.


Le télescope Kepler a bien mérité son nom, de même que pour l’apport considérable de Johannes Kepler au début de XVIIème siècle, il y aura dans le domaine des exoplanètes, et en astrophysique en général, un avant et un après Kepler, et son nom restera associé à jamais à celui des planètes qu’il a permis de trouver.

Référence :

The wheels come off Kepler
Ron Cowen
Nature 497,  417–418  (23 May 2013)
 

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