C’en est fini de la
mission du satellite Kepler, le plus performant détecteur d’exoplanètes
que l’on ait construit. Le télescope spatial de la NASA subit en effet
une sévère avarie de gyroscope qui l’empêche de
se retourner correctement dans la direction que l’on souhaite...
C’est
avec un miroir de 1,4 mètre associé à une caméra de 95 mégapixels que ce
bijou technologique arrivé en orbite en 2009 a permis de découvrir pas
moins de 2700 exoplanètes.
La principale technique
employée par les astrophysiciens exploitant Kepler est la technique dite
du transit : détecter l’infime baisse de luminosité d’une étoile
lorsqu’une planète passe devant dans la ligne de
visée.
C’est une roue
gyroscopique qui vient de lâcher, après la première en juillet dernier.
Kepler est équipé de quatre roues gyroscopiques à réaction, qui,
lorsqu’elles tournent (entre 1000 et 4000 tours par minute)
dans un sens, produisent un mouvement de réaction du satellite dans
l’autre sens, permettant ainsi de le positionner dans l’espace dans une
direction précise et le stabiliser. Or il faut au minimum trois roues
pour conserver une bonne stabilité.
Kepler en cours de montage, deux roues gyroscopiques sont visibles (cylindres noirs) (Ball Aerospace Corp.) |
Les scientifiques
savaient que Kepler était vulnérable sur ce point. En effet, déjà avant
son lancement, l’équipe gérant la mission, connaissait les déboires
qu’avaient eus auparavant d’autres satellites équipés
des mêmes types de roues en provenance du même fabricant.
Des roues
similaires avaient flanché sur le
Far Ultraviolet Spectroscopic Explorer (FUSE) de la NASA en 2001, ainsi que sur le
Hayabusa japonais en 2004 et 2005. Quant au satellite TIMED (Thermosphere Ionosphere Mesosphere Energetics and Dynamics), il connut une avarie sévère de roue gyroscopique en 2007. La sonde
Dawn, connut elle deux défauts de roue consécutifs en 2010 et 2012 (mais
Kepler était déjà en orbite)…
Mais c’est surtout le problème de
TIMED qui fit prendre conscience au fabricant de Kepler, Ball Aerospace,
du problème potentiel, à la fin 2007. Entre-temps, Kepler était déjà
prêt à être lancé. Bien sûr, il a été envisagé de démonter en grande
partie le télescope pour changer
entièrement le système gyroscopique ou encore d’ajouter des systèmes
redondants. Mais toutes les solutions imaginées étaient bien trop
couteuses, et auraient impliquées des années de délais supplémentaires
pour une mission très attendue qui avait été retardée
déjà par deux fois.
Les roues gyroscopiques furent tout de même démontées au début 2008 pour être réinspectées chez leur fabricant,
Ithaco Space Systems, qui effectua semble-t-il un remplacement de
roulements à billes qui montraient déjà des signes de fatigue. Les
modifications apportées devaient permettre selon
Ithaco Space Systems de ne plus rencontrer les problèmes rencontrés par TIMED…
Vue d'artiste du Télescope Kepler (NASA/JPL) |
A cette époque, les scientifiques de la NASA étaient tout à fait confiants, puisque la mission de
Kepler devait durer seulement 3 ans et demi, durée attendue pour observer 150 000 étoiles à la recherche de planètes telluriques.
Ce n’est qu’après les
premières observations du télescope en orbite que les astronomes se sont
rendu compte que cela prendrait bien plus de temps… Ils ont en effet
découvert que la plupart des étoiles semblables
au soleil étaient beaucoup plus variables que lui, ce qui rendait la
méthode de détection par transit un peu plus délicate. Il fallait plus
de temps d’observation par étoile pour détecter la présence d’une
planète de petite taille, de manière à ne pas confondre
une fluctuation d’intensité propre à l’étoile et la variation produite
par le passage d’une planète…
Les planètes découvertes par Kepler : taille en fonction de période orbitale (relativement à la Terre) |
La NASA étendit donc la
durée de la mission jusqu’en 2016. Et c’est à peu près à ce moment-là,
en juillet dernier, que la première des quatre roues motorisées flancha…
On connait la suite.
Kepler a fait des merveilles en tenant le coup durant 5 4 ans. Bien sûr,
les scientifiques vont tenter l’impossible pour essayer de réactiver les
deux roues défectueuses, à coups d’impulsions
électriques calibrées sur les moteurs, mais l’optimisme n’est pas de
mise de ce côté-là. Et une réparation en orbite en envoyant des
astronautes est hors sujet….
Ce qui est sans doute le plus dommage, c’est que
Kepler commençait tout juste à devenir sensible aux petites
planètes de la taille de la Terre ayant des orbites du même type. Rien
que dans les deux dernières années, il en aura déniché plusieurs
centaines.
Le télescope Kepler a bien mérité son nom, de même que pour l’apport considérable de
Johannes Kepler au début de XVIIème siècle, il y aura dans le domaine des exoplanètes, et en astrophysique en général, un avant et un après
Kepler, et son nom restera associé à jamais à celui des planètes qu’il a permis de trouver.
Référence :
The wheels come off Kepler
Ron Cowen
Nature 497, 417–418 (23 May 2013)
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