jeudi 14 janvier 2016

SN 2015L : la Supernova la plus lumineuse jamais observée

La supernova la plus lumineuse jamais observée vient d'être découverte. L'annonce est publiée aujourd'hui dans la revue Science mais la découverte date du 14 juin dernier. Cette supernova superlumineuse a été détectée par le système de télescopes automatisés All Sky Automated Survey for SuperNovae (ASAS-SN) qui scanne tout le ciel en permanence à la recherche d'événements transitoires. ASAS-SN 15lh (ou SN 2015L) montre une luminosité gigantesque, deux fois plus grande que la précédente détentrice du record.


Au pays des supernovas, ASAS-SN 15lh (ou SN 2015L) vient donc de prendre la première place, avec une luminosité 200 fois plus grande que celle d'une supernova classique. Pour essayer de s'imaginer la chose, il faut comprendre que la quantité de lumière instantanée que SN 2015L a produite est équivalente à 570 milliards de fois celle du Soleil, ou 20 fois la somme de toutes les étoiles de notre galaxieDifficilement imaginable, en fait...

Vue d'artiste de la supernova ASAS-SN 15lh (SN 2015L) qui serait vue
sur une planète située à une distane de 10 000 années-lumière
(Beijing Planetarium / Jin Ma)
Dès que l'apparition de SN 2015L a été signalée le 14 juin 2015, de nombreux télescopes terrestres et spatiaux ont été tournés vers la nouvelle venue pour tenter d'en savoir plus. L'analyse spectrale de la lumière qui a pu être analysée  très vite avec le télescope chilien DuPont de 2,5 m pour déterminer les éléments chimiques diffusés par l'explosion a laissé les astronomes très perplexes, avec des spectres qui ressemblaient à rien de connu. Et ce n'est qu'une dizaine de jours plus tard, le 1er juillet 2015, grâce à une nouvelle observation avec le télescope SALT (South African Large Telescope) de 10 m, que Subo Dong, astronome au Kavli Institute de Pékin, a compris qu'il ne pouvait s'agir que d'une SN de type superlumineuse de classe I (ou SLSNe-I). 
En effet, SN 2015L montre quelques signes distinctifs des supernovas superlumineuses (qu'on appelle parfois hypernovas) dites "pauvres en hydrogène". Malheureusement, ces types de supernovas superlumineuses ont des progéniteurs et des sources d'énergie encore très mal compris.

SN 2015L pose de nombreuses questions aux astrophysiciens, à commencer par Subo Dong et son équipe. Les chercheurs ne parviennent pas encore à bien comprendre son origine. La plupart des supernovas superlumineuses qui ont pu être observées depuis 20 ans se trouvent dans des galaxies naines à fort taux de formation d'étoiles. A contrario, SN 2015L, elle, semble se trouver dans une grande galaxie trois fois plus grande que la Voie Lactée formant peu d'étoiles (située à 3,8 milliards d'années-lumière, ce qui en fait par chance la supernova superlumineuse la plus proche).
Face à cette étrangeté, les astronomes estiment qu'il serait aussi possible que l'étoile à l'origine de l'explosion ne se trouvait pas dans cette grande galaxie, mais bien dans une galaxie naine, qui serait située exactement dans la ligne de visée de la grosse galaxie, juste devant (ou derrière) elle...

L'une des hypothèses qui aurait pu expliquer la quantité d'énergie extrême qu'a produite SN 2015L comme d'autres SLSNe-I serait que son résidu soit un magnétar, une étoile à neutrons possédant un champ magnétique énorme. Mais les quatre mois d'observation continue qui ont suivi sa découverte montrent que cette hypothèse est difficilement viable... Trop d'énergie a été émise durant cette durée de quatre mois (autant que ce que notre soleil émettrait en 90 milliards d'années...). Il faudrait un pulsar magnétisé ayant une période de 1 ms avec un champ magnétique de 1014 Gauss (soit 10 milliards de Teslas...), qui transformerait toute son énergie rotationnelle en énergie thermique.
Images montrant la galaxie hôte avant l'explosion de ASAS-SN 15lh (à gauche) et la supernova (à droite)
(The Dark Energy Survey, B. Shappee and ASAS-SN team)
Un autre mécanisme traditionnel évoqué pour les supernovas superlumineuses est l'existence d'une onde de choc sur un nuage hydrogéné circumstellaire, mais ici l'absence d'hydrogène et d'hélium dans les observations rejette cette hypothèse. 
Par ailleurs, le suivi dans le temps de la courbe de lumière de SN 2015L juste après le pic d'intensité indique une évolution trop rapide pour qu'elle soit expliquée par la décroissance radioactive du 56Ni, qui est la source d'énergie principale des supernovas plus classiques comme celles de type Ia. D'ailleurs, Dong et al. ont calculé qu'il faudrait 30 masses solaires de nickel 56 pour produire le pic de luminosité qui a été observé...

Subo Dong le dit lui-même : "La réponse la plus honnête est que, à ce jour, nous ne savons pas ce que peut être la source d'énergie de ASAS-SN 15lh. Cette supernova devrait nous conduire à de nouvelles théories et de nouvelles observations de ce nouveau type de supernovas superlumineuses, c'est ce que nous allons faire dans les années qui viennent."

Heureusement, l'équipe de Subo Dong vient d'obtenir du temps d'observation sur le télescope spatial Hubble dès cette année. Il va ainsi pouvoir dévoiler quelques secrets du résidu de l'explosion en en révélant les vues les plus détaillées à ce jour, et qui sait, peut-être réussir à faire la lumière sur ce cataclysme.

A n'en pas douter, nous reparlerons très vite de SN 2015L...


Source : 

ASASSN-15lh: A highly super-luminous supernova
Subo Dong et al.
Science  Vol. 351, Issue 6270, pp. 257-260 ( 15 Jan 2016)
http://dx.doi.org/10.1126/science.aac9613
http://arxiv.org/pdf/1507.03010.pdf

1 commentaire :

Anonyme a dit…

J'allais le dire, peut-être que cette SN et en faite une HN tel le futur d'Eta Carinae.