jeudi 28 janvier 2016

La galaxie la plus lumineuse de l'Univers en train de s'auto-détruire

La galaxie la plus lumineuse que nous connaissons, un quasar nommé W2246-0526, a été observée en train d’éjecter la quasi-totalité de son gaz nécessaire à la fabrication de nouvelles étoiles. Le processus montre l’existence de turbulences hors normes.



Tanio Diaz-Santos décrit ce que son équipe a observé comme une marmite d’eau bouillante chauffée par un réacteur nucléaire. L’image est évidemment un peu trompeuse. Le quasar W2246-0526 est énergétisé par encore mieux qu’un réacteur nucléaire : un trou noir supermassif. Et l’eau dans la métaphore de l’astronome chilien doit être remplacée par du gaz interstellaire. W2246-0526 est une découverte récente car c’est en 2015 que ce quasar a été identifié, situé à la belle distance de 12,4 milliards d’années-lumière. Sa luminosité est exceptionnelle, 10 000 fois plus élevée que celle de la Voie Lactée, avec pourtant une taille plus petite.  Il a été découvert grâce au télescope infra-rouge WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer).

Vue d'artiste du quasar W2246-0526
(NRAO/AUI/NSF; Dana Berry / SkyWorks; ALMA (ESO/NAOJ/NRAO))
Ce quasar (ou cette galaxie active) fait partie d’une classe de galaxies qui sont appelées des Hot DOGs - défense de rire -  qui signifie Hot, Dust Obscured Galaxies (galaxies chaudes obscurcies de poussière). Ces galaxies ont le point commun d’être essentiellement visibles en infra-rouge et de posséder un bon gros trou noir supermassif très actif. W2246-0526 peut également être classifiée dans la famille de galaxies dite ELIRG (Extra Luminous Infrared Galaxies).

Tanio Diaz et ses collaborateurs ont observé W2246-0526 dans les longueurs d’ondes submillimétriques, à la frontière des infra-rouges et des ondes radio, grâce au réseau de radiotélescopes ALMA, situé dans le désert de l’Atacama au Chili. Ils ont réussi à déterminer la dynamique du gaz expulsé par la galaxie.
De grandes quantités de gaz semblent se trouver ainsi dans un état fortement turbulent et avec des vitesses très élevées pouvant atteindre plus de 500 km/s. La turbulence du milieu interstellaire est déduite par les chercheurs grâce à l'observation de la dispersion de la raie d’émission du carbone, centrée à 157,7 µm mais qui se trouve très élargie, signant une forte dispersion de vitesse de la source d’émission, visible de manière homogène sur plus de 8000 années-lumière à travers la galaxie.
Diaz-Santos et ses co-auteurs estiment que le comportement très turbulent observé peut être lié à l’extrême luminosité de W2246-0526, qui est produite par un disque de gaz surchauffé spiralant vers le trou noir. La lumière intense et énergétique produite par ce disque d’accrétion est ensuite absorbée par les vastes nuages de gaz entourant le disque et le trou, qui réémettent ensuite l’énergie emmagasinée sous la forme de rayonnement infra-rouge.
C’est visiblement cette intense émission infra-rouge qui provoque les turbulences observées dans toute la galaxie. Les astronomes estiment qu’à ce rythme,  W2246-0526 aura rapidement expulsé la totalité de son gaz, celui-là même qui lui sert à former de nouvelles étoiles. Mais il se peut également que l’activité du quasar se calme rapidement par manque de matière à accréter, et avec elle l’éjection rapide de gaz, permettant à la galaxie de connaître enfin une phase plus normale.


Source :

The strikingly uniform, highly turbulent interstellar medium of the most luminous galaxy in the universe
T. Díaz-Santos et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 816, Number 1 (2016)

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