06/01/16

L’âge des vieilles étoiles revisité

Connaître l’âge des étoiles est un point essentiel en astrophysique, notamment pour l’étude de l’évolution stellaire. Pour cela, les astrophysiciens utilisent des techniques diverses et parmi elles la gyrochronologie. Mais cette méthode vient d’être mise à mal par de nouvelles observations.




Credit : CEA Irfu
La gyrochronologie est fondée sur la mesure de la vitesse de rotation des étoiles, vestige de la contraction du nuage de gaz leur ayant donné naissance. Cette vitesse de rotation n’a de cesse de ralentir au cours du temps, par le freinage magnétique produit par l’interaction du champ magnétique avec le vent stellaire émis par l’étoile. A partir de cas étalons pour lesquels on connait la rotation et l’âge par un autre moyen, l’âge des étoiles peut ainsi être évalué indirectement par gyrochronologie en mesurant leur vitesse de rotation. Mais cette méthode n’a été jusqu’à aujourd’hui correctement étalonnée que pour des étoiles plus jeunes que le soleil, jusqu’à environ 1 milliard d’années. 
Mais un nouvel outil puissant d’analyse permettant d’estimer l’âge des étoiles via l’étude de leur structure interne a vu le jour il y a une dizaine d’années. Il s’agit de l’asterosismologie, qui, grâce à l’observation de très fines variations de luminosité engendrées par les ondes sismiques ou acoustiques parcourant l’étoile, permet de déterminer son âge.
Des astrophysiciens, menés par Jennifer van Saders, jeune chercheuse à l'Observatoire Carnegie de Pasadena en Californie, dont plusieurs français du CEA et du CNRS ont donc voulu vérifier que la mesure du vieillissement des étoiles par gyrochronologie était bien cohérente avec celle obtenue par asterosismologie pour des étoiles assez vieilles. Ils ont pour cela analysé les données d’une vingtaine d’étoiles fournies par le télescope spatial Kepler, qui donne des informations exploitables simultanément pour l’asterosismologie et pour la gyrochronologie, en plus de chasser des exoplanètes par détection de transits. Les chercheurs se sont intéressé à la fois à des étoiles de plus de 5 milliards d’années ainsi qu’à un lot d’étoiles plus récentes (2,5 milliards d’années) situées dans l’amas ouvert NGC 6819.
La rotation d’une étoile se manifeste dans les courbes de lumière enregistrées par Kepler par une modulation périodique de l’intensité qui est induite quand des taches sombres traversent le disque stellaire. Les modes d’oscillations sismiques produisent, eux, des faibles variations d’intensité sur des échelles de temps plus courtes, comme une sorte de scintillement propre à l’étoile, mais qui n’est pas produit par les perturbations de l’atmosphère terrestre. Le signal asterosismique, quand de multiples modes d’oscillation sont détectés, permet aux astrophysiciens de donner un âge à l’étoile avec une précision remarquable inférieure à 10%.
Période de rotation prédite par gyrochronologie par rapport à celle observée par asterosismologie  (Pobs) en fonction de l'âge des étoiles. La position du Soleil est montré par le point entourée d'un cercle. Pour les étoiles plus vieilles que le Soleil, la période prédite est systématiquement plus élevée que la période observée montrant que ces étoiles ralentissement moins vite que prévu (R. Garcia, CEA Irfu).
Et les chercheurs  trouvent un écart entre les deux méthodes. Il existe une nette différence, mais seulement pour les étoiles les plus vieilles. Jusqu’à 2,5 milliards d’années, les deux méthodes sont très cohérentes. Mais au-delà d’un certain âge (environ 5 milliards d’années), la méthode de gyrochronologie n’est plus applicable. Il apparaît que la vitesse de rotation des étoiles diminue moins vite que prévu, le freinage magnétique serait beaucoup moins efficace. Notre Soleil avec ses 4,6 milliards d’années serait ainsi dans la zone transitoire entre les deux modes.
Ce que montrent ces résultats, c’est l’existence d’un changement rapide dans les dynamos stellaires lorsque les étoiles ont parcouru la moitié de leur vie dans la séquence principale (chemin d’évolution stellaire). Elles produiraient des vents magnétisés beaucoup plus faibles dans la seconde partie de leur vie, ralentissant alors moins vite.

Ces résultats qui ont été présentés cette semaine à la grande réunion d’hiver de l’American Astronomical Society et publiés simultanément dans Nature, donnent maintenant aux chercheurs une véritable limite d’applicabilité pour cette méthode de la gyrochronologie et pourraient amener à réévaluer l’âge de certaines étoiles situées à la limite des deux phases d’évolution.

Source :

Weakened magnetic braking as the origin of anomalously rapid rotation in old field stars
Jennifer L. van Saders et al.
Nature online (4 January 2016)


2 commentaires :

Unknown a dit…

je ne suis pas sûr d'avoir compris: si l'estimation de l'âge d'une étoile par gyrochronologie est supérieure à l'âge déterminé de façon plus précise par astérosismologie, n'est-ce donc pas le phénomène inverse que celui décrit? à savoir plus l'étoile vieillie et plus sa vitesse de rotation diminue à un rythme supérieur à celui que l'on pensait?

Dr Eric Simon a dit…

Bonjour,

Non, plus les étoiles sont vieilles, plus leur vitesse de rotation diminue, mais moins vite que ce qu'on pensait auparavant (elles sont moins freinées), ce qui fait que si cet âge est déterminé seulement par gyrochronologie, on trouve un âge trop faible (on voit des étoiles qui tournent vite, donc qui ont l'air jeunes (dans l'étalonnage gyrochronologique).