Connaître
l’âge des étoiles est un point essentiel en astrophysique, notamment pour
l’étude de l’évolution stellaire. Pour cela, les astrophysiciens utilisent des
techniques diverses et parmi elles la gyrochronologie.
Mais cette méthode vient d’être mise à mal par de nouvelles observations.
Credit : CEA Irfu |
La
gyrochronologie est fondée sur la mesure de la vitesse de rotation des étoiles,
vestige de la contraction du nuage de gaz leur ayant donné naissance. Cette
vitesse de rotation n’a de cesse de ralentir au cours du temps, par le freinage
magnétique produit par l’interaction du champ magnétique avec le vent stellaire
émis par l’étoile. A partir de cas étalons pour lesquels on connait la rotation
et l’âge par un autre moyen, l’âge des étoiles peut ainsi être évalué
indirectement par gyrochronologie en mesurant leur vitesse de rotation. Mais
cette méthode n’a été jusqu’à aujourd’hui correctement étalonnée que pour des
étoiles plus jeunes que le soleil, jusqu’à environ 1 milliard d’années.
Mais
un nouvel outil puissant d’analyse permettant d’estimer l’âge des étoiles via
l’étude de leur structure interne a vu le jour il y a une dizaine d’années. Il
s’agit de l’asterosismologie, qui,
grâce à l’observation de très fines variations de luminosité engendrées par les
ondes sismiques ou acoustiques parcourant l’étoile, permet de déterminer son
âge.
Des
astrophysiciens, menés par Jennifer van Saders, jeune chercheuse à l'Observatoire Carnegie de Pasadena en Californie, dont plusieurs français du CEA et du CNRS ont donc voulu
vérifier que la mesure du vieillissement des étoiles par gyrochronologie était bien cohérente avec celle obtenue par asterosismologie
pour des étoiles assez vieilles. Ils ont pour cela analysé les données d’une
vingtaine d’étoiles fournies par le télescope
spatial Kepler, qui donne des informations exploitables simultanément pour
l’asterosismologie et pour la gyrochronologie, en plus de chasser des
exoplanètes par détection de transits. Les chercheurs se sont intéressé à la
fois à des étoiles de plus de 5 milliards d’années ainsi qu’à un lot d’étoiles
plus récentes (2,5 milliards d’années) situées dans l’amas ouvert NGC 6819.
La
rotation d’une étoile se manifeste dans les courbes de lumière enregistrées par
Kepler par une modulation périodique de l’intensité qui est induite quand des
taches sombres traversent le disque stellaire. Les modes d’oscillations
sismiques produisent, eux, des faibles variations d’intensité sur des échelles
de temps plus courtes, comme une sorte de scintillement propre à l’étoile, mais
qui n’est pas produit par les perturbations de l’atmosphère terrestre. Le
signal asterosismique, quand de multiples modes d’oscillation sont détectés, permet
aux astrophysiciens de donner un âge à l’étoile avec une précision remarquable
inférieure à 10%.
Et
les chercheurs trouvent un écart entre
les deux méthodes. Il existe une nette différence, mais seulement pour les
étoiles les plus vieilles. Jusqu’à 2,5 milliards d’années, les deux méthodes
sont très cohérentes. Mais au-delà d’un certain âge (environ 5 milliards
d’années), la méthode de gyrochronologie n’est plus applicable. Il apparaît que
la vitesse de rotation des étoiles diminue moins vite que prévu, le freinage
magnétique serait beaucoup moins efficace. Notre Soleil avec ses 4,6 milliards
d’années serait ainsi dans la zone transitoire entre les deux modes.
Ce que montrent ces résultats, c’est
l’existence d’un changement rapide dans les dynamos stellaires lorsque les
étoiles ont parcouru la moitié de leur vie dans la séquence principale (chemin
d’évolution stellaire). Elles produiraient des vents magnétisés beaucoup plus
faibles dans la seconde partie de leur vie, ralentissant alors moins vite.
Ces
résultats qui ont été présentés cette semaine à la grande réunion d’hiver de l’American Astronomical Society et
publiés simultanément dans Nature, donnent maintenant aux chercheurs une
véritable limite d’applicabilité pour cette méthode de la gyrochronologie et
pourraient amener à réévaluer l’âge de certaines étoiles situées à la limite
des deux phases d’évolution.
Source :
Weakened magnetic braking as the origin of anomalously rapid rotation in
old field stars
Jennifer L. van Saders et al.
Nature online (4 January 2016)
2 commentaires :
je ne suis pas sûr d'avoir compris: si l'estimation de l'âge d'une étoile par gyrochronologie est supérieure à l'âge déterminé de façon plus précise par astérosismologie, n'est-ce donc pas le phénomène inverse que celui décrit? à savoir plus l'étoile vieillie et plus sa vitesse de rotation diminue à un rythme supérieur à celui que l'on pensait?
Bonjour,
Non, plus les étoiles sont vieilles, plus leur vitesse de rotation diminue, mais moins vite que ce qu'on pensait auparavant (elles sont moins freinées), ce qui fait que si cet âge est déterminé seulement par gyrochronologie, on trouve un âge trop faible (on voit des étoiles qui tournent vite, donc qui ont l'air jeunes (dans l'étalonnage gyrochronologique).
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