Le trou noir supermassif tapi au centre de notre galaxie, Sgr A*, est très calme, absorbant occasionnellement quelques nuages de gaz passant à côté, mais cela n’a pas toujours été le cas. Une étude révèle qu’il a été très actif il y a seulement 6 millions d’années.
Sgr A* a donc fait de notre galaxie une sorte de mini-quasar à l’époque où des hominidés sur Terre commençaient à se déplacer sur leurs pattes arrières. L’histoire de l’activité de notre trou noir supermassif a pu être retracée par les astrophysiciens grâce à l’étude des données d’observation en rayons X du télescope spatial européen XMM-Newton. Fabrizio Nicastro (Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics) et son équipe cherchaient à localiser la matière ordinaire manquante de notre galaxie, celle que l’on sait exister mais qui est si difficile à mettre en évidence : le gaz chaud. Rappelons ici que la masse de notre Galaxie est estimée à environ 1000 milliards de masses solaires, parmi lesquelles environ 200 milliards est de la matière ordinaire (baryonique), le restant étant de la matière noire. Mais dans ces 200 milliards de masses solaires de matière ordinaire, seuls 65 milliards sont formées d’étoiles, poussière, gaz (froid), planètes et autres trous noirs. Les 135 milliards de masses solaires restantes sont activement recherchées et sont désormais estimées être constituées de gaz chaud, ionisé, échappant facilement à la détection directe.
Mais le gaz, quand il est très chaud, rayonne en rayons X, et peut être observé avec des télescopes spéciaux, télescopes spatiaux, comme par exemple Chandra ou XMM-Newton. Non seulement il peut émettre des rayons X mais ce vaste halo de gaz chaud peut également occulter les rayons X provenant de lointaines sources, et c’est avec cette méthode que les astrophysiciens américains et italiens ont cartographié le gaz chaud de la Voie Lactée.
Ce qu’ils trouvent, c’est que le gaz chaud n’est pas uniformément réparti tout autour de la galaxie, mais qu’il existe une sorte de grosse bulle de "vide" qui part du centre et qui s’étend en dessous et au-dessus du plan galactique jusqu’à 6 kpc de distance (20 000 années-lumière).
La formation de cette bulle au sein du halo de gaz a nécessité une énergie colossale, avec des vitesses de l’ordre de 1000 km/s et la présence d’une onde de choc. Un tel phénomène peut s’expliquer par l’activité soudaine du trou noir supermassif, qui, en absorbant de grandes quantités de matière, produit un jet de rayonnement et de particules le long de son axe de rotation.
En connaissant la vitesse de l’onde de choc qui est générée par un tel phénomène et le fait qu’on l’observe à 20 000 années-lumière du trou noir aujourd’hui, les chercheurs en déduisent l’époque à laquelle ce sursaut d’activité a eu lieu : il y a 6 millions d’années.
Et comme par hasard, il se trouve qu’à proximité immédiate du centre galactique se trouve un groupe d’étoiles très jeunes, qui ont justement elles aussi 6 millions d’années. Les astrophysiciens font le lien et pensent que ces étoiles se sont formées à partir de la même matière que celle qui a été avalée et en partie « recrachée » brutalement par Sgr A*.
Martin Elvis, co-auteur de l’étude parue dans The Astrophysical Journal Letters, précise : «Ces différents indices collent très bien ensemble. La phase active a dû durer environ 2 millions d’années, ce qui est tout à fait raisonnable pour un quasar. »
Et, au fait : l’équipe de Fabrizio Nicastro a aussi pu estimer la masse totale du gaz chaud, ce qui était leur but initial : ils trouvent que le halo de gaz s’étend jusqu’à environ 200 kpc du centre (650 000 années-lumière) et a une masse de 130 milliards de masses solaires ! Toute la matière ordinaire manquante est donc bien là.
Il sera intéressant d’en savoir plus sur les sursauts d’activité de Sgr A*. Pour cela, une nouvelle génération de télescopes à rayons X, toujours des télescopes spatiaux, devraient prendre la relève de Chandra et XMM-Newton, celle que le japonais Hitomi n’a hélas pas pu prendre. Des projets américains et européens sont déjà dans les cartons et pourraient être mis en orbite vers la fin des années 2020.
Source :
A distant echo of milky way central activity closes the galaxy's baryon census
F. Nicastro et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 828, Number 1 (29 august 2016)
Illustration :
Vue d'artiste de notre Galaxie telle qu'elle devait apparaître il y a 6 millions d'années, montrant des jets provenant du trou noir supermassif central (Mark A. Garlick/CfA)
3 commentaires :
Bonjour,
L'estimation de 130 milliards de masses solaires, c'était sans connaître la vitesse de 180 km/s ?
Oui, je pense, vu les dates des publis en question.
Ils sont pourtant au courant de la détection d'un blueshift et d'un redshift, mais (je cite l'article https://arxiv.org/pdf/1604.08210v2.pdf ) :
Finally, the Fermi Bubbles have also been detected recently in moderately ionized metal
absorption, towards a single line of sight passing through the bubble and showing two velocity peaks, one blue-shifted and one red-shifted by few hundreds of km/s, compared to the restframe position of the transitions (Fox et al., 2015). These two peaks in velocity have been interpreted as due absorption by the near- and far-side of the bubble, as seen from our position, and would indicate an expansion velocity of the Bubble of about 1000 km s−1 (Fox et al., 2015).
If this interpretation is correct, the Fermi Bubbles would not only contain hot Compton-scattering electron responsible for the observed Gamma-ray emission, but also much cooler gas producing low-ionization metal absorption. Our findings shows that the
same (or a similar) structure is also present in hotter, million degree, gas, traced by OVII
absorption.
Quant aux 130 milliards, c'est plutôt une range très large en fait :
3.6. Measurement of Halo Extent and Mass
A partir de nos best-fitting modèles, nous estimons la masse baryonique chaude totale :
- entre 10 et 50 milliards de masses solaires dans le modèle A.
- entre 60 et 340 milliards de masses solaires dans le modèle B.
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