Une planète tellurique est donc en orbite autour de Proxima Centauri à une distance de l'étoile propice à la présence d'eau liquide. Proxima b est ainsi l'exoplanète la plus proche de la Terre, mais 4,2 années-lumière est toujours très très loin…
Cette information qui fait sensation, ne devrait pourtant pas. On sait depuis les découvertes du télescope Kepler, que le nombre de planètes de type Terre est de l'ordre de 10 à 20 milliards dans notre galaxie. Il n'est donc pas surprenant que l'une d'entre elles se trouve autour de cette naine rouge Proxima Cen, qui se trouve être l'étoile la plus proche du Soleil. Le fait qu'elle se situe dans la zone qu'on appelle « zone habitable » et qui veut simplement dire que la température à sa surface est compatible avec la présence d'eau liquide est intéressant, mais ne nous y trompons pas : cela ne signifie en aucun cas que cette planète soit habitable en tant que tel. La première condition (la possibilité de présence de l'eau sous forme liquide) est simplement remplie.
Pour être habitable, cette planète devrait en outre posséder de l'eau, ce qui n'est pas évident a priori, ainsi qu'une atmosphère adaptée chimiquement (les bons éléments) et physiquement (la bonne pression et température). Un autre élément qui fait que Proxima b pourrait être difficilement habitable est qu'elle serait en rotation synchrone, à la manière de la Lune autour de la Terre : le même hémisphère serait toujours orienté vers l'étoile, ce qui donnerait un hémisphère plutôt chaud et l'autre beaucoup plus froid, avec les effets atmosphériques néfastes que cela induit. Par ailleurs, les naines rouges comme Proxima Cen sont des étoiles qui produisent de nombreuses éruptions (particules chargées), ce qui ne paraît pas très accueillant… à moins que la planète ne possède un fort champ magnétique, utile pour dévier les protons du vent stellaire (ou que les formes de vie potentielles soient très résistantes au rayonnement). La proximité de la planète de son étoile induit également un flux intense de rayons UV et de rayons X (400 fois plus que ce que reçoit la Terre). Proxima b subirait également directement le champ magnétique de Proxima, soit un champ de 600 Gauss (environ 500 fois plus important que le champ magnétique du Soleil mesuré sur Terre).
La masse de Proxima b a pu être évaluée à au moins 1,3 fois celle de la Terre (elle peut être supérieure). Elle se trouve très proche de l'étoile (7 millions de km) ce qui lui fait une période orbitale de 11,2 jours, l'année y est vraiment très courte… C'est parce que la naine rouge est froide (3050 K) et petite (une masse de 0,12 masse solaire et un rayon de 14% de celui du Soleil) que la planète peut être si près tout en se trouvant dans la zone de l'eau liquide. En termes de luminosité, Proxima émet 700 fois moins que notre Soleil.
C'est en 2000 qu'un projet de recherche a été lancé pour étudier le spectre de Proxima Cen sur le télescope de 3,6 m de l'ESO à La Silla au Chili, à la recherche de variations périodiques du décalage spectral qui signeraient la présence d'un petit corps en orbite, produisant d'infimes variations de vitesses mais décelables dans le spectre. Après avoir trouvé des indices de telles oscillations de décalage spectral avec une période de 11,2 jours, les astronomes ont cherché à éliminer toutes les autres possibilités pouvant mimer ce signal, comme par exemple une variation propre à l'étoile.
Entre janvier et mars 2016, l'équipe de Guillem Anglada-Escudé (Queen Mary University, Londres) a donc observé Proxima Cen chaque nuit durant 20 minutes d'affilée sur d'autres télescopes de l'ESO pour déterminer sans doute possible que l'oscillation de décalage spectral était bien dû à la présence d'une planète. Les données qui s'étalent sur plus de 15 ans apparaissent très robustes et permettent aux astronomes d'annoncer cette découverte avec confiance.
Les chercheurs, à partir de leurs données, ne peuvent pas exclure la présence potentielle d'une deuxième planète plus massive qui pourrait tourner autour de Proxima Cen avec une orbite plus éloignée (avec une période comprise entre 100 et 400 jours), donc en dehors de la zone de l'eau liquide de l'étoile, et qui n'aurait pas d'effet de perturbation sur Proxima b.
Les astronomes cherchent maintenant activement à voir si Proxima b ne ferait pas des transits devant Proxima, ce qui permettrait de savoir si elle possède une atmosphère et de déterminer sa taille, et donc sa densité et indirectement sa composition. En vain pour le moment.
Les prochaines décennies pourraient offrir la possibilité de produire une imagerie directe de Proxima b et pourquoi pas une étude spectroscopique de haute résolution pour en apprendre toujours plus sur sa nature, grâce aux futurs grands télescopes. Quant à y envoyer une sonde, quelques siècles seront sans doute encore nécessaires, sachant qu'à la vitesse de notre sonde la plus rapide actuelle (Juno), le temps de trajet pour rejoindre Proxima b est de 20 000 ans environ. Et oubliez ces projets de type Breakthrough Starshot qui visent à envoyer une microsonde à 20% de la vitesse de la lumière pour rejoindre Proxima en 20 ans sans moyen de freinage : un tel truc survolerait l'exoplanète en moins d'une seconde, de quoi ne rien pouvoir analyser.
Sources :
A terrestrial planet candidate in a temperate orbit around Proxima Centauri
Guillem Anglada-Escudé et al.
Nature 536, 437–440 (25 August 2016)
Earth-sized planet around nearby star is astronomy dream come true
Alexandra Witze
Nature 536, 381–382 (25 August 2016)
2 commentaires :
Question naïve : pourquoi ne pas envoyer un faisceau laser ou autre onde électro-magnétique en direction de cette planète pour espérer avoir un "écho" en retour (au bout de 8,4 ans), conteneur d'informations sur sa composition ? (A voir la puissance qu'il faudrait...)
Si la rotation est synchrone, ne pourrait-il pas exister une zone protégée des rayonnements où l'étoile serait juste passé l'horizon?
Alpha du Centaure A et B seraient toujours là pour animer le perpétuel crépuscule.
Enregistrer un commentaire