Le plus gros satellite de Saturne (qui est visible ce soir au sud-ouest dans un bel alignement avec Mars et Antarès), Titan, continue de bluffer les planétologues : des profonds canyons où coule un fleuve de méthane ont été observés par la sonde Cassini.
Le cycle géologique de Titan, contrairement à celui de la Terre, n’est pas fondé sur la circulation de l’eau mais sur celle du méthane liquide (ce qu’on appelle chez nous le gaz naturel, CH4). Il se trouve à l’état liquide à la surface de Titan grâce à la basse température qui y règne (-180°C). L’équipe de Valerio Poggiali (Sapienza Università, Rome) a analysé des données altimétriques obtenues par la sonde Cassini (altimètre RADAR) lors d’un survol de Titan en mai 2013 pour explorer plus en détails les pourtours des vastes mers d’hydrocarbures de Titan.
Les planétologues montrent dans leur article paru le 10 août dans Geophysical Review Letters que des canyons très profonds existent aux abords de Ligeia Mare, la seconde plus grande mer de Titan. Non seulement ces canyons creusés dans la surface glacée atteignent une profondeur de 570 m pour une largeur inférieure à 1 km, mais les données radar de Cassini ont pu montrer que les canyons ne sont pas vides : un liquide y coule, à une altitude égale à celle de Ligeia Mare (mesurée avec une précision de 0,7 m) et ce liquide n’est autre que du méthane. Plus exactement, il s’agit de 8 canyons qui se répartissent en forme de delta à l’embouchure de la rivière nommée Vid Flumina longue de près de 400 km et qui se jette dans Ligeia Mare.
Plus en amont de la rivière, trois observations isolées attestent de la présence de surfaces liquides qui sont observées à une altitude de plusieurs dizaines de mètres et viennent alimenter Vid Flumina.
Les chercheurs estiment qu’une combinaison de facteurs géologiques ont permis la formation de ces canyons comme notamment des changements de niveau de la mer et des mouvements tectoniques.
Ces observations montrent une impressionnante ressemblance avec les canyons terrestres, malgré les différences d’environnements (chaud et aqueux ici, froid et hydrocarboné sur Titan). Mais alors que les vallées fluviales de Titan possèdent des similitudes avec nos fjords érodés par des glaciers, elles n’ont très probablement pas la même origine car la présence de glaciers sur Titan est très peu probable thermodynamiquement.
Les gorges observées, selon Valerio Poggiali, ont en revanche une morphologie très similaire à celles du Nil, formées lorsque le niveau de la Méditerranée s’est abaissé à la fin du Miocène, donnant une forte puissance au fleuve qui devenait surélevé par rapport au niveau de la mer, pouvant alors creuser le terrain.
Cette observation est la première à détecter dans notre système solaire des canyons actifs, où du liquide est en train de couler, même si ce n’est pas de l’eau. La compréhension des processus à l’origine de ces canyons devrait éclairer l’évolution et l’état présent de la géomorphologie de Titan.
Malheureusement, la mission de Cassini touche à sa fin (prévue l’année prochaine) et elle ne retournera plus survoler Titan. De nouvelles informations sur l’un des satellites du système solaire les plus riches ne pourront être obtenues in situ que dans de très longues années, la priorité ayant été donnée à d’autres explorations comme celle d’Europe autour de Jupiter. Mais les planétologues peuvent continuer à exploiter les archives des nombreuses données fournies par les instruments de Cassini, qui n’ont pas fini de faire parler d’elles.
Source :
Liquid-filled canyons on Titan
V. Poggiali et al.
Geophysical Research Letter (9 August 2016)
Illustrations :
1) Zoom sur Vid Flumina par Cassini (NASA/JPL)
2) Ligeia Mare, la seconde plus grande mer de Titan (NASA/JPL)
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