L’épaisseur de la croûte de glace au pôle Sud d’Encelade serait beaucoup plus fine que ce que l’on pensait. On doit ce résultat à des analyses des données du radar de la sonde Cassini effectuées par une équipe franco-américaine.
Le pôle Sud de Encelade, ce petit satellite de Saturne de 500 km de diamètre, est l’un des endroits les plus passionnants du système solaire. La sonde Cassini y a découvert en 2005 des jets de vapeur d’eau salée sortant de grandes fractures de sa croûte de glace. Depuis lors, de nombreuses données de différentes natures (champ de gravité, mouvements propres, libration …) ont permis aux planétologues de déduire la présence sur Encelade d’un grand océan global chaud situé sous une épaisse couche de glace. La nouvelle étude publiée aujourd’hui dans Nature Astronomy et conduite par la planétologue française Alice Le Gall (Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales à l’Université Versailles Saint-Quentin) avec de nombreux collaborateurs français de l’Université de Nantes (Laboratoire de Planétologie et géodynamique de Nantes), de l’observatoire de Paris (LESIA) et du Laboratoire Astrophysique, Instrumentation et Modélisation (CNRS/CEA/Université Paris-Diderot), a exploité des données micro-ondes obtenues par l’instrument (bien nommé) RADAR de Cassini durant son survol rapproché d’Encelade du 6 novembre 2011 (le 16ème survol, dénommé E16). Ce survol a été le seul ayant permis d’avoir des données radar à haute résolution de la région du pôle sud d’Encelade, et ces données offrent une vision unique de ce qui semble se passer sous la surface du satellite.
La zone mesurée par l’instrument RADAR couvre un ruban de 500 km de longueur pour une largeur de 25 km, à environ 40 km au nord des grandes fractures visibles au pôle sud d’Encelade libérant de l’eau. Des contraintes opérationnelles n’ont hélas pas permis de pointer directement les fractures elles-mêmes.
Les observations indiquent que les quelques mètres sous la surface glacée dans la région investiguée ont une température plus élevée que ce qui était attendu : entre 32 K et 60 K, soit jusqu’à 20 kelvins plus chaud qu’attendu pour certains points. Elles montrent ainsi que des anomalies thermiques existent bien au-delà des zones de fracturation d’où émergent les « geysers ».
Alice Le Gall et ses collègues déduisent la présence d’une source de chaleur interne à Encelade. Qui plus est, les anomalies thermiques détectées semblent localisées sur trois fractures qui ressemblent aux fractures aqueuses situées plus au sud mais ne montrent elles pas de fuites d’eau. Les chercheurs estiment donc que la géologie d’Encelade est très dynamique. Le fait d’observer des fractures dormantes au-dessus de « points chauds » indique que la lune saturnienne aurait pu connaître plusieurs épisodes actifs dans son histoire et dans différentes zones.
L’analyse des anomalies thermiques détectées, aidée par des simulations de la structure d’Encelade, fait dire aux planétologues français et américains que c’est toute la région qui est plus chaude que prévu et que l’océan pourrait ainsi se trouver à seulement 2 km de la surface au niveau du pôle sud. Il est à noter qu’une étude parue l’année dernière avait déjà revu à la baisse l’épaisseur de la croûte de glace du pôle sud à 5 km au maximum.
Les chercheurs pensent que la source de chaleur interne produisant l’échauffement observé est liée aux cycles de marées subis par Encelade lors de son orbite excentrique autour de Saturne. Ces forces incessantes produiraient des compressions et des déformations de la croûte glacée pouvant mener à des fractures et un échauffement des couches de subsurface. Et plus la croûte de glace est mince, plus ces effets seraient prononcés.
Aucune nouvelle mission n’est hélas prévue dans un avenir à moyen terme pour poursuivre l’exploration d’Encelade. Il semble pourtant qu’il y a là un océan plus qu’intéressant pour l’exobiologie, et qui semble se trouver finalement de plus en plus à portée de main.
Référence
Thermally anomalous features in the subsurface of Enceladus’s south polar terrain
A. Le Gall et al.
Nature Astronomy 1, Article number: 0063 (13 march 2017)
Illustrations
1) Les fractures du pôle sud d’Encelade, la zone investiguée est la bande colorée (NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute)
2) Encelade imagée par Cassini (NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute)
3) Vidéo : Alice Le Gall raconte son activité de recherche sur les données radar de Rosetta et de Cassini (Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines).
2 commentaires :
ça me désole que les agences spatiales ne pensent qu'à Mars (en plus, juste pour, potentiellement, trouver les traces d'une vie passée...) alors que l'étude des lunes joviennes et saturniennes (je ne sais pas si ça se dit comme ça pour les lunes de Saturne) est, à mon sens, beaucoup plus intéressante. Je suis impatient que l'on y envoie une sonde pour analyser l'eau de cet océan (idem pour les mares d'hydrocarbures de Titan et les océans d'Europe)
Je pense que c'est déja extrêmement compliqué et très cher d'envoyer une sonde sur Mars, alors on peut comprendre que Encelade beaucoup plus éloignée, soit actuellement une destination "secondaire", pour le moment...
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