On connait moins d'une centaine de trous noirs stellaires sur les 10 millions que doit contenir notre galaxie. Ceux qui ont été trouvés l'ont été indirectement grâce aux émissions de rayons X produites à leur voisinage proche. Aujourd'hui, c'est la première fois que l'on détecte un tel petit trou noir, cette fois-ci directement par ses effets d'attraction gravitationnelle sur le mouvement d'une étoile voisine.
Ce nouveau trou noir ne se trouve pas n'importe où dans la Galaxie, il est situé en plein cœur d'un amas d'étoiles de type globulaire, l'amas nommé NGC 3201 qui est situé à 3,8 kpc (12400 années-lumière). Benjamin Giesers (Université de Göttingen) et son équipe européenne cherchaient à identifier des systèmes d'étoiles binaires dans 25 amas globulaires différents, dont NGC 3201, avec l'instrument MUSE monté sur le VLT de l'ESO. La force du spectrographe MUSE (Multi Unit Spectroscopic Explorer), c'est qu'il peut enregistrer très vite plusieurs milliers de spectres par amas d'étoiles. Dans leurs données spectroscopiques, les chercheurs ont remarqué une étoile qui montrait une vitesse radiale très anormale , avec des variations rapides de plus de 100 km/s, trahie par ses décalages spectraux périodiques. Cette étoile semblait tourner autour de quelque chose d'invisible avec une période orbitale de 166,88 jours. Outre ses paramètres dynamiques, l'étoile est assez banale, avec une masse de 0,8 masse solaire et pouvant être classée dans les étoiles de la séquence principale.
Au jour de la publication de cette découverte dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, l'équipe de Giesers avait déjà "inspecté" deux autres amas globulaires en plus de NGC 3201 en mesurant les vitesses radiales d'étoiles individuelles : NGC 104 (aussi connu sous le nom 47 Tucanae) et NGC 5139 (Omega Centauri). Ils y ont détecté en tout 3 étoiles ayant une variation de vitesse radiale dépassant 100 km/s. Mais celle de NGC 3201 était la seule des trois qui avait été enregistrée à de nombreuses reprises, pour un total de 20 spectres avec un bon rapport signal/bruit.
Avec sa vitesse radiale moyenne de 506 km/s et ses variations de plus de 100 km/s alternativement dans un sens puis dans l'autre, les astronomes arrivent à reconstruire les paramètres orbitaux de l'"étoile cible" comme ils l'appellent, pour tenter de calculer la masse autour de laquelle elle évolue.
Ils obtiennent la valeur de (4,36 ± 0,41) masses solaires. Les données fournissent une forte évidence que l'étoile cible se trouve dans un système binaire accompagnant un objet non-lumineux de plus 4 masses solaires. Il ne peut pas s'agir d'une étoile à neutrons, celles-ci ne pouvant pas dépasser une limite de l'ordre de 2,5 masses solaires. Il est également très peu probable qu'il s'agisse d'un couple d'étoiles à neutrons, qui devraient dans ce cas être toutes les deux à la limite de masse permise. Les auteurs indiquent que même si ils s'étaient trompés sur la masse de l'étoile cible et que celle-ci avait une masse de 0,2 masse solaire au lieu de 0,8, l'objet sombre devrait tout de même avoir une masse de 3 masses solaires.
Pour Benjamin Giesers et ses collaborateurs, cela ne fait donc guère de doute : l'objet invisible autour duquel tourne l'"étoile cible" est un trou noir stellaire de 4,3 masses solaires.
Cette découverte représente la première estimation de masse d'un trou noir isolé dans un amas globulaire. L'amas NGC 3201 a la particularité d'avoir un coeur très large (son rayon fait 1,3 minutes d'arc), or il se trouve que la présence de trous noirs peut provoquer une expansion du coeur des amas globulaires via leurs interactions avec les étoiles voisines. Il se pourrait alors que cette observation nous indique que le cœur de NGC 3201 possède de nombreux trous noirs stellaires dans sa région centrale. De nouvelles observations, notamment avec MUSE devraient nous donner des réponses à cette hypothèse hardie.
Source
A detached stellar-mass black hole candidate in the globular cluster NGC 3201
Benjamin Giesers, Stefan Dreizler, Tim-Oliver Husser, Sebastian Kamann, Guillem Anglada Escude, Jarle Brinchmann, C. Marcella Carollo, Martin M. Roth, Peter M. Weilbacher, Lutz Wisotzki
à paraître dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society
Illustrations
1) L'amas globulaire NGC 3201 imagé par le télescope MPG de 2,2 de l'ESO à La Silla.
2) Zone centrale de NGC 3201, le cercle indique l'étoile "cible", qui tourne autour d'un trou noir isolé.
1 commentaire :
Bonjour Eric,
C'est fou, les instruments qu'ils possèdent!
Nous, on est bien content quand on arrive à repérer un amas globulaire semblable, on ne rêve même pas d'en résoudre les plus grosses étoiles...
Et eux, les doigte dans le nez, ils distinguent les cent mille étoiles qu'il contient... et remarquent qu'il y en a une petite qui tourne autour de rien!!!
Heureusement qu'il y a des domaines où les petits diamètres sont encore utiles.
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