L'idée selon laquelle les trous noirs supermassifs au centre des galaxies émettent, indirectement, suffisamment d'énergie pour éteindre la formation d'étoiles dans leur galaxie en réchauffant le gaz froid et en le dispersant est devenue classique, ce phénomène dit de rétro-action étant devenu incontournable dans toutes les simulations de formation de galaxies. Or ce processus n'avait encore jamais été prouvé par l'observation. Jusqu'à aujourd'hui.
Ignacio Martín-Navarro (Université de Californie, Santa Cruz) et ses collègues ont réussi à mettre en évidence une forte corrélation entre la masse du trou noir supermassif de galaxies et l'histoire des étoiles qui les constituent. Grâce à des observations et des analyses spectrales de la lumière de ces galaxies, les chercheurs montrent que la masse du trou noir est directement liée à la date à laquelle la formation d'étoiles s'éteint dans la galaxie, et ce indépendamment de la masse totale de la galaxie en question.
Les astrophysiciens américains se sont focalisés sur des galaxies massives pour lesquelles la masse du trou noir supermassif avait été mesurée antérieurement. Ils ont ensuite cherché à reconstituer l'histoire de ces galaxies en analysant les spectres de lumière visible avec le télescope de 9,2 m Hobby-Eberly de l'observatoire McDonald (Texas). Les mesures spectroscopiques qu'ils ont effectuées permettent de reconnaître les différentes populations d'étoiles présentes avec une bonne précision et de les trier en fonction de leur âge.
Ce qu'observent Ignacio Martín-Navarro et ses collègues lorsqu'ils tentent de corréler la durée de formation des étoiles qu'ils mesurent, avec différents paramètres de la galaxie comme sa morphologie, sa taille, ou d'autres paramètres, c'est qu'un seul paramètre montre une forte corrélation avec la durée de formation des étoiles : la masse du trou noir supermassif. Les galaxies qui ont la même masse d'étoiles mais un trou noir central plus massif voient systématiquement leur durée de formation d'étoiles raccourcie. L'extinction de la formation d'étoiles s'y fait plus tôt et plus vite. A l'inverse, les galaxies possédant un trou noir de relativement faible masse ont formé des étoiles sur une plus longue durée.
Ce que décrivent également Martín-Navarro et ses collaborateurs dans leur article paru dans Nature, c'est que la relation entre la masse du trou noir et l'efficacité de la production d'étoiles s'applique à toutes les générations d'étoiles formées tout au long de la vie de la galaxie. Cela révèle une interaction continue entre l'activité du trou noir et le réchauffement du gaz galactique.
La masse du trou noir supermassif peut ainsi être utilisée comme un bon traceur de l'énergie injectée dans une galaxie par ce qu'on appelle son noyau actif, la région centrale entourant le trou noir. L'accrétion de matière autour d'un trou noir plus massif produira une plus grande rétro-action négative sur la formation des étoiles et vice-versa.
On a désormais la preuve observationnelle d'un phénomène qui était accepté comme une évidence depuis plus de vingt ans. Même s'il est aujourd'hui avéré par l'observation, le processus physique précis à l'origine de l'extinction de la formation d'étoiles par le trou noir central est encore mal connu. Il y a en effet plusieurs façons pour un trou noir supermassif d'injecter de l'énergie dans le gaz d'une galaxie; d'autres travaux seront encore nécessaires pour affiner le modèle décrivant les interactions des trous noirs supermassifs avec leur galaxie hôte.
Source
Black-hole-regulated star formation in massive galaxies
Ignacio Martín-Navarro, Jean P. Brodie, Aaron J. Romanowsky, Tomás Ruiz-Lara & Glenn van de Ven
Nature online (1er janvier 2018)
Illustration
Image composite de la galaxie Centaurus A montrant un noyau activé par son trou noir supermassif. ESO/WFI (Optical); MPIfR/ESO/APEX/A.Weiss et al. (Submillimetre); NASA/CXC/CfA/R.Kraft et al. (X-ray)
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