mercredi 3 janvier 2018

Les anneaux de Saturne n'auraient que 200 millions d'années

C’est une petite révolution qui a été présentée fin décembre à la conférence de planétologie  de l’American Geophysical Union. Luciano Iess (Université de Rome) et Sascha Kempf  (Université du Colorado) y ont présenté des résultats des derniers passages de Cassini à proximité des anneaux de Saturne. Ils concluent que les anneaux ne seraient âgés que de 200 millions d’années seulement.


Les planétologues ont toujours pensé que les anneaux de Saturne s’étaient formés très tôt dans l’histoire du système solaire, il y a plus de 4 milliards d’années. Mais les mesures effectuées grâce à la sonde Cassini lors de ses derniers passages près de la belle aux anneaux, entre le bord interne des anneaux et la surface gazeuse de la géante, fournissent deux indices troublants qui évoquent une origine très récente pour les anneaux.
Le premier concerne la masse des anneaux. Depuis longtemps, les spécialistes considéraient que leur masse était importante, bien supérieure à celle d’un satellite comme Mimas, notamment du fait de l’opacité et de l’apparente densité de l’anneau principal, l’anneau B. Il aurait ainsi fallu plusieurs milliards d’années à Saturne pour accréter autant de matière. Luciano Iess, qui dirigeait l’équipe en charge du radiomètre de Cassini indique que grâce à des mesures Doppler très fines des signaux radio reçus par la sonde, ils parvenaient à déduire la masse des objets autour desquels elle était en orbite. Or quand Cassini s’est retrouvée entre la planète et les anneaux, la composante des anneaux n’entrait plus en compte et une « simple » soustraction leur a permis de déterminer la masse totale des anneaux : environ 0,4 fois la masse de Mimas seulement (soit 15 millions de milliards de tonnes, ou 2,5 millionièmes de la masse de la Terre)! Si le modèle associant âge et quantité de matière accretée est correct, il apparaît alors évident que les anneaux ne se sont pas formés en même temps de Saturne, mais bien plus tard.
Le second indice a été présenté par Sascha Kempf, de l’Université du Colorado, qui dirigeait l’expérience Cosmic Dust Analyser de Cassini. Il montre que le bombardement incessant sur Saturne et ses anneaux par des micrométéorites en provenance des confins du système solaire est très important. Les chercheurs observent que ces petites particules de poussière se déplacent plus lentement que ce que l’on croyait et que Saturne en attire donc plus vers elle, avec pour effet d’augmenter le flux impactant les anneaux. Le flux de poussières et de micrométéorites qui a été mesuré avec le Cosmic Dust Analyser durant 12 ans autour de Saturne est 10 fois plus grand que ce qu’on pensait auparavant. Or, un tel taux de bombardement aurait dû assombrir significativement les anneaux glacés de Saturne si ces derniers étaient là depuis plusieurs milliards d’années. Pour Kempf, l’absence d’obscurcissement des anneaux permet de les dater : ils auraient selon lui un âge compris entre 150 et 300 millions d’années, voire moins…
Les deux analyses fondées sur des mesures très différentes qui ont été présentées lors de la conférence de l’American Geophysical Union convergent donc vers la même conclusion. Il va maintenant falloir expliquer ce qui a bien pu se passer autour de Saturne à l’époque où nos dinosaures s’émancipaient. Plusieurs scénarios sont d’ores et déjà envisageables, depuis la collision destructrice entre une comète ou un astéroïde et une petite lune glacée dont les débris auraient formé les anneaux, jusqu’à la destruction d’un petit satellite par les effets de marée de la géante gazeuse. Il nous faudrait sans doute une autre Cassini pour pouvoir élucider définitivement l’énigme des anneaux.

Source

Saturn's rings are solar system newcomers
Paul Voosen
Science 
Vol. 358, Issue 6370 (22 Dec 2017)

Illustrations
1) Saturne par Cassini ( NASA/JPL-CALTECH/SPACE SCIENCE INSTITUTE)
2) Effet de vagues produit par le satellite Daphné sur l'anneau A (NASA/JPL-CALTECH/SPACE SCIENCE INSTITUTE)

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