A proximité immédiate du centre galactique se trouve un résidu de supernova qui avait été attribué à une supernova de type Ia, mais aujourd'hui, une équipe internationale arrive à la conclusion que ce résidu est celui d'un autre type de supernova, le type Iax, le premier spécimen découvert dans notre galaxie. Une étude à paraître dans The Astrophysical Journal.
Les supernovas de type Iax sont des explosions d'étoiles naines blanches mais qui sont un peu différentes des classiques SN Ia. Elles doivent avoir un comportement photométrique et spectroscopique différent de celui des supernovas Ia qui serait dû, selon les spécialistes, à une déflagration turbulente de la naine blanche. Les réactions thermonucléaires se propageraient plus lentement dans l'étoile que pour une SN Ia. Il en résulte une luminosité plus faible ainsi qu'une production d'éléments chimiques différente. Certains modèles prédisent même la survie d'une partie de l'étoile naine blanche. Leur origine reste aujourd'hui encore controversée.
Mais ce qui est certain, c'est que l'on en a déjà détecté de nombreuses dans des galaxies distantes : pour 10 supernovas de type Ia observées, il y a environ 3 supernovas de type Iax. Mais le nombre total de résidus de supernovas Ia connus dans notre galaxie est d'environ 60, sachant que le taux de ce type de supernova sur l'ensemble des types est de 19% (on connaît environ 300 résidus tous types confondus), ce qui signifie qu'il devrait exister au moins une vingtaine de résidus de supernovas de type Iax dans le lot. Mais on n'a jamais pu encore en mettre un clairement en évidence. Et comme on connaît cinq résidus de supernovas Ia dans notre galaxie qui sont âgés de moins de 2000 ans (trois confirmés et deux candidats), il serait logique, si notre galaxie est typique, de trouver au moins un résidu d'une supernova Iax peu âgé. 2000 ans est en quelque sorte un âge limite à partir duquel la caractérisation spectroscopique et donc la discrimination devient très difficile.
On aurait donc enfin mis la main sur un spécimen de type Iax avec SNR Sgr A Est, que Ping Zhou (Université de Nanjing) et ses collaborateurs ont étudié via les émissions de rayons X qu'il produit, en utilisant le télescope spatial Chandra !
Les chercheurs chinois ont exploité pas moins de 3 Ms d'exposition (près de 35 jours cumulés) pour faire leur étude spectroscopique et analyser la composition élémentaire du résidu gazeux. Ils montrent que les éléments de masse intermédiaire (soufre, argon, calcium) sont peu présents (en relatif au fer), alors que les ratios Mn/Fe, Cr/Fe et Ni/Fe sont au contraire très élevés. Ces indices suggèrent fortement une production par déflagration turbulente d'une naine blanche carbone-oxygène. Et ces abondances ne sont assurément pas cohérentes avec un modèle de type Ia et encore moins de type II.
Zhou et ses collègues ont également comparé leurs résultats avec deux autres résidus de supernova réputés être issus d'explosion de type Iax, des nébuleuses nommées 3C 397 et W49B, qui ont elles aussi des surabondances de manganèse et en chrome. Ils observent des différences significatives, qui ne remettent pas en doute pour eux le type Iax mais qui indique qu'il existerait différents canaux d'explosions avec des productions de métaux variées.
Par ailleurs, l'analyse spectrale indique que Sgr A Est est constitué de deux composantes de plasma de températures différentes, la première correspondant à une énergie thermique kT=1,19 keV et la seconde à une énergie kT=4,3 keV, ce qui correspond respectivement à 13,8 millions K et 50 millions K. Les astrophysiciens notent également que la vitesse d'éjection dans Sgr A Est est faible impliquant une forte production de carbone, d'oxygène et de fer. Associé à une observation de 2015 qui concluait sur l'existence d'une quantité significative de poussière dans ce résidu de supernova particulière, Zhou et ses collègues infèrent de manière spéculative que les supernovas de type Iax pourraient être de véritables "usines" à poussières (ou cendres, si on préfère).
Les astrophysiciens concluent donc que Sgr A Est serait le premier résidu de supernova de type Iax identifié comme tel dans notre galaxie, et donc le plus proche, à environ 26 000 années-lumière. Sgr A Est est localisé très près de Sgr A*, si près qu'il pourrait intersecter le disque de matière qui entoure le trou noir, d'après les chercheurs. C'est d'ailleurs grâce aux multiples observations de l'entourage de Sgr A* effectuées avec Chandra depuis de nombreuses années que Zhou et ses collaborateurs ont pu analyser finement les spectres du nuage de gaz Sgr A Est, qui se trouve toujours dans les images de fond de Sgr A* en rayons X...
Source
Chemical abundances in Sgr A East: evidence for a Type Iax supernova remnant.
Ping Zhou, et al.
à paraître dans The Astrophysical Journal, february 2021
Illustration
Image de Sgr A Est à proximité de Sgr A* (X-ray: NASA/CXC/Nanjing Univ./P. Zhou et al. Radio: NSF/NRAO/VLA)
2 commentaires :
Bonjour,
J'ai un problème avec cette phrase : "deux composantes de plasma de températures différentes, la première correspondant à une énergie thermique kT=1,19 keV et la seconde à une énergie kT=4,3 keV, ce qui correspond respectivement à 22 millions K et 50 millions K" ; visiblement la proportionnalité n'est pas respectée entre T et kT, pourquoi ? Avec Kb =8.617 10^-5 eV/K, on retrouve bien 50 10^6 K pour 4.3 keV ; je subodore la faute de frappe avec T=22 10^6 K pour KT=1,89 (et pas 1.19)KeV, non ?
Plus sérieusement, on devrait en savoir bien plus sur les SN Iax avec le LSST/Vera Rubin
bon, mon doigt a dû riper sur mon clavier quand j'ai ouvert ma calculatrice, c'est bien 1.19 keV mais ça fait donc 13.8 millions K...
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