Une équipe d'astrophysiciens chinois rapporte la découverte d'une étoile hypervéloce dont la trajectoire semble provenir de la galaxie naine satellite Sagittarius. Elle en aurait été éjectée violemment il y a environ 38 millions d'années... Une étude parue dans The Astrophysical Journal Letters.
Cette étoile qui file à très grande vitesse est nommée J1443+1453. C'est une vieille étoile (> 12 milliards d'années) pauvre en métaux et de faible masse (0,75 masse solaire), qui se trouve aujourd'hui à une distance de 2,9 kpc. Sa vitesse, calculée dans le référentiel de la galaxie, vaut 559 km.s−1, ce qui est supérieur à la vitesse de libération à l'endroit où elle se trouve. Elle ne restera donc pas dans la Voie Lactée. Lorsque des astronomes observent une telle étoile, ils sont plus intéressés à son origine qu'à son devenir... C'est le cas de Yang Huang (Université du Yunnan) et son équipe. A partir de la position de J1443+1453 et de ses paramètres de vitesse en 3 dimensions, ils retracent sa trajectoire passée pour comprendre d'où elle vient et comment elle a pu acquérir une aussi grande vitesse.
Les chercheurs chinois montrent que cette étoile ne vient pas du centre galactique mais passe bien au dessus, ce qui est assez inattendu. En effet, le mécanisme le plus évident pour produire des étoiles hypervéloces est le mécanisme de Hills, proposé par l'astronome américain Jack Hills en 1988 dans lequel le trou noir supermassif galactique induit par interaction gravitationnelle une éjection brutale d'une étoile membre d'un système binaire. Les observations d'étoiles hypervéloces dans notre galaxie sont assez récentes. La première étoile de ce type a été observée par hasard en 2005, avec une vitesse de 709 km.s-1 dans le référentiel galactique. Depuis 15 ans, seulement une vingtaine d'étoiles "filantes" à grande vitesse ont été détectées, la plupart provenant du centre galactique, confortant le modèle de Hills. Récemment, c'était l'année dernière, l'étoile hypervéloce la plus rapide a été observée elle aussi en provenance du centre galactique, avec la vitesse record de 1755 km.s-1.
Mais il n'y a pas que le mécanisme de Hills qui permet d'expliquer l'existence de vitesses aussi élevées. Des processus alternatifs ont été proposés ces dernières années, comme l'éjection d'une étoile compagne lors d'une explosion de supernova, ou bien le résultat d'interactions dynamiques dans des systèmes stellaires multiples. Ces alternatives ont été proposées suite à l'observation d'étoiles hypervéloces ne montrant pas une trajectoire passée croisant le centre galactique. Et puis il y a également le scénario alternatif d'une origine de ces étoiles hypervéloces dans les galaxies satellites de la Voie Lactée, soit par arrachage par effet de marée gravitationnelle, soit par la présence d'un trou noir massif dans la galaxie satellite.
Ces scénarios alternatifs intéressent tout particulièrement Yang Huang et ses collègues car ils parviennent à montrer en reconstruisant la trajectoire passée de J1443+1453, et en retraçant les trajectoires de 150 amas globulaires et 39 galaxies naines satellites, que l'étoile croise la galaxie naine sphéroïdale Sagittarius il y a exactement 37,8 millions d'années. Et cette date correspond au dernier passage en date de la petite galaxie à son péricentre de la Voie Lactée. Très exactement, les chercheurs calculent que l'étoile J1443+1453 a dû passer à 2,42 kpc du centre de Sagittarius, ce qui signifie à l'intérieur de la galaxie naine. Pour savoir si cette étoile proviendrait bien de Sagittarius et ne l'aurait pas juste traversée, les astrophysiciens comparent les propriétés chimiques de l'étoile avec celles des autres étoiles de la galaxie naine. Ils montrent que J1443+1453 est très semblable à la fois aux étoiles d'un amas globulaire de Sagittarius (Terzan 7) et à des étoiles formant la trainée derrière la galaxie naine suite à son interaction gravitationnelle avec la Voie Lactée.
Yang Huang et ses collaborateurs concluent que J1443+1453 a bien été éjectée depuis la galaxie naine Sagittarius au moment où celle-ci passait au plus près de la Voie Lactée, probablement arrachée par effet de marée. Mais ils n'excluent pas pour autant la possibilité d'un effet de fronde qui aurait pu être induit par un trou noir supermassif ou de masse intermédiaire caché dans la galaxie naine...
Source
Discovery of a Candidate Hypervelocity Star Originating from the Sagittarius Dwarf Spheroidal Galaxy
Yang Huang et al.
The Astrophysical Journal Letters, 907 L42 (1 February 2021)
Illustrations
1) Vue d'artiste de deux étoiles hypervéloces (ESA)
2) Reconstruction de la trajectoire passée de J1443+1453 dans le référentiel galactocentrique (Huang et al.)
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