dimanche 11 avril 2021

5200 tonnes de matière extraterrestre tombent sur Terre chaque année


Entre 3700 et 6400 tonnes de poussière extraterrestre, c'est la quantité qui atteint le sol de la Terre chaque année! Cette évaluation a été faite par des chercheurs français, états-uniens et britannique grâce à la collecte de micrométéorites dans la glace Antarctique de la station Concordia. Une étude publiée dans Earth and Planetary Science Letters.

Julien Rojas (Université Paris Saclay/CNRS IN2P3), Jean Duprat, Cécile Engrand et leurs collaborateurs ont patiemment collecté 2088 particules de poussière piégées à différentes profondeurs  de neige glacée formant la calotte antarctique dans la base Concordia (située au Dôme C, environ à égale distance de la base française Dumont Durville et de la base américaine de McMurdo). Cette neige possède l'énorme avantage d'être ultra-propre, c'est à dire non polluée par de la poussière continentale ou anthropique. Les seuls grains que l'on y rencontre ne peuvent provenir que du ciel. Il s'agit de grains de poussière de taille sub-millimétrique, typiquement ceux qui sont à l'origine des pluies d'étoiles filantes, mais qui sont suffisamment gros pour ne pas brûler complètement dans l'atmosphère et peuvent donc atteindre le sol. L'Antarctique central est le lieu idéal pour retrouver facilement ces particules de matière extraterrestre. Il suffit de ramasser de la glace, de la faire fondre lentement puis de filtrer l'eau, le tout avec beaucoup de précautions pour ne pas tout polluer... 

La collecte  des micrométéorites a été effectuée durant trois campagnes à différents endroits autour de la base Concordia dans une glace à une température comprise entre -45° et -55° : à l'été austral 2001-2002 à une profondeur comprise entre 2 et 3,5 m, en 2005-2006 à une profondeur entre 3,3 et 4,3 m et enfin en 2015-2016 à une profondeur entre 6,5 et 8,5 m.
Connaissant le taux d'accumulation de neige au Dôme C qui accueille la base Concordia, qui vaut 2,7 g/cm² par an et sachant que la masse volumique de la neige est de 300 kg/m3, l'équipe franco-américaine en déduit que les micrométéorites qu'ils ont trouvées dans les différentes tranches de neige glacée sont tombées à différentes époques réparties entre 1920 et 1980.

Parmi les 2088 grains qu'ils ont récupérés et analysés par microscopie électronique, les chercheurs ont dénombré 1280 micrométéorites de type "non fondues" et 808 de type "sphérules", avec un diamètre qui est compris entre 30 et 350 µm. Rojas et ses collaborateurs en déduisent le flux annuel des poussières de cette taille qui atteint le sol par unité de surface : 8,6 µg/m²/an pour les deux types confondus. 
C'est ensuite en extrapolant à des grains dont la taille serait comprise entre 12 µm et 700 µm et sur toute la surface de notre planète que les chercheurs arrivent à la valeur de 5200 tonnes (+1500 -1200) par an. Pour comparaison, la masse totale des grosses météorites (de plusieurs centimètres) n'atteint qu'environ 10 tonnes par an... 
Dans leurs analyses, les chercheurs ont estimé le flux de molécules carbonées altérées et non-altérées portées par des particules chauffées et non-chauffées arrivant jusqu'au sol. La distribution des masses des micrométéorites et des sphérules cosmiques qu'ils ont collectées pour celles qui font plus de 100 µm, est bien reproduite par un modèle qui inclut la fusion et l'évaporation durant l'entrée atmosphérique du flux de poussière. Ces simulations suggèrent que 80% de ces poussière proviennent de comètes (de la famille des comètes "de Jupiter") tandis que les 20% restant proviendraient d'astéroïdes (de la ceinture principale située entre Mars et Jupiter). 
Rojas et son équipe calculent que pour qu'un peu plus de 5000 tonnes parviennent jusqu'au sol, la quantité totale qui doit arriver juste au sommet de l'atmosphère terrestre doit atteindre 15000 tonnes chaque année! 

Les chercheurs notent cependant un petit écart entre les données de flux calculées à partir des collectes et le modèle pour les micrométéorites qui font moins de 100 µm. Cela peut signifier, selon eux, soit que les plus petits grains de poussière, très fragiles, sont perdus dans le processus de collecte, ou soit que les petites particules interplanétaires qui finiront par tomber sur Terre sont plus petites que ce que l'on pense.
Sur les 5200 tonnes qui arrivent au sol par an sur toute la surface terrestre, Rojas et ses collaborateurs calculent que la quantité de carbone "non-altéré", c'est à dire de la matière organique qui n'a pas subi de fort échauffement lors de la traversée de l'atmosphère, est comprise entre 20 et 100 tonnes. Par an!... 


Source

The micrometeorite flux at Dome C (Antarctica), monitoring the accretion of extraterrestrial dust on Earth
J.Rojas et al.
Earth and Planetary Science Letters Volume 560 (15 April 2021)


Illustrations

1) A gauche : La base CONCORDIA (Dome C, Antarctique). Centre: Vue d'une tranchée de glace collectée . A droite : Processus de font pour l'extraction de micrométéorites.

2) Micrographie électronique d'une micrométéorite Concordia extraite des neiges antarctiques à Dôme C. (Cécile ENGRAND/Jean DUPRAT)

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