mardi 13 avril 2021

Trois naines brunes en rotation très rapide


Des observations en infra-rouge avec le télescope spatial Spitzer et des télescopes terrestres dévoilent des naines brunes en rotation très rapide : jusqu'à 107 km/s au niveau de l'équateur : 10 fois plus que notre Jupiter, pour des objets de taille similaire mais dont la masse est entre 40 et 65 fois plus élevée. Une étude à paraître dans The Astronomical Journal.

Il s'agit de trois naines brunes, les plus rapides découvertes à ce jours, elles se nomment respectivement 2MASS J0348-6022, 2MASS J1219+3128, et 2MASS J0407+1546. Elles ont été découvertes il y une vingtaine d'années par le relevé Two Micron All Sky Survey (2MASS). Ces trois étoiles ratées ont toutes un diamètre semblable à celui de Jupiter (un dixième de rayon solaire), mais leur masse est beaucoup plus élevée : entre 40 et 65 masses joviennes (entre 0,04 et 0,065 masses solaires). Quant à leur période de rotation, elle vaut respectivement 1,08 h, 1,14 h et 1,23 h ce qui en fait les trois naines brunes les plus rapides connues à ce jour, le précédent record était détenu par une naine brune du nom de 2MASS J2228−4310 qui tourne sur elle-même en 1,41 h. Pour comparaison, Jupiter tourne sur elle-même en 9,8h. 
Megan Tannock (Université de Western Ontario) et ses collaborateurs ont mesuré la période de rotation grâce à l'évolution dans le temps de leur luminosité qui montre une nette sinusoïde qui ne peut être due qu'à une variation de type rotation. Les naines brunes montrent en effet à leur surface des structures imposantes comme la grande tache rouge de Jupiter, des grandes tempêtes et des bandes de luminosité différente, bien visibles en infra-rouge. La luminosité globale de la naine brune varie alors de manière périodique, suivant la rotation de la naine brune sur elle-même.
Des mesures spectroscopiques ont également été utilisées à l'aide des télescopes Gemini North et Magellan pour estimer une valeur de vitesse projetée grâce à l'effet Doppler, en plus d'autres paramètres cruciaux comme la température de surface et le type spectral. 


A partir de la vitesse projetée, qui dépend de l'inclinaison avec laquelle on observe la naine brune en question, les chercheurs déduisent à la fois la vitesse tangentielle au niveau de l'équateur et l'inclinaison par rapport à notre ligne de visée. L'une des trois naines brunes, 2MASS J0348-6022, qui est aussi celle qui a la période la plus courte, est vue quasi orthogonalement à son axe de rotation, ce qui offre les mesures les plus précises : sa période orbitale de 1,08 h est connue avec une précision de ±0,005 h, ce qui fait ±18 secondes. Sa vitesse tangentielle au niveau de l'équateur vaut 105 km/s avec une incertitude de +18 et -12 km/s. Pour ces trois naines brunes mesurées par Tannock et ses collaborateurs, la vitesse tangentielle est d'ailleurs d'environ 100 km/s (105, 107 et 99 km/s).
Lorsque l'on trace sur un graphe les périodes de rotation de toutes les naines brunes connues (il y en a 78), on s'aperçoit qu'il existe une sorte de seuil aux alentours de 1 heure. Les chercheurs estiment ainsi qu'il doit exister une vitesse maximale au delà de laquelle les naines brunes ne peuvent pas survivre. Dans cette liste qui est donnée en annexe dans l'article, la naine brune la plus lente a une période de révolution de 50h mais la majorité a une période comprise entre 3h et 10h.



Tarrock et son équipe mentionnent en conclusion que de telles naines brunes en rotation rapide sont d'excellentes candidates pour chercher des émissions radio provenant d'aurores, puisqu'il a été montré que la vitesse de rotation était directement liée à la production d'aurores dans les naines brunes ultra-froides (la plus rapide des trois étudiées ici a une température de 880 K seulement). 
Les astronomes remarquent également que ces naines brunes à forte rotation doivent être déformées, aplaties aux pôles, comme Jupiter ou Saturne mais de façon encore plus prononcée. Le facteur d'aplatissement atteint ici jusqu'à 8%, une déformation importante qui doit être la source d'une polarisation de la lumière infra-rouge ou visible qui pourrait aussi être détectée.
Reste maintenant à comprendre comment des étoiles ratées peuvent tourner aussi vite sur elles-mêmes et si il existe vraiment une limite au-delà de laquelle elles ne peuvent pas exister...

Source

Weather on Other Worlds. V. The Three Most Rapidly Rotating Ultra-Cool Dwarfs
Megan E. Tannock et al.
à paraître dans The Astronomical Journal, 


Illustrations

1) Vue d'artiste d'une naine brune observée en infra-rouge permettant de suivre l'évolution de sa luminosité dans le temps grâce à ses structures  (NASA / JPL-Caltech) 

2) Caractéristiques physiques des trois naines brunes étudiées par les auteurs (Tarrock et al.) 

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