mardi 24 octobre 2023

Découverte d'une planète super-bouffie


La planète TOI-1420b qui vient d'être découverte grâce au télescope TESS est une planète aux caractéristiques étonnantes : avec un volume 1700 fois plus grand que celui de la Terre mais une masse seulement 25 fois plus grande, sa densité ne vaut que 0,08 g/cm3. Les astronomes appellent ce genre de planètes des planètes "super-bouffies". La découverte est publiée dans The Astronomical Journal

Stephanie Yoshida du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics à Cambridge, Massachusetts, et ses collaborateurs ont analysé les données de TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite), qui ont montré l'existence d'une planète en transit devant l'étoile TOI-1420, une étoile située à 201 parsecs (655 années-lumière). À l’aide d’observations supplémentaires provenant de 12 télescopes au sol, l’équipe a mesuré les paramètres de la planète ainsi que ceux de l'étoile. La planète TOI-1420b a un rayon de 11,9 ± 0,3 R (donc une taille similaire à celle de Jupiter) et une masse de 25,1 ± 3,8 M (une masse similaire à celle de Neptune). En divisant la masse par le volume (4/3 πr3), on obtient la valeur de la densité : ρ = 0,08 ± 0,02 g cm−3. La densité de TOI-1420b, n'est donc que de 1,5 % de celle de la Terre (5,3 g cm−3), ce qui en fait l'une des planètes les moins denses parmi plus de 5 000 planètes extrasolaires découvertes jusqu'à présent. Pour comparaison, les planètes les moins denses de notre système sont Saturne (0,69 g cm−3), Uranus (1,27 g cm−3) et Jupiter (1,33 g cm−3).

Les auteurs précisent que TOI-1420b est la plus grande planète connue avec une masse inférieure à 50 M , ce qui indique qu'elle contient une enveloppe importante d'hydrogène et d'hélium. Les astronomes déterminent que la fraction massique de l'enveloppe de TOI-1420b est égale à 82%, ce qui suggère qu'une accrétion incontrôlée de gaz se serait produite lorsque son noyau était au plus quatre à cinq fois plus massif que la Terre. 

Ces planètes mystérieusement de faible densité qui sont appelées super-bouffies et qui ont une densité inférieure à 0,2 g cm−3 n'étaient pas anticipées par les modèles de formation planétaires, car elles semblent avoir accumulé de volumineuses enveloppes d'hydrogène et Hélium, malgré leurs noyaux plus petits que ceux généralement requis pour l'accrétion incontrôlée de gaz.

La formation de ces planètes à faible densité n'est pas encore entièrement compris, en partie parce qu’elles sont rares. Il n'y a que 15 planètes dans ce régime de masse intermédiaire (entre 20 M et 100 M) avec des densités inférieures à  0,2 g cm−3  (selon les archives des exoplanètes de la NASA) , et beaucoup résident dans des systèmes empêchant une caractérisation précise. 

Les chercheurs positionne les exoplanètes découvertes dans un diagramme masse-rayon et constatent que TOI-1420b fait partie des 4 planètes qui ont une densité inférieure à 0,1 g cm−3. La voisine le plus proche de TOI-1420b dans ce diagramme est la planète WASP-107b (découverte par Anderson et al. en 2017), qui a une masse et un rayon très proches de ceux de TOI 1420b. et qui est connue pour être une cible importante pour les études de l'atmosphère, de la dynamique, de la structure et de la formation planétaire. Mais TOI-1420b est un plus grande et de masse inférieure à WASP-107b. TOI 1420b a également une densité similaire à celle de KELT-11b (découverte en 2017 par Pepper et al.), WASP-127b (découverte également en 2017, par Lam et al.) et de WASP-193b (découverte en 2023 par Barkaoui et al.), qui sont trois super-bouffies (ρ ≲ 0,1 cm−3) avec environ deux fois la masse de TOI-1420b. Mais ces trois autres planètes ont des températures d'équilibre supérieures à 1 000 K et sont donc susceptibles d'être gonflées par le mécanisme d'inflation du rayon des Jupiters chaudes, alors que WASP-107b et TOI-1420b sont trop froides pour ce type de gonflage thermique.

La similitude de TOI-1420b et de WASP-107b en termes de masse, de rayon, de densité mais aussi de période orbitale, pourrait permettre une comparaison fine afin d'aider à révéler les origines de planètes de très faible densité. Les planètes dotées d’enveloppes aussi grandes malgré leurs petits noyaux constituent un casse-tête intéressant pour l’accrétion de noyau. Dans les modèles classiques d'accrétion de noyau pour la formation des planètes, les planètes subissent une accrétion de gaz incontrôlée lorsque leur noyau atteint 10 M (comme l'avaient montré Pollack et al. en 1996). TOI-1420b et WASP-107b semblent toutes les deux avoir accumulé leurs enveloppes avec un noyau de moins de 5 M. Stevenson (1984) et Venturini et al. (2015) avaient cependant noté qu'une accrétion incontrôlée pouvait se produire à des masses de noyau relativement petites (≲2 M) si le noyau forme des enveloppes riches en eau au-delà de la ligne de glace. D'autre part, Lee et Chiang (2016) ont suggéré que de telles planètes pourraient se former dans des régions « sans poussière » du disque protoplanétaire, c'est-à-dire là où l'opacité est faible et où la planète peut se refroidir et s'accumuler rapidement. Ces deux scénarios nécessitent que les planètes se forment plus loin avant de migrer vers leur position actuelle.

Alternativement, certains chercheurs ont proposé que les rayons observés des planètes de faible densité soient gonflés, soit physiquement via l'inflation des marées (Millholland 2019 , 2020 ), soit parce que la poussière et/ou les brumes à haute altitude peuvent placer la photosphère à des pressions plus basses que prévu ( Kawashima et al. 2019 ; Wang & Dai 2019 ; Gao & Zhang 2020 ).

Selon Stephanie Yoshida et ses collaborateurs, déterminer lequel de ces mécanismes est en jeu pour TOI-1420b nécessitera plus de données : par exemple, des mesures de vitesse radiale supplémentaires pourraient être utilisées pour rechercher une planète compagne capable de piloter la migration de TOI-1420b. Les données actuelles de vitesse radiale ne sont pas encore sensibles à la présence de planètes supplémentaires dans le système. Les chercheurs ont également recherché des variations du temps de transit qui pourraient indiquer la présence d'une autre planète, mais ils n'ont trouvé aucune variation détectable supérieure à une amplitude de 2 minutes.

En guise de conclusion, les auteurs de cette découverte précisent que TOI-1420b est également une excellente cible pour la caractérisation atmosphérique. La hauteur à l'échelle atmosphérique de la planète est de 1950 km, soit le double de celle de WASP-107b. TOI-1420b a une métrique de spectroscopie de transmission (TSM) de 580. Cela place TOI-1420b comme la septième meilleure exoplanète pour effectuer de la spectroscopie de transmission, derrière seulement WASP-107b, HD 209458b, HD 189733b, WASP-127b, KELT-11b et WASP-69b. Les planètes à faible densité sont également de bonnes cibles pour la caractérisation de la haute atmosphère, car elles sont plus sensibles aux écoulements que les planètes à gravité plus élevée... La planète super-bouffie s'avère être un super objet d'étude pour les astronomes.


Source

TESS Spots a Super-puff: The Remarkably Low Density of TOI-1420b

Stephanie Yoshida et al.

The Astronomical Journal, Volume 166, Number 5 (4 october 2023)

https://doi.org/10.3847/1538-3881/acf858


Illustration

1. Vue d'artiste d'une explanète super-bouffie (NASA, ESA, AND NRAO/SPL)

2. Diagramme masse-rayon des exoplanètes (Yoshida et al.)

3. Stephanie Yoshida 


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