lundi 9 octobre 2023

Découverte d'un LFBOT différent des autres


Ces cinq dernières années, les astrophysiciens ont repéré plusieurs explosions stellaires qui ne se comportent comme aucune autre connue. Ces événements rares ont été affublés du nom de "transitoires optiques bleus rapides lumineux' (LFBOT). Un nouveau spécimen vient d'être observé avec le télescope Hubble et il déroute les chercheurs car il se situe entre deux galaxies... L'étude est publiée très bientôt dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society Letters

Le premier LFBOT avait été découvert en 2018 et surnommé "the cow", "la vache", à cause de son nom AT2018cow... Les LFBOT font partie des événements visibles les plus brillants de l’univers mais ils sont très rares. En moyenne, un seul par an a été découvert depuis 2018 et reçoivent souvent des surnoms par leurs découvreurs (je vous laisse trouver l'association), on a par exemple the Koala (ZTF18abvkwla), the Camel (ZTF20acigmel) ou encore The Tasmanian Devil (AT 2022tsd). Ces événements transitoires ressemblent aux supernovas, devenant rapidement extrêmement brillants mais ils disparaissent ensuite très vite en quelques jours seulement, contrairement aux supernovas qui prennent des semaines ou des mois pour disparaître. La meilleure explication à ce jour pour expliquer ces LFBOT est un type spécial de supernova provenant d’étoiles extrêmement massives. Les LFBOT qui ont été découverts se produisent dans des bras spiraux des galaxies où se forment de nombreuses étoiles, exactement là où on s'attend à rencontrer des étoiles massives qui ont une vie extrêmement courte.
Mais le nouveau LFBOT que Ashley Chrimes (ESA) et ses collaborateurs ont détecté, qui est nommé AT2023fhn et surnommé "The Finch" est différent des autres sur un seul point : sa localisation. Tous ces autres paramètres sont assez similaires à ceux des autres LBOT mais il se trouve entre deux galaxies, plus précisément, à 50000 années-lumière d'une grande galaxie spirale et à 15000 années-lumière d'une plus petite galaxie. Ces deux galaxies se trouvent au même redshift de 0,24. Les données du télescope spatial Hubble indiquent un décalage supérieur à 3,5 rayons de demi-lumière par rapport aux deux galaxies. Les chercheurs calculent que la probabilité que AT2023fhn soit aligné par hasard avec les deux galaxies, et n'ait donc aucun lien avec elles, est de 0,78% pour la grande galaxie et 1,38% pour la petite.

Par cette découverte, Chrimes et ses collaborateurs démontrent que les LFBOT peuvent se produire très loin du centre de la galaxie la plus proche. Parce que le Finch, qui atteint une température de 20 000 K, est définitivement un LFBOT. Les chercheurs ont utilisé les données du télescope Gemini South, du Chandra X-ray Observatory et du radiotélescope Very Large Array pour le confirmer. Une étoile massive capable de produire une telle explosion ne vivrait que quelques millions d’années. Mais une telle étoile n’aurait jamais eu le temps de s’éloigner de l’une ou de l’autre galaxie avant d'exploser. Comme une supernova est très peu probable pour expliquer AT2023fhn , Chrimes et al. suggèrent qu’il pourrait exister une voie différente pour produire un LFBOT. 
Ils proposent par exemple qu'il pourrait s'agir d'une fusion d’étoiles à neutrons. Une paire d'étoiles à neutrons peut en effet mettre plusieurs milliards d'années avant de fusionner, ce qui laisse suffisamment de temps pour être expulsées assez loin de leur galaxie. Mais le spectre et l'évolution temporelle du Finch ne colle pas vraiment avec une kilonova produite lors de la fusion d'étoiles à neutrons... Alors Chrimes et ses collaborateurs évoquent l'idée de la destruction d'une étoile par un trou noir de masse intermédiaire (entre 100 et 100 000 masses solaires). Ces trous noirs pourraient en effet exister dans des amas globulaires, qui peuvent être en orbite autour des galaxies à une distance assez grande. Il faut don un amas globulaire à l'emplacement du LFBOT. Et les chercheurs indiquent qu'ils ne peuvent pas l'exclure... 
À 𝑧 ∼ 0,24, même les amas globulaires les plus brillants et les plus grands auraient des magnitudes optiques apparentes d'environ +30, bien trop faibles pour le télescope Hubble, et l'étendue angulaire serait trop petites pour être résolue. C'est donc une piste potentielle. Pour la creuser, Chrimes et son équipe ont comparé le décalage observé de AT 2023fhn par rapport à la galaxie spirale avec la distribution des amas globulaires autour de la galaxie M81 (qui a une taille physique et une morphologie similaires). Ils trouvent que seulement 0,5% des amas globulaires se trouvent à un décalage supérieur ou égal à celui de AT 2023fhn. Bien qu'improbable d'après cette statistique, l'absence de contraintes photométriques fortes signifie qu'une origine de AT 2023fhn dans un amas globulaire n'est donc pas exclue.

On le voit, cette découverte pose plus de questions qu'elle n'en résout. Les LFBOT gardent une part de mystère. Comme toujours, des observations supplémentaires sont nécessaires pour déterminer laquelle des nombreuses explications possibles est la bonne. Il serait intéressant de trouver d'autres LFBOT aussi décalés par rapport à "leur" galaxie, pour ne pas laisser le Finch tout seul... 

Source

AT2023fhn (the Finch): a Luminous Fast Blue Optical Transient at a large offset from its host galaxy
A. A. Chrimes et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society Letters


Illustrations

1. AT2023fhn imagé par le télescope Hubble (A. A. Chrimes et al.)
2. Ashley Chrimes 

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