mercredi 29 mai 2024

Nouvelle preuve d'une activité volcanique actuelle sur Vénus


De nouvelles preuves viennent d'être obtenues sur l'activité volcanique en cours à la surface de Vénus, suite aux premières mise en évidence en 2021 et 2023 (épisodes 1240 et 1470) . Les planétologues ont comparé des images radar de la sonde Magellan à plusieurs époques et ils voient du mouvement... Ils publient leur étude dans Nature Astronomy.

On sait que la surface de Vénus a subi des altérations substantielles en raison de l'activité volcanique tout au long de son histoire géologique, et certaines caractéristiques volcaniques suggèrent que cette activité a persisté au moins jusqu'à il y a 2,5 millions d'années. En novembre 2021, des preuves convaincantes de changements dans la morphologie de la surface d'un évent volcanique sur le flan de Idunn Mons avaient été interprétées comme une indication potentielle d'une activité volcanique en cours.  Puis ce fut ensuite le même type d'observations rapportées en mars 2023 dans une autre zone de Vénus, nommée Maat Mons. Jusque là, l'activité volcanique géologiquement récente sur Vénus avait été déduite de preuves indirectes, comme des variations de l'abondance en SO2 ou de phosphine dans l'atmosphère, ainsi que des données d'émissivité thermique de surface et des analyses morphologiques de caractéristiques volcaniques. 

Étant donné que Vénus pourrait connaître jusqu'à 42 éruptions par an selon plusieurs études, avec environ 20 éruptions sur une période de 60 jours, l'exploration des données de la sonde Magellan pourrait révéler de nouvelles informations sur les activités volcaniques de Vénus. En particulier, l'analyse d'images radar de la même région observée à différentes époques et la recherche de changements dans la morphologie de la surface à proximité de caractéristiques volcaniques comme des cônes ou des coulées de lave peuvent fournir des informations sur l'activité géologique de la planète. 

La sonde Magellan, qui utilisait un radar à synthèse d'ouverture fonctionnant à une longueur d'onde de 12,6 cm, a mené l'étude la plus approfondie et la plus détaillée de Vénus à ce jour, qui a abouti à une cartographie à haute résolution de 98 % de la planète.

Pour étudier les altérations survenues au fil du temps dans la morphologie de la surface de Vénus, Davide Sulcanese (Università d’Annunzio, Pescara, Italie) et ses collaborateurs ont comparé des images radar des mêmes régions observées en 1990 puis en  1992 par la  sonde Magellan.  Ils ont  utilisé des mosaïques générées à partir d'enregistrements qui ont une résolution spatiale moyenne de 150 m et ont qui été rééchantillonnées à une taille de pixel de 75 m.
Les chercheurs ont analysé les régions de Vénus observées par Magellan lors du cycle 1 d'observations (de mi-septembre 1990 à mi-mai 1991) et du cycle 3 (de mi-janvier à mi-septembre 1992). Comme la rétrodiffusion radar est intrinsèquement affectée par l'angle d'incidence, afin d'atténuer cet effet et d'améliorer la comparabilité entre différents angles d'incidence, les valeurs des pixels dans les mosaïques ont subi une correction globale basée sur la loi de Muhleman. Cette normalisation, appliquée uniformément sur Vénus, a atténué l'influence de l'angle d'incidence sur les valeurs de rétrodiffusion.

Sulcanese et ses collaborateurs ont trouvé des variations dans la rétrodiffusion radar de différentes caractéristiques d'écoulement qui sont selon eux liées au volcanisme sur le flanc ouest de Sif Mons et dans l'ouest de Niobe Planitia. Ces changements s'expliqueraient par de nouvelles coulées de lave liées aux activités volcaniques qui ont eu lieu pendant la mission de cartographie de Magellan avec son radar à synthèse d'ouverture. Cette étude fournit des preuves supplémentaires à l’appui d’une Vénus actuellement géologiquement active.

En supposant que les caractéristiques identifiées sur Sif Mons et Niobe Planitia sont bien des coulées de lave, les chercheurs estiment les flux volcaniques vénusiens. Ils obtiennent les valeurs de 3,78 et 5,67 km3 par an, en considérant une épaisseur minimale d'écoulement de 3 m. Ces valeurs sont considérablement supérieures aux estimations précédentes pour Vénus, qui variaient de 0,01 à 0,1 km3 par an. Les estimations précédentes étaient dérivées d'évaluations du volume de matériaux en éruption nécessaire pour répondre aux distributions des cratères résultant du resurfaçage volcanique. Les résultats de Sulcanese et al. se situent en revanche bien dans la plage de 1 à 11 km3 par an, qui avait été estimée à partir de différents modèles de rapports de masse soufre/silicium dans le matériau d'éruption. 

Les planétologues précisent que, en considérant une épaisseur de lave maximale de 20 m, ils obtiennent des débits de 25,2 et 37,8 km3  par an, ce qui est comparable au taux moyen de production volcanique sur Terre au cours des 180 dernières mégannées, qui a été estimée entre 26 et 34 km3 par an . Cela fait dire à Sulcanese et son équipe que non seulement Vénus pourrait être beaucoup plus active volcaniquement qu’on le pensait auparavant, mais que son activité volcanique pourrait également être du même ordre de grandeur que celle estimée pour la Terre.

Ces découvertes soulignent l'importance de la poursuite de l'exploration de Vénus, notamment par les missions à venir telles que VERITAS et EnVision. Grâce à leur technologie radar avancée, ces missions pourraient fournir des images de la surface de Vénus avec une résolution encore plus élevée que celle de Magellan (30 m par pixel, voire 1 m par pixel).


Source

Evidence of ongoing volcanic activity on Venus revealed by Magellan radar
Davide Sulcanese et al.
Nature Astronomy (27 may 2024)

Illustrations

1. Vénus sans ses nuages imagée en radar par Magellan (NASA)
2. Les deux zones révélant des coulées de lave (Davide Sulcanese et al.)
3. Davide Sulcanese 

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