dimanche 19 mars 2023

Vénus a une activité volcanique actuellement


La preuve directe d'une éruption volcanique actuelle sur Vénus vient d'être apportée par la réanalyse de données de la sonde Magellan qui a observé la planète soeur de la Terre il y a 30 ans, alors qu'on la croyait géologiquement morte. L'étude est parue dans Science

Pendant des décennies, les planétologues pensaient que Vénus était coiffée d'une croûte épaisse et stagnante, non altérée par des fissures ou des volcans actifs. Mais des indices de volcanisme et d'une vie géologique se sont récemment accumulés. En 2010, les chercheurs de la mission Venus Express de l'ESA avaient notamment détecté trois régions anormalement chaudes, qu'ils ont interprétées comme des coulées de lave vieilles de quelques millions d'années qui ne s'étaient pas encore refroidies. Quelques années plus tard, la même sonde a trouvé des pics atmosphériques de dioxyde de soufre, suggérant qu'il pouvait être fournis par une source variable, comme des volcans. Et en 2021, une nouvelle analyse des données de Magellan qui avait imagé Vénus avec son radar entre 1989 et 1994 avait indiqué que de gros blocs de croûte avaient été bousculés comme de la banquise, un signe de roche remuant sous la surface. Ce sont ces différents indices qui ont poussé Robert Herrick (Université d'Alaska) et  Scott Hensley (CalTech) à réanalyser à nouveau les données de Magellan. Ils ont ciblé des candidats qui semblaient évidents, comme Maat Mons, un volcan plus haut que le mont Everest. Magellan avait déjà découvert que la force de gravité au-dessus de ce volcan était étonnamment faible, signe qu'un panache chaud de roche moins dense du manteau pourrait l'alimenter, à l'image du panache qui se trouve sous Hawaï. Et le rayonnement micro-ondes du sommet suggérait que sa surface avait la chimie de la lave fraîche.
Avec une résolution de plusieurs centaines de mètres, les images de Magellan sont relativement grossières, sensibles uniquement aux plus grands changements de paysage. De plus, au cours de sa mission de 5 ans, la sonde a revisité les mêmes endroits au maximum seulement trois fois, et lors de sa deuxième campagne, son radar avait été tourné dans la direction opposée (de l'est vers l'ouest). Comparer les caractéristiques du sol sous des angles opposés est loin d'être intuitif, mais après des centaines d'heures de comparaisons, couvrant moins de 2% de la surface vénusienne, Herrick et Hensley ont repéré ce qui ressemblait à un changement de topologie sur une zone de 2,2 km². Les images réalisées à 8 mois d'intervalle (en février 1991 puis en octobre 1991) montrent le flan nord du volcan Maat Mons (un évent volcanique situé à 1.363° N, 165.359° W) qui se développe de façon spectaculaire. Les chercheurs ont modélisé à quoi aurait dû ressembler une caldeira inchangée lors du deuxième passage de Magellan, et le résultat était très différent de ce qui a été observé. Dans la première image (orientée vers l'est), l'évent semble presque circulaire (1,5 × 1,8 km, une superficie de 2,2 km²) avec des pentes intérieures abruptes. Dans la seconde image (orientée vers l'ouest), l'évent s'est agrandi (4,0 km²) et apparaît de forme irrégulière. De plus, dans cette seconde image, la paroi de l'évent qui est identifiable comme des pixels clairs sur le côté ouest (une pente orientée vers l'est) et des pixels sombres sur le côté est (une pente orientée vers l'ouest), apparaît étroite : l'intérieur et l'extérieur de l'évent ne sont séparés que par quelques pixels dans la mosaïque radar de 75 mètres par pixel. Les chercheurs interprètent cela comme étant dû à des parois d'évent très courtes, peut-être seulement des dizaines de mètres de haut, ce qui implique que l'évent est presque rempli jusqu'au bord dans la seconde image. Herrick et Hensley supposent qu'un lac de lave s'est formé à l'intérieur de l'évent pendant l'intervalle de 8 mois entre les deux images.
Ces changements de la caldeira de Maat Mons sont une preuve sans équivoque de l'activité volcanique de Vénus dans Atla Regio. Mais le faible taux de détection indique que Vénus est moins active sur le plan volcanique que Io, la lune de Jupiter, pour laquelle plus de 100 volcans actifs ont été imagés. Les chercheurs estiment que, étant donné que leur recherche dans les données de Magellan a examiné environ 1,5% de la surface de Vénus, leurs résultats rendent improbable le fait que le volcanisme sur Vénus soit réduit à une petite fraction de l'activité volcanique de la Terre au cours des dernières centaines de millions d'années. En d'autre termes, le volcanisme vénusien doit être au moins aussi important que sur Terre, et il existe un large éventail de scénarios d'activité possibles sur Vénus qui sont compatibles avec des niveaux de volcanisme semblables à ceux que l'on connaît à Hawaï par exemple. Cette découverte fait de Vénus le troisième corps planétaire du système solaire avec des volcans de magma actifs, rejoignant la Terre et Io, la lune ardente de Jupiter. La découverte de plus de volcans, dans des données anciennes ou futures, aidera également à comprendre comment Vénus perd sa chaleur interne et évolue. 
Cette découverte n'est qu'un avant-goût de ce que l'on pourra découvrir avec les trois nouvelles missions vers Venus qui devraient être lancées au cours de la prochaine décennie : l'orbiteur européen EnVision et les missions américaines DAVINCI et VERITAS. EnVision et VERITAS seront toutes les deux équipées d'une vision radar plus résolue que Magellan, ce qui les rend bien adaptés à la surveillance des volcans et des secousses d'une planète géologiquement vivante. 

Source

Surface changes observed on a Venusian volcano during the Magellan mission
Robert Herrick and Scott Hensley
Science (15 March 2023)


Illustration

Comparaison de la région de Maat Mons à 8 mois d'intervalle en 1991 (Herrick et Hensley)

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