vendredi 3 mai 2013

A La Recherche des Ondes Gravitationnelles

La gravitation est la force qui ordonne l’Univers à grande échelle. Elle est comprise depuis un siècle - et la théorie de la Relativité Générale d’Einstein - comme issue de la courbure de l’espace-temps, qui est elle-même produite par la présence de densité d’énergie (ou de masse). A son tour, toute masse (et on pourrait dire toute quantité d’énergie) se déplace dans l’espace-temps en suivant la courbure de ses géodésiques.

Et la Relativité Générale prédit que lorsque deux objets très denses et très compacts se tournent l’un autour de l’autre à grande vitesse et finissent par fusionner dans un beau cataclysme, l’espace-temps autour de ce couple singulier doit subir des phénomènes semblables à des vibrations. Il doit alors exister des ondes à la surface de l’espace-temps, de façon similaire à ce que l’on pourrait observer à la surface de l’eau lorsqu’on jette un caillou dans un lac.


Ces ondes de gravitation, ou ondes gravitationnelles, se propagent ensuite, en s’atténuant sur leur trajet, dans tout l’Univers à la vitesse de la lumière.

Les ondes gravitationnelles sont même associées à une particule spécifique dans le bestiaire de la physique des particules : un boson appelé le graviton, qui a la particularité unique dans le monde des particules de posséder un spin égal à 2.

Aujourd’hui, ni les ondes gravitationnelles ni le graviton n’ont pu encore être observés directement. On est en revanche à peu près sûrs de l’existence des ondes gravitationnelles de manière indirecte en observant comment des couples d’étoiles à neutron perdent de l’énergie gravitationnelle, qui ne peut être dû qu’à une émission d’ondes du même nom.

Car les objets à même de produire des ondes gravitationnelles que nous pourrions détecter ne sont pas très nombreux : il s’agit soit de couples d’étoiles à neutron, soit de couples de trous noirs ou encore des couples mixtes : étoile à neutron-trou noir. Il est également possible dans une moindre mesure d’espérer avoir un signal détectable dans le cas d’un couple naine blanche-étoile à neutron si sa distance n’est pas trop éloignée de nous.

Le signal des ondes gravitationnelles et de fait toujours extrêmement faible. Des détecteurs d’ondes gravitationnelles ont été construits ou sont en cours de construction un peu partout dans le monde. Comme le passage d’une onde gravitationnelle sur Terre a pour conséquence de légèrement réduire ou augmenter la distance séparant un point d’un autre (imaginez un espace  élastique qui ondule), le principe utilisé pour mettre en évidence le passage d’une telle onde (ou une suite d’ondes) repose sur l’optique, et plus exactement sur l’interférométrie laser, la seule solution efficace pour mesurer avec une très grande précision une différence de longueur entre deux points.
L'interféromètre européen VIRGO (LAL/CNRS)

Car de la précision il en faut pour voir le passage d’une onde gravitationnelle : la variation relative de longueur à détecter est de l’ordre de 10-21, soit un milliardième de nanomètre pour un kilomètre…

Les principaux interféromètres dédiés à la recherche d’ondes gravitationnelles sont VIRGO en Italie, LIGO-Hanford et LIGO-Louisiana aux Etats-Unis, LIGO-India en inde ainsi que Kagra au Japon.

L’inconvénient majeur de ces interféromètres laser kilométriques est que, individuellement, ils ne peuvent détecter que le passage d’une onde gravitationnelle, il ne peuvent pas dire de quelle direction celle-ci provient. En revanche, et c’est ce qu’ont compris les physiciens des différents continents, si les différents interféromètres sont associés entre eux, il devient possible de faire de la triangulation et de pouvoir déterminer grosso modo une direction dans le ciel. L’association des 5 interféromètres cités peut ainsi permettre de localiser une source d’ondes gravitationnelles dans une zone de 6° de côté pour des sources pouvant être éloignées jusqu’à 2,5 milliards d’années-lumière.
Figures d'interférences pour différentes distances entre miroirs

Non seulement l’amplitude du signal est faible et la localisation délicate, même si les physiciens n’ont pas peur de relever le défi, l’occurrence de ces événements singuliers de fusion de couples d’objets denses est également très faible… Elle est estimée à environ 1 événement tous les 10000 ans par galaxie. Ce qui veut dire qu’il faudrait scruter 10000 galaxies simultanément pendant un an pour espérer « voir » un seul tel cataclysme producteur d’ondes gravitationnelles.


Qu’à cela ne tienne ! Physiciens et astronomes relèvent tous les défis de la connaissance. Ils devront donc regarder des milliers de galaxies à la fois.

Bien évidemment, le but des équipes de physiciens, après avoir localisé grossièrement la source d’ondes gravitationnelles, est de donner l’alerte le plus vite possible aux astrophysiciens pour qu’ils recherchent dans la zone ainsi définie une contrepartie visible (dans toutes les longueurs d’onde) du phénomène cataclysmique, par nature transitoire.

Des télescopes sont spécifiquement dévolus à la recherche d’événements transitoires de ce type, que ce soit des télescopes en orbite comme Fermi ou Swift, ou bien des télescopes terrestres munis de cameras à grand champ comme le Zwicky Transcient Facility prévu dès 2015, le  Dark Energy Camera (installé en 2012) ou encore le Jansky Very Large Array dans le domaine des ondes radio.
Albert Einstein en 1921


Mais de récents calculs ont montré que ces événements rares de fusion d’objets compacts pourraient produire une importante émission dans l’infra-rouge. Or il n’existe à l’heure actuelle aucun télescope infra-rouge pouvant capturer un grand champ de vue. Des équipes d’astronomes et d’astrophysiciens ont donc proposé la construction de deux nouveaux télescopes dédiés à ce type de recherche, l’un au sol, le Synoptic All-Sky InfraRed telescope (SASIR) pouvant fournir un champ jusqu’à 1°, l’autre en orbite, le Wide-Field Infrared Survey Telescope (WFIRST) avec un champ de 0.3 degrés.

Parallèlement à ces efforts instrumentaux, il est également extrêmement important pour les astronomes de mieux connaître à l’avance simplement où se trouvent les galaxies, de manière à pouvoir éliminer des sources transitoires qui seraient autant de signaux parasites. En effet, des phénomènes transitoires qui ressemblent à s’y méprendre au signal attendu mais qui n’en sont pas la conséquence, sont nombreux au sein des galaxies.


La quête des ondes gravitationnelles ressemble ainsi à un élan qui pousse en avant de nombreux domaines, qu’ils soient technologiques avec l’élaboration de systèmes optiques ultra performants ou de nouveaux télescopes, ou bien fondamentaux avec la construction de vastes catalogues galactiques. Presque un siècle après son invention par Albert Einstein, la théorie de la Relativité Générale produit aujourd’hui indirectement nombre d’innovations technologiques et de progrès dans les connaissances astronomiques, et ce dans le simple but de sa validation définitive.


3 commentaires :

Laurent a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Laurent a dit…

Question bête, a-t-on déjà vu au moins une onde gravitationnelle ?
De mes derniers cours en 2006 ces grands interféromètres ne voyaient rien d'autre que les marées terrestres et le passage des camions à proximité.

Dr Eric Simon a dit…

Bonjour,

Je le dis dans le texte, la réponse est non, pas encore... et il est vrai que le bruit de fond peut être important et venir d'un peut tout ce qui peut produire des vibrations dans la croûte terrestre...