La gravitation est la force qui ordonne l’Univers à grande échelle. Elle est comprise depuis un siècle - et
la théorie de la Relativité Générale d’Einstein - comme issue de la courbure de
l’espace-temps, qui est elle-même produite par la présence de densité d’énergie
(ou de masse). A son tour, toute masse (et on pourrait dire toute quantité
d’énergie) se déplace dans l’espace-temps en suivant la courbure de ses
géodésiques.
Et la Relativité Générale prédit
que lorsque deux objets très denses et très compacts se tournent l’un autour de
l’autre à grande vitesse et finissent par fusionner dans un beau cataclysme,
l’espace-temps autour de ce couple singulier doit subir des phénomènes
semblables à des vibrations. Il doit alors exister des ondes à la surface de
l’espace-temps, de façon similaire à ce que l’on pourrait observer à la surface
de l’eau lorsqu’on jette un caillou dans un lac.
Ces ondes de gravitation, ou
ondes gravitationnelles, se propagent ensuite, en s’atténuant sur leur trajet,
dans tout l’Univers à la vitesse de la lumière.
Les ondes gravitationnelles sont
même associées à une particule spécifique dans le bestiaire de la physique des
particules : un boson appelé le graviton,
qui a la particularité unique dans le monde des particules de posséder un spin
égal à 2.
Aujourd’hui, ni les ondes
gravitationnelles ni le graviton n’ont pu encore être observés directement. On
est en revanche à peu près sûrs de l’existence des ondes gravitationnelles de
manière indirecte en observant comment des couples d’étoiles à neutron perdent
de l’énergie gravitationnelle, qui ne peut être dû qu’à une émission d’ondes du
même nom.
Car les objets à même de produire
des ondes gravitationnelles que nous pourrions détecter ne sont pas très
nombreux : il s’agit soit de couples d’étoiles à neutron, soit de couples
de trous noirs ou encore des couples mixtes : étoile à neutron-trou noir.
Il est également possible dans une moindre mesure d’espérer avoir un signal
détectable dans le cas d’un couple naine blanche-étoile à neutron si sa
distance n’est pas trop éloignée de nous.
Le signal des ondes
gravitationnelles et de fait toujours extrêmement faible. Des détecteurs
d’ondes gravitationnelles ont été construits ou sont en cours de construction
un peu partout dans le monde. Comme le passage d’une onde gravitationnelle sur
Terre a pour conséquence de légèrement réduire ou augmenter la distance
séparant un point d’un autre (imaginez un espace élastique qui ondule), le principe utilisé pour
mettre en évidence le passage d’une telle onde (ou une suite d’ondes) repose
sur l’optique, et plus exactement sur l’interférométrie laser, la seule
solution efficace pour mesurer avec une très grande précision une différence de
longueur entre deux points.
Car de la précision il en faut
pour voir le passage d’une onde gravitationnelle : la variation
relative de longueur à détecter est de l’ordre de 10-21, soit un
milliardième de nanomètre pour un kilomètre…
Les principaux interféromètres
dédiés à la recherche d’ondes gravitationnelles sont VIRGO en Italie, LIGO-Hanford
et LIGO-Louisiana aux Etats-Unis, LIGO-India en inde ainsi que Kagra au Japon.
L’inconvénient majeur de ces
interféromètres laser kilométriques est que, individuellement, ils ne peuvent
détecter que le passage d’une onde gravitationnelle, il ne peuvent pas dire de
quelle direction celle-ci provient. En revanche, et c’est ce qu’ont compris les
physiciens des différents continents, si les différents interféromètres sont
associés entre eux, il devient possible de faire de la triangulation et de
pouvoir déterminer grosso modo une
direction dans le ciel. L’association des 5 interféromètres cités peut ainsi
permettre de localiser une source d’ondes gravitationnelles dans une zone de 6°
de côté pour des sources pouvant être éloignées jusqu’à 2,5 milliards
d’années-lumière.
Non seulement l’amplitude du
signal est faible et la localisation délicate, même si les physiciens n’ont pas
peur de relever le défi, l’occurrence de ces événements singuliers de fusion de
couples d’objets denses est également très faible… Elle est estimée à environ 1
événement tous les 10000 ans par galaxie. Ce qui veut dire qu’il faudrait
scruter 10000 galaxies simultanément pendant un an pour espérer
« voir » un seul tel cataclysme producteur d’ondes gravitationnelles.
Qu’à cela ne tienne !
Physiciens et astronomes relèvent tous les défis de la connaissance. Ils
devront donc regarder des milliers de galaxies à la fois.
Bien évidemment, le but des
équipes de physiciens, après avoir localisé grossièrement la source d’ondes
gravitationnelles, est de donner l’alerte le plus vite possible aux
astrophysiciens pour qu’ils recherchent dans la zone ainsi définie une
contrepartie visible (dans toutes les longueurs d’onde) du phénomène
cataclysmique, par nature transitoire.
Des télescopes sont
spécifiquement dévolus à la recherche d’événements transitoires de ce type, que
ce soit des télescopes en orbite comme Fermi
ou Swift, ou bien des télescopes
terrestres munis de cameras à grand champ comme le Zwicky Transcient Facility prévu dès 2015, le Dark
Energy Camera (installé en 2012) ou encore le Jansky Very Large Array dans le domaine des ondes radio.
Albert Einstein en 1921 |
Mais de récents calculs ont
montré que ces événements rares de fusion d’objets compacts pourraient produire
une importante émission dans l’infra-rouge. Or il n’existe à l’heure actuelle
aucun télescope infra-rouge pouvant capturer un grand champ de vue. Des équipes
d’astronomes et d’astrophysiciens ont donc proposé la construction de deux
nouveaux télescopes dédiés à ce type de recherche, l’un au sol, le Synoptic All-Sky InfraRed telescope
(SASIR) pouvant fournir un champ jusqu’à 1°, l’autre en orbite, le Wide-Field Infrared Survey Telescope
(WFIRST) avec un champ de 0.3 degrés.
Parallèlement à ces efforts
instrumentaux, il est également extrêmement important pour les astronomes de mieux
connaître à l’avance simplement où se trouvent les galaxies, de manière à
pouvoir éliminer des sources transitoires qui seraient autant de signaux
parasites. En effet, des phénomènes transitoires qui ressemblent à s’y
méprendre au signal attendu mais qui n’en sont pas la conséquence, sont
nombreux au sein des galaxies.
La quête des ondes gravitationnelles ressemble ainsi à un élan qui pousse en
avant de nombreux domaines, qu’ils soient technologiques avec l’élaboration de
systèmes optiques ultra performants ou de nouveaux télescopes, ou bien
fondamentaux avec la construction de vastes catalogues galactiques. Presque un
siècle après son invention par Albert Einstein, la théorie de la Relativité
Générale produit aujourd’hui indirectement nombre d’innovations technologiques et
de progrès dans les connaissances astronomiques, et ce dans le simple but de sa validation définitive.
3 commentaires :
Question bête, a-t-on déjà vu au moins une onde gravitationnelle ?
De mes derniers cours en 2006 ces grands interféromètres ne voyaient rien d'autre que les marées terrestres et le passage des camions à proximité.
Bonjour,
Je le dis dans le texte, la réponse est non, pas encore... et il est vrai que le bruit de fond peut être important et venir d'un peut tout ce qui peut produire des vibrations dans la croûte terrestre...
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