mercredi 15 janvier 2020

Découverte de 4 nouveaux objets inconnus à proximité de Sgr A*


Quatre nouveaux objets inconnus viennent d'être découverts à proximité immédiate de Sgr A*, le trou noir supermassif de notre galaxie. Ces objets semblent du même type que les objets G1 et G2 découverts en 2005 et 2012 : mi-étoile, mi-nuage de gaz et de poussière au comportement étonnant. Une découverte parue dans Nature aujourd'hui.



C'est à la fameuse équipe d'Andrea Ghez, de l'Université de Californie, associée à l'astrophysicien français Aurélien Hees (Observatoire de Paris) que l'on doit cette découverte. 
Les astronomes américains se sont spécialisés dans le suivi de ce qui se passe autour de Sgr A* dans sa proximité immédiate depuis presque 20 ans maintenant. On leur doit notamment la mise en évidence de la rotation des étoiles du groupe S autour de Sgr A*, une preuve irréfutable de la présence du trou noir de 4,2 millions de masses solaires.
Les chercheurs américains utilisent pour cela l'un des meilleurs télescopes terrestres, celui de l'Observatoire Keck situé à Hawaï. Cette nouvelle étude est basée sur 13 ans d'observations du centre galactique, à l'affût de tout ce qui bouge autour de Sgr A*.
Anna Ciurlo (Université de Californie Los Angeles) et ses collègues connaissaient déjà les étranges objets G1 et G2, qui ont l'air de nuages de gaz et de poussière mais qui se comportent comme des étoiles. C'est leur groupe de recherche qui avait trouvé le premier specimen, G1, en 2005, G2 avait, lui, été découvert par des astrophysiciens allemands quelques années plus tard. Aujourd'hui, Ciurlo et ses collaborateurs trouvent quatre nouveaux objets du même type dans leur données d'observations de longue durée. Ils ont naturellement été nommés G3, G4, G5 et G6 en attendant de savoir ce dont il s'agit précisément... La grande particularité de ces 6 objets est qu'ils peuvent changer de forme, en fonction de leur proximité de Sgr A* : ils apparaissent sous une forme compacte lorsqu'ils en sont relativement éloignés, mais sous une forme étirée lorsqu'ils s'en approchent. Leur période orbitale autour de Sgr A* est assez différente, l'un d'entre eux ayant une orbite très elliptique : elle va de 100 à 1000 ans. Les deux premiers objets G ont en revanche des orbites très similaires. 
Le fait de trouver quatre nouveaux objets ayant les mêmes caractéristiques physiques que les deux premiers fait dire aux astrophysiciens qu'ils sont en présence d'une toute nouvelle classe de population d'objets.
Concernant G2, Ghez et ses collaborateurs estiment qu'il doit s'agir de la fusion de deux étoiles qui vivaient en couple autour de Sgr A* mai qui ont fini par fusionner entre elles pour former une très grosse étoile enfouie sous une épaisse et inhabituelle couche de gaz et de poussière. On se souvient que l'approche de G2 au plus proche de Sgr A* en 2014 avait surpris les astrophysiciens qui s'attendaient à voir le gaz s'enrouler autour du trou noir et finir par être accrété puis absorbé, mais il n'en fut rien : G2 s'étira fortement en perdant une partie de son gaz, puis reprit une forme plus compacte par la suite, après être passé à son périastre avec Sgr A*. La partie poussiéreuse ne s'était pas étendue de la même manière mais était restée compacte.
Les chercheurs estiment que les autres objets G pourraient être eux aussi des étoiles binaires qui auraient fusionné  à cause des perturbations gravitationnelles produites par Sgr A*.
Pour détecter ces quatre nouveaux objets très petits situés à moins de 0,13 année-lumière du point central de la galaxie où réside Sgr A*, une zone de la galaxie peuplée par un gros groupe d'étoiles massives et jeunes (les étoiles S), les astrophysiciens ont utilisé une technique d'optique adaptative qui corrige en temps réel les distorsions induites par l'atmosphère et les mouvements de gaz des objets G sont tracés grâce à des mesures spectroscopiques dans l'infra-rouge proche obtenues avec l'instrument spectro imageur OH-Suppressing Infrared Imaging Spectrograph (OSIRIS) monté sur le télescope Keck. Cela permet de les isoler par rapport aux étoiles voisines qui n'ont pas les mêmes spectres. Il faut se rappeler que la densité en étoiles dans le centre galactique est un milliard de fois plus grande que celle que nous avons au voisinage du Soleil... Tout y est démesuré.

L'équipe d'Andrea Ghez et Anna Ciurlo aurait en tous cas, semble-t-il, déjà identifié quelques autres candidats de type G qui pourraient faire partie de cette nouvelle classe d'objets. L'analyse est en cours... La compréhension des phénomènes qui ont lieu au centre de notre galaxie est cruciale car elle va bien sûr nous permettre de mieux comprendre ce qui se passe au coeur de toutes les galaxies.


Source

A population of dust-enshrouded objects orbiting the Galactic black hole
Anna Ciurlo et al.
Nature volume 577 (15 january 2020)


Illustration

Les orbites des 6 objets G autour de Sgr A* (croix blanche) (Anna Ciurlo, Tuan Do/UCLA GALACTIC CENTER GROUP)

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