dimanche 26 janvier 2020

Des reconnexions magnétiques proches à l'origine des orages magnétiques sur Terre


Une étude effectuée par une équipe exploitant les données des satellites THEMIS qui étudient les interactions du vent solaire avec la magnétosphère terrestre montre que les orages magnétiques peuvent provenir de beaucoup plus près de la Terre que ce qu'on pensait généralement, de quoi impacter directement de nombreux satellites. Elle est publiée dans Nature Physics.



La magnétosphère qui entoure la Terre est modelée par son champ magnétique interne et les mouvements incessants d'électrons et de protons émanant du Soleil. Les "orages" magnétiques sont provoqués quand un flux de particules chargées du vent solaire parvient à traverser le "bouclier" que représente la magnétosphère et ses lignes de champ magnétique incurvées qui forment un vaste dipôle magnétique autour de la Terre.
Au-delà de l'apparition de magnifiques aurores dans les régions polaires et parfois aux plus basses latitudes, ces orages magnétiques peuvent avoir des conséquences importantes au niveau du sol. En 1921, une telle tempête magnétique fut responsable d'une coupure générale des communications télégraphiques aux Etats-Unis et causa des dégâts sur des stations électriques, jusqu'à induire un incendie dans une gare new-yorkaise. 
Plus près de nous, on se souvient du grand blackout qui plongea 6 millions de Québécois dans le noir le 13 mars 1989, le jour où des aurores ont pu être vues jusqu'en Floride et à Cuba...
Aujourd'hui, un orage magnétique de grande ampleur de ce type a été estimé pouvoir causer des pertes de plusieurs dizaines de milliards de dollar par jour rien qu'aux Etats-Unis. 

Quand l'énergie magnétique associée au vent solaire est transférée à la magnétosphère, elle s'accumule jusqu'à être convertie en chaleur et en accélération de particules via le processus de reconnexion magnétique. Ce phénomène a été étudié depuis des décennies mais sans que l'on sache aujourd'hui à quel endroit ont lieu ces reconnexions magnétiques lors des orages magnétiques observés sur Terre.
Vassilis Angelopoulos (UCLA) et ses collaborateurs ont analysé les données enregistrées par le trio de satellites THEMIS de la NASA (Time History of Events and Macroscale Interactions during Substorms) pour essayer de déterminer où apparaissaient les reconnexions magnétiques dans la magnétosphère, là où le vent solaire a pour effet de réarranger les lignes de champ magnétique et peut induire une importante circulation de plasma. Du côté "jour" qui fait face au Soleil, le flux magnétique de la magnétosphère est érodé par le vent solaire, et ce flux est normalement rétabli par des reconnexions de lignes de champ du coté "nuit" opposé. Mais il est aussi possible que des reconnexions magnétiques aient lieu du côté "jour". 
La connaissance sur les zones d'origine et les processus en jeu est aujourd'hui très partielle car les orages magnétiques sont rares et les satellites déployés pour les étudier aussi.

Angelopoulos et ses collaborateurs montrent dans leur étude la présence qu'une reconnexion magnétique ayant eu lieu à proximité de l'orbite géosynchrone a produit un intense orage magnétique. Or, la zone de reconnexion se trouvait entre 6,6 et 10 rayons terrestres, soit entre 42000 et 64000 km du centre de la Terre. Ils estiment que ce phénomène de reconnexion, beaucoup plus proche de la planète que ce que l'on imaginait, serait induit par la forte pression dynamique du vent solaire. Dans cette zone, les reconnexions magnétiques étaient supposées être extrêmement réduites par l'effet du fort champ magnétique dipolaire terrestre. Il n'en est donc rien selon les chercheurs américains et coréen. 
Ce résultat indique que les reconnexions magnétiques de la magnétosphère sont bien associées aux orages magnétiques et qu'elles peuvent apparaître à une distance relativement faible. Il dit aussi qu'il devrait être nécessaire d'explorer plus en détail le phénomène afin d'affiner nos modèles et mieux prévoir la "météo spatiale", que ce soit pour les impacts sur les satellites ou les hommes en orbite, ou bien au sol.


Source

Near-Earth magnetotail reconnection powers space storms
Vassilis Angelopoulos, Anton Artemyev, Tai D. Phan & Yukinaga Miyashita 
Nature Physics (13 January 2020)


Illustration

Illustration de la zone de reconnexion magnétique à l'origine d'un orage magnétique détectée par les trois satellites THEMIS ( Emmanuel Masongsong/UCLA)

Aucun commentaire :