Une équipe d'astrophysiciens britanniques et néo-zélandais pense avoir trouvé comment apparaissent les sursauts gamma de longue durée (GRB longs), ceux qui sont associés à des explosions d'étoiles massives. Leur origine serait liée à la grande vitesse de rotation acquise par l'étoile mourante et maintenue grâce à une étoile compagne. Leur étude est publiée dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Pour comprendre comment pouvaient se former les jets de matière et de rayonnement qui apparaissent lorsqu'une étoile massive s'effondre, et qui sont détectés sur Terre comme des sursauts gamma pouvant durer des dizaines de secondes voire plusieurs minutes, Ashley Chrimes (Université de Warwick) et ses collègues ont effectué des milliers de simulations fondées sur le modèle d'évolution stellaire BPASS (Binary Population and Spectral Synthesis). Ils souhaitaient évaluer comment certaines étoiles massives pouvaient conserver leur moment cinétique (leur vitesse de rotation angulaire) lorsqu'elles se trouvent en couple dans un système binaire, même lorsqu'elles étaient en train d'expulser violemment une grande partie de leur enveloppe de gaz. La théorie stipule en effet qu'une grande vitesse de rotation est le paramètre-clé pour induire l'apparition de jets polaires ultra-énergétiques.
Les GRB sont de deux types : les GRB courts (des sursauts gamma d'au plus quelques secondes) sont associés à des fusions de deux étoiles à neutrons. Et ceux qu'on appelle des GRB longs apparaissent lorsqu'une étoile d'environ 10 masses solaires s'effondre en étoile à neutrons ou en trou noir, mais de manière non symétrique : au lieu d'un collapse radial, l'étoile s’aplatit en un disque qui va ensuite s'effondrer vers le centre, et la conservation du moment cinétique produit les jets de matière le long de l'axe de rotation. On parle alors de supernova de type Ic.
Qu'ils soient courts ou longs, on les détecte sous le forme de sursauts gamma simplement lorsque l'un des jets se trouve par hasard dans notre ligne de visée (on ne les détecte donc que dans 10 à 20% des cas).
Mais pour que ce phénomène se produise, il faut une vitesse de rotation importante pour l'étoile progénitrice. Or, les étoiles perdent habituellement rapidement les gains de rotation qu'elles peuvent obtenir d'une façon ou d'une autre.
Mais Chrimes et ses collaborateurs ont trouvé comment des étoiles en train de mourir pouvaient être maintenues à de grandes vitesses de rotation : par effet de marée gravitationnelle. Les chercheurs trouvent grâce à leurs simulations que dans un système binaire, les deux étoiles tournent plus vites sur elles-mêmes que des étoiles isolées. Les forces de marées que l'une exerce sur l'autre ont pour effet d'empêcher son ralentissement et dans certains cas d'accélérer sa rotation. Et c'est vrai pour les deux compagnes du couple. Dans le processus, chaque étoile accapare une partie de l'énergie rotationnelle du couple pour sa propre rotation, ce qui pour conséquence qu'elles s'éloignent l'une de l'autre peu à peu.
Les astrophysiciens calculent qu'à partir de ce processus de conservation ou d'augmentation de la vitesse de rotation stellaire dans des couples binaires, et étant donné le nombre de couples d'étoiles avec au moins une compagne de type massive proche de la fin, le nombre de GRB longs attendu se trouve tout à fait cohérent avec le nombre de GRB longs qui sont effectivement observés.
Cette solution permet aussi d'expliquer une anomalie relevée depuis des années par les astronomes : la métallicité (composition chimique) des étoiles productrices de GRB long montrait une trop grande variété. La voie de production proposée par Ashley Chrimes et son équipe résout ce dilemme en montrant l'efficacité du processus pour différentes compositions. Les chercheurs peuvent même prédire maintenant assez précisément à quoi devraient ressembler ces systèmes binaires en terme de température et de luminosité.
On savait déjà qu'il fallait une collision pour produire les GRB courts, on voit maintenant que les GRB de longue durées préfèrent aussi la vie à deux.
Source
Binary population synthesis models for core-collapse gamma-ray burst progenitors
Ashley Chrimes et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society
Illustration
Vue d'artiste d'un GRB apparaissant dans un couple d'étoiles (University of Warwick/Mark Garlick)
3 commentaires :
Bonjour,
Je ne comprend pas, Eric, quand tu dis :" chaque étoile accapare une partie de l'énergie rotationnelle du couple pour sa propre rotation, ce qui a pour conséquence qu'elles s'éloignent l'une de l'autre peu à peu." ; le gain de moment angulaire de rotation par les étoiles ne devrait-il pas être compensé par une perte du moment angulaire de révolution, donc par un rapprochement des étoiles ? A contrario, le ralentissement de la rotation de la terre s'accompagne d'un éloignement du couple terre / lune (une augmentation de son moment angulaire de révolution). A moins que cet éloignement des binaires massives soit dû à une perte de masse, prédominant sur l'effet de marée, par exemple ?
@Pascal: Il y a surement d'autres critères. Par exemple les satellites de Mars: l'un s'éloigne tandis que l'autre se rapproche
@moijdik
Le système de Mars est une bonne illustration de la conservation du moment angulaire d'un système isolé : Phobos est (avec Triton) la seule lune du système solaire à orbiter en dessous de l'orbite synchrone ; sa vitesse angulaire de révolution étant supérieure à celle de rotation de Mars, elle accélère cette dernière, en tombant dessus (augmentation du moment de rotation de Mars et accessoirement de la rotation -synchrone- de Phobos au cours de sa chute = diminution du moment de révolution du couple par réduction de leur écartement). C'est exactement l'inverse pour tous les autres satellites, dont Deimos et la Lune.
Pour les étoiles massives binaires, c'est sans doute plus compliqué, car les 2 masses sont comparables, et surtout il y a des transferts ou/et pertes de masse.
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