24/06/22

Mesure directe de la vitesse d'impulsion d'un pulsar


Le mouvement propre d'un pulsar issu d'une supernova a été observé directement par son observation à 10 ans d'intervalle. C'est grâce à des mesures en rayons X avec Chandra que la vitesse de J1124–5916 a ainsi pu être déterminée, ainsi que la date de la supernova d'où il provient. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal. 

J1124-5916 est en fait en train de traverser les restes de la supernova qui l'a créé, appelés G292.0+1.8, qui sont situés à environ 20 000 années-lumière de la Terre. Xi Long (Harvard & Smithsonian Center for Astrophysics), et ses collaborateurs, pour faire cette découverte, ont comparé les images de Chandra du résidu G292.0+1.8 prises en 2006 et 2016. Ils observent un mouvement dans le plan du ciel de 0,21'' ± 0,05'' sur la période de 10 ans, ce qui fait un mouvement propre d'environ ∼0,02'' par an. Connaissant sa distance de  6,2 ± 0,9 kpc, on en déduit une vitesse de 612 ± 152 km s−1 par rapport au centre du résidu de la supernova. La vitesse de ce pulsar avait déjà été estimée dans le passé d'une manière indirecte (par sa distance du centre du résidu et une estimation de la date de la supernova), mais la valeur trouvée était 30% plus faible. Du coup, maintenant, on peut faire l'inverse : connaissant la vitesse et la distance du lieu de l'explosion, on peut calculer l'âge du pulsar. Xi et son équipe estiment ainsi que G292.0+1.8 aurait explosé il y a environ 2 000 ans, au lieu des 3 000 ans estimés précédemment. 

Comme G292.0+1.8 est en dessous de l'horizon pour la plupart des civilisations de l'hémisphère nord qui auraient pu l'observer à l'époque, il n'y a donc aucun exemple enregistré d'une supernova observée à cette époque mais dans l'hémisphère sud non plus... En plus d'en apprendre davantage sur l'âge de G292.0+1.8, l'équipe de chercheurs a également examiné comment la supernova a pu donné au pulsar sa puissante impulsion (son kick). Il existe deux hypothèses principales, toutes deux impliquant des matériaux qui sont éjectés par la supernova de manière anisotrope (non uniforme dans toutes les directions). La première est que les neutrinos produits dans l'explosion soient éjectés de manière asymétrique, comme l'ont montré Socrates et al dans une étude de 2005 où ils avaient calculé qu'une anisotropie des neutrinos de seulement 1% pouvait produire un kick de plusieurs centaines de km/s. Et la seconde hypothèse est que les débris de l'explosion soient éjectés de manière asymétrique, une solution de type hydrodynamique. Si la matière a une direction d'éjection préférée, le pulsar sera projeté dans la direction opposée en raison du principe de la conservation de la quantité de mouvement. Xi et ses collaborateurs expliquent que l'asymétrie de l'émission de neutrinos qui serait nécessaire pour expliquer la vitesse élevée du pulsar serait extrême, et serait difficile à obtenir sans faire appel à des hypothèses fortes sur le proto-étoile à neutrons. En particulier, des théories exotiques concernant les interactions entre neutrinos, des champs magnétiques puissants (B > 1015 G) dans le proto-étoile à neutrons, ou encore de la turbulence dans la neutrinosphère seraient requises. Cela confirme plutôt selon eux que c'est l'explication impliquant une asymétrie des débris de l'explosion qui aurait donné le kick du pulsar, et non une asymétrie de l'émission des neutrinos. Ces résultats concordent par ailleurs avec une observation antérieure selon laquelle le pulsar se déplace dans la direction opposée à celle de la majeure partie du gaz émetteur de rayons X du résidu. 
Une étude indépendante de G292.0+1.8 menée par Tea Temim de l'Université de Princeton toujours avec Chandra suggère que la vitesse radiale (le long de la ligne de visée) de J1124-5916 serait de 358 km/s, ce qui ferait une vitesse totale de 710 km/s. Il arrive ainsi sur la troisième place du podium des pulsars rapides de la Voie Lactée.
Et l'équipe de Xi a même pu mesurer l'angle que fait l'axe de rotation du pulsar par rapport à la direction du mouvement : il fait 45°. Il ont pu faire cette estimation grâce à l'observation par Park et al. en 2007 déjà avec Chandra que G292.0+1.8, que dans la structure du tore et du jet dans la nébuleuse du vent de pulsar, le jet (censé refléter l'axe de rotation du pulsar) semblait être aligné le long de la direction nord-sud. 
Or la direction du kick est désalignée par rapport à la direction nord-sud de ∼45°. Ce désalignement observé est cohérent avec des résultats récents qui ont montré une distribution apparemment aléatoire des alignements spin-kick dans les simulations 3D de supernovas à effondrement de coeur (Janka et al.2022), mais il est en désaccord avec plusieurs autres observations depuis 2007, qui elles, trouvaient un bel alignement spin-kick pour d'autres pulsars...

Source

The Proper Motion of the Pulsar J1124–5916 in the Galactic Supernova Remnant G292.0+1.8
Xi Long et al.
The Astrophysical Journal, Volume 932, Number 2 (22 june 2022)

Illustrations

1. Image composite rayons X et visible du résidu G292.0+1.8 et du pulsar décentré J1124-5916 ( X-ray: NASA/CXC/SAO/L. Xi et al.; visible: Palomar DSS2)
2. Nébuleuse de vent de pulsar entourant J1124–5916. La direction du mouvement est indiquée par la flèche (Xi et al.)

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