mardi 28 juin 2022

Durée très courte pour l'effondrement du coeur d'une étoile lors d'une supernova


Une équipe d'astrophysiciens japonais a déterminé la durée de l'effondrement du coeur d'une étoile lors d'une supernova, d'une manière indirecte. Le phénomène a lieu en moins de 0,3 seconde... L'étude est parue dans The Astrophysical Journal.

Les supernovas peuvent être classées en types I et II en fonction de la présence d'hydrogène dans leur spectre. Le mécanisme d'explosion prédominant dans ces deux classes (à l'exception des supernovas de type Ia) est un processus connu sous le nom d'effondrement du coeur. Pour les étoiles dont la masse est supérieure à 8 masses solaires, le coeur finit par évoluer jusqu'à un point où la fusion nucléaire est incapable de fournir un support de pression suffisant pour équilibrer la contraction gravitationnelle de l'étoile. À ce stade, le coeur s'effondre jusqu'à ce qu'il atteigne des densités énormes. Puis la contraction s'arrête et les couches externes de l'étoile rebondissent sur l'étoile à neutrons produite et génèrent une onde de choc qui se propage vers l'extérieur. À mesure que ce choc traverse les couches du résidu de l'étoile, désintégrant des éléments lourds comme le fer, il perd de l'énergie, Mais étant donné que nous ne pouvons pas observer directement le choc se propageant à travers l'enveloppe de l'étoile, il faut se fier à des approximations, notamment la courbe de lumière produite par la supernova, pour distinguer les différents modèles qui donnent une explication à la progression du choc. Les courbes de lumière des supernovas montrent un pic de luminosité caractéristique sur l'ensemble du spectre. Pour les supernovas dont l'enveloppe d'hydrogène est minimale, un groupe connu sous le nom de supernovas à enveloppe dépouillée, le pic de luminosité (qui représente l'énergie libérée par la supernova) est directement lié à l'énergie libérée lors de la désintégration radioactive du Nickel-56 en Fer-56. Cela signifie que la masse de Nickel-56 dans l'explosion est étroitement liée à la courbe de lumière qui est observée. 
Tout bon modèle décrivant des supernovas à effondrement de cœur doit être capable de produire la quantité requise de nickel-56 pour expliquer les observations. Or, la quantité de nickel générée lors de l'explosion est inversement proportionnelle à l'échelle de temps de l'explosion et divers modèles théoriques de l'explosion produisent une variété de prédictions pour cette échelle de temps, et donc aussi pour la masse de nickel.



Sei Sato (Université de Tohoku) et ses collaborateurs ont cherché à placer une limite à l'échelle de temps de l'effondrement gravitationnel, à partir des observations des supernovas, en passant par l'estimation de la masse de nickel-56 produit. Pour compiler les données d'observation, les astrophysiciens japonais ont utilisé les données photométriques des supernovas du catalogue Open Supernova, qui contient plus de 800 supernovas à enveloppe dépouillée. Parmi elles, environ 400 ont suffisamment d'observations dans différents longueurs d’ondes pour que des courbes de lumière interpolées puissent être construites. Comme le catalogue Open Supernova fournit également leur valeur de distance de luminosité (la relation entre la magnitude absolue et la magnitude apparente), Sato et son équipe sont ainsi en mesure d'ajuster un spectre de corps noir à la distribution d'énergie spectrale estimée sur les différentes bandes photométriques. Cela leur permet alors d'additionner le flux sur la gamme de longueurs d'onde observée, ce qui leur donne finalement ce qu’on appelle les courbes de lumière bolométriques pour ces supernovas. Après nettoyage des données, les chercheurs obtiennent 82 courbes de lumière bolométriques. Les astrophysiciens japonais utilisent ensuite ces courbes de lumière bolométriques en conjonction avec des modèles analytiques pour estimer diverses propriétés de l'explosion. À partir de ces courbes, ils mesurent par exemple la magnitude bolométrique maximale qu'on appelle Mpeak, et une échelle de temps caractéristique qui décrit le temps nécessaire pour que la luminosité chute de 0,5 mag par rapport au pic.
La masse de nickel est directement liée aux courbes de lumière observées et donc à Mpeak. Et la quantité de nickel qui peut être produite dans l'explosion d'une supernova dépend également de la quantité de matière disponible au départ, donc de la masse de l'étoile progénitrice. Sato et ses collaborateurs évaluent la quantité de matière éjectée lors de l'explosion, qui peut être estimée à partir de l'échelle de temps de déclin mesurée à partir de la courbe de lumière. Comme l'échelle de temps de déclin est déterminée par la vitesse de la matière éjectée, sa composition et sa masse, les chercheurs font des hypothèses raisonnables sur la vitesse et la composition pour estimer la masse de l’éjecta. Pour relier ces observations à une estimation de l'échelle de temps du collapse, les auteurs effectuent une série de calculs hydrodynamiques et de nucléosynthèse pour générer des prédictions de la masse du nickel et de la masse de l'éjecta pour différentes échelles de temps de l'explosion. En particulier, ils modélisent l'explosion avec une simulation hydrodynamique unidimensionnelle et utilisent le code de nucléosynthèse pour suivre la formation du nickel. Dans ces simulations Sato et son équipe calculent la masse de nickel produite pour diverses valeurs raisonnables de l'échelle de temps de du collapse et des masses d'éjecta qui couvrent la gamme observée. Les auteurs montrent les résultats de la relation modélisée entre la masse du nickel et la masse des éjectas pour différentes échelles de temps d'effondrement. Ils en déduisent que ce sont les courbes correspondant à des échelles de temps d'effondrement de 0,1 à 0,3 seconde qui rendent le mieux compte des masses de nickel qui sont observées, alors qu'une échelle de temps d'une seconde permet de prendre en compte seulement moins de la moitié des observations. 
En résumé, la forme des courbes de luminosité bolométriques construites à partir des observations de supernovas dans plusieurs longueurs d'ondes donnent une indication sur la quantité de Ni-56 produite, qui a son tour, donne une indication sur la masse totale de l'éjecta, une masse qui dépend de la durée de l'effondrement gravitationnel et d'autres paramètres sur lesquels on peut faire des hypothèses raisonnables. On peut alors trouver une limite supérieure pour la durée de l'effondrement gravitationnel des supernovas à enveloppe dépouillée en jouant sur le paramètre de masse de l'éjecta dans une modélisation hydrodynamique. Finalement, c'est à partir de leurs courbes de luminosité que l'on parvient à déterminer indirectement la durée de l'effondrement de ces supernovas.

Ces résultats imposent de nouvelles contraintes sur les futurs modèles de supernovas à effondrement du coeur. A l'évidence, les masses de nickel qui sont observées via les courbes de luminosité, et qui représentent au plus 20% de la masse totale de l'éjecta, nécessitent des échelles de temps vraiment très rapides pour les effondrements qui sont à l'origine de ces explosions.

Source

Constraints on the Explosion Timescale of Core-collapse Supernovae Based on Systematic Analysis of Light Curves
Sei Saito et al.
The Astrophysical Journal, Volume 931, Number 2 (6 june 2022)


Illustrations

1. Le résidu de supernova à effondrement de coeur Cassiopeia A (NASA/CXC/SAO)
2. Courbes de luminosité bolométriques des 82 supernovas exploitées dans cette étude (Saito et al.)

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