vendredi 10 juin 2022

GRB 200826A : la confirmation d'une mauvaise classification des sursauts gamma


En août 2021 je vous racontais la découverte d'un sursaut gamma (GRB) pas comme les autres : de type "GRB court" (une durée de moins de 2 s), il montrait tous les signes généralement associés aux "GRB longs", savoir des signes d'explosion de supernova. Aujourd'hui, une étude indépendante vient confirmer la nature du phénomène à l'origine de GRB200826A : il s'agissait bien de l'explosion d'une supernova pour ce sursaut gamma étonnant qui n'a duré que 0,65 secondes. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal.

Les GRB ont été classés en deux catégories : les sursauts courts, d'une durée de moins de 2 s (depuis quelques dizaines de millisecondes) et les sursauts longs, de plus de 2 s (jusqu'à plusieurs minutes). On pensait jusqu'à il y a peu que les GRB courts étaient produits lors de la fusion de deux étoiles à neutrons menant à la création d'un trou noir et que les sursauts longs étaient associées à une supernova de type Ic. Le point commun entre les deux phénomènes est la création d'un trou noir qui accrète rapidement les résidus issus de sa création lors du cataclysme. Mais GRB200826A détecté le 26 août 2020 a semé le trouble à peine un an après sa découverte. Tomás Ahumada et Bin-Bin Zhang et leurs équipent publiaient leurs résultats respectifs dans la revue Nature Astronomy et montraient que la lumière rémanente du GRB, ce qu'on appelle son 'afterglow', un signal transitoire rapide qui est observable dans le domaine visible juste après le sursaut gamma, était trop intense pour être le produit d'une fusion d'étoiles à neutrons et que le spectre était plutôt caractéristique de ce que produirait un collapsar (un effondrement d'étoile massive, ou supernova de type Ic), mais un collapsar "raté". Les chercheurs chinois étaient même allés un peu plus loin en donnant une nouvelle classification aux GRB qui n'est plus liée à leur durée, mais à leur origine : type I pour les fusions d'étoiles à neutrons et type II pour les collapsars. Ils avaient eux aussi observé des signes évidents de collapsar dans la lumière de rémanence du sursaut, avec le télescope Gemini North à Hawaï. Ils avaient aussi remarqué que le type de galaxie hôte de GRB200826A et la localisation du sursaut dans sa galaxie n'étaient pas en faveur d'un GRB de type I. 

Andrea Rossi (INAF, Bologne) et ses collaborateurs apportent aujourd'hui une claire confirmation que ce GRB a bien été produit par un collapsar. Ils ont observé la zone d'apparition du GRB avec le Large Binocular Telescope en Arizona, le Galileo National Telescope (TNG) situé à La Palma, aux Canaries et le télescope de l'observatoire de Maidanak en Ouzbékistan. C'est la toute première utilisation de l'optique adaptative, avec le système d'optique adaptative de 2ème génération SOUL (Single conjugate adaptive Optics Upgrade for LBTO) pour observer le résidu d'une supernova associée à un sursaut gamma. Associée à l'un des miroirs de 8 mètres du grand télescope binoculaire, l'optique adaptative a permis aux astrophysiciens d'observer en détail la lumière infrarouge provenant de la position de GRB200826A  et, en répétant l'observation 4 mois plus tard, de voir la disparition de l'émission rémanente. En soustrayant les deux images, ils ont ainsi pu déterminer avec précision l'endroit de la galaxie très éloignée où l'événement s'est produit (une galaxie à forte production d'étoiles située à 6,6 milliards d'années-lumière). 
Ce faisant, ils ont également étudié le spectre du résidu et concluent clairement sur une origine de supernova de type Ic : l'effondrement gravitationnel d'une étoile massive ayant perdu une grande partie de son enveloppe externe, un collapsar. L'analyse révèle en effet la présence d'une bosse dans la courbe de lumière dans le visible et le proche infra-rouge, dont la luminosité et l'évolution sont en accord avec plusieurs supernovas associées à des GRB longs, et pas avec des GRB courts. La galaxie hôte est d'ailleurs une galaxie de faible masse, typique des GRB longs, mais avec l'un des taux de formation d'étoiles les plus élevés, notamment par rapport à sa masse de 1 milliard de masses solaires environ : elle produit 4 M⊙ par an. Certains modèles théoriques prédisaient que les événements produits par les collapsars pouvaient être aussi courts que 0,5 s. On peut donc dire aujourd'hui qu'il s'agit des bons modèles théoriques. Ces résultats confirment aussi l'approche de Bin-Bin Zhang de l'année dernière : il faut cesser de parler de GRB courts et long, mais plutôt parler de GRB de type I ou II, une classification qui n'a rien à voir avec la durée des sursauts, mais tout à voir avec les propriétés spectrales de l'afterglow et accessoirement de la nature de l'environnement où est apparu ce sursaut gamma, en d'autres termes, de la nature de l'objet à l'origine de l'émission gamma. 

Mais la durée exceptionnellement courte de ce GRB associé à une supernova vient tout de même poser quelques questions malgré les prédictions théoriques : combien de GRB courts qui ont été associés depuis 20 ans à des fusions d'étoiles à neutrons du fait de leur durée étaient en fait des collapsars ? La réponse se trouve probablement dans des futures observations spectrales du signal rémanent des GRB...

Source

The Peculiar Short-duration GRB 200826A and Its Supernova
Andrea Rossi et al.
The Astrophysical Journal, Volume 932, Number 1 (8 june 2022)

Illustration 

Dans les inserts : images de la galaxie hôte où a été produit GRB 200826A et résultat de la soustraction quelques mois plus tard révélant la localisation de la supernova ayant produit le sursaut gamma (Rossi et al.)

Aucun commentaire :