mardi 21 mars 2023

La galaxie d'Andromède possède 2 sources gamma ponctuelles dans sa région centrale


Des chercheurs chinois ont exploité les 14 ans de données du télescope gamma Fermi-LAT concernant la galaxie d'Andromède. Ils découvrent que la source de photons gamma en provenance de sa région centrale  n'est pas étendue comme il avait été déduit des 7 premières années de données. Il semble exister deux sources ponctuelles, dont l'une des deux est en plein centre de la galaxie. Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal Letters

La galaxie d'Andromède (M31), située à environ 780 kpc de la Voie lactée, fait partie d'une douzaine de galaxies qui ont été détectées en rayons γ. En utilisant les données des 2 premières années du télescope Fermi-LAT, la collaboration éponyme avait signalé en 2010 pour la première fois la détection de photons gamma provenant de la région centrale de M31. Les analyses qui ont suivies semblaient indiquer que l'émission primaire de rayons γ de M31 coïncide avec son centre, et des efforts ont été faits faits pour identifier une éventuelle structure étendue dans l'émission, dont la présence dans M31 était attendue dans le cas de la présence de rayons cosmiques ou de particules de matière noire. Dans le premier cas, des photons gamma sont produits en raison des processus hadroniques et/ou leptoniques dans le milieu interstellaire et dans le second cas, des photons gamma peuvent être produits lors de la désintégration ou de l'annihilation des particules massives de matière noire. 
En 2017, une nouvelle analyse représentative a été fournie par la collaboration Fermi-LAT, cette fois-ci avec les données de 7 ans de Fermi-LAT. Les chercheurs ont testé une liste de différents modèles de sources ponctuelles et étendues et ils ont découvert que l' émission de rayons γ de M31 était cohérente avec sa présence au centre et décrite par une étendue sous la forme d'un disque de luminosité uniforme de 0,38° rayon (à un niveau de signifiance statistique de 4σ ).
Aujourd'hui, Yi Xing (Observatoire de Shangaï) et ses collaborateurs chinois reprennent ces analyses mais avec presque 14 ans de données accumulées, et le tableau change grâce à une meilleure résolution, avec des conséquences importantes... Plutôt qu'une source étendue quasi homogène, les chercheurs chinois distinguent nettement deux sources ponctuelles qui sont séparées l'une de l'autre par 0,4°, la première se trouvant exactement au centre de la galaxie et la seconde dans la direction sud-est.
Les deux sources ont des propriétés un peu différentes, la source centrale est bien décrite à l'aide d'un modèle log-parabole, qui est similaire à ceux des études précédentes, tandis que la seconde peut être ajustée par une loi de puissance. 
La source centrale de M31, désormais compatible avec le fait d'être une source ponctuelle, nécessite de revoir les idées précédemment admises, en particulier les scénarios impliquant les rayons cosmiques ou la matière noire qui nécessitent des distributions de sources étendues. Les astrophysiciens montrent que l'étendue maximale de la source centrale, compte tenu des incertitudes de Fermi-LAT (0,16°), est de 2,2 kpc autour du centre galactique de M31..
Une origine possible du rayonnement gamma de M31 qui avait été proposé en 2017 est la présence d'une ancienne population d'objets non résolus dans la région centrale, tels que les pulsars millisecondes, un scénario qui permet également d'interpréter l'excès d'émission de rayons γ de notre propre centre galactique. Xing et son équipe notent que compte tenu du flux (pour une énergie comprise entre 0,1–500 GeV) de 1,9 × 10-12 erg s-1 cm-2 obtenu pour la source centrale, sa luminosité gamma est ≃1,4 × 1038 erg s-1. Et cette luminosité est beaucoup plus grande que celles des sources de rayons γ connues dans notre Galaxie. Elle est 50 fois plus élevée que celle du centre de la Voie Lactée. Les chercheurs calculent que pour expliquer l'émission centrale de M31 avec celles d'une population de pulsars millisecondes émetteurs gamma, il faudrait que leur nombre soit d'au moins 15 000. Selon eux, en citant une étude de 2019 par Fragione et al., il n'est pas certain que la région centrale de M31 puisse héberger un si grand nombre de pulsars millisecondes.

La seconde source gamma ponctuelle que les chercheurs révèlent se trouve a une distance projetée d'environ 6 kpc vers le sud-est du centre de M31, et Xing et ses collaborateurs se posent la question de savoir si il s'agit bien d'une source associée réellement à M31 ou bien si il s'agit d'une source extragalactique d'arrière plan, qui traverserait Andromède à cet endroit là. 
Xing et ses collaborateurs remarquent en effet que l'émission de cette seconde source contient principalement des photons de haute énergie, entre 3,5 et 30 GeV, parmi lesquels des photons de l'ordre de 20 GeV qui sont absents dans la source centrale. Mais étant donné que 6659 sources ont été détectées avec Fermi-LAT dans tout le ciel, la densité de source moyenne est d'environ 0,16 deg-2 . En considérant un cercle de rayon 0,4° (la distance entre le centre de M31 et la seconde source), la probabilité de trouver deux sources ou plus dans une telle région circulaire par coïncidence est d'environ 0,4 %. Les chercheurs estiment donc qu'il y a donc de fortes chances que la source Sud-Est soit bien associée à M31. Son flux de 0,1 à 500 GeV est ≃1,5 × 10-12 erg s-1 cm-2 , ce qui implique que la luminosité serait ∼1,0 × 1038 erg s-1 à la distance de M31. Cette luminosité est encore beaucoup plus grande que celle de n'importe quelle source galactique, ce qui rend difficile l'identification de ses origines possibles via de simples comparaisons de propriétés avec des sources galactiques. Les astrophysiciens ont recherché des sources potentielles dans le cercle d'erreur de la source Sud-Est dans d'autres longueurs d'ondes. Dans le visible, il existe deux amas globulaires à cet endroit, mais il paraît difficile d'imaginer un grand nombre de pulsars millisecondes dans un amas globulaire. 
Dans les longueurs d'ondes des rayons X, obtenues avec XMM-Newton, Stiele et al. ont rapporté en 2011 qu'il y avait 12 sources de rayons X dans le cercle d'erreur ; parmi elles, trois ont été classées comme candidates étoiles de premier plan, une comme candidate galaxie et huit avaient des classes inconnues. Ces huit dernières sources étaient généralement faibles, et il n'apparaît pas clair si l'une d'elles, situées loin du centre de M31, pourrait être la contrepartie de la source de rayons γ .

Pour résumer, l'émission gamma de la galaxie d'Andromède se révèle ne pas être relativement étendue comme on le pensait mais composée en fait de deux sources ponctuelles : l'une est située au centre de la galaxie et l'autre décalée de 0,4° vers le Sud-Est. L'origine de cette seconde source est encore très incertaine, pouvant potentiellement être une galaxie d'arrière-plan avec une très faible probabilité, mais ce qui est sûr, c'est que du fait de l'étendue beaucoup moins grande de la zone d'émission homogène, ces résultats modifient radicalement notre perception des processus physiques qui peuvent être à l'origine de l'émission de rayons γ de M31. Ni les pulsars millisecondes, ni les interactions de rayons cosmiques, ni la matière noire ne peuvent expliquer cette observation. En somme, une très belle découverte qui pose plus de questions qu'elle n'en élucide.

Source

On the Gamma-Ray Emission of the Andromeda Galaxy M31
Yi Xing et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 945, Number 2 (10 march 2023)


Illustration

Image de l'émission gamma de M31; à gauche : entre 0,1 et 500 GeV, à droite, entre 2 et 500 GeV (Xing et al.)

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