Des astrophysiciens ont découvert le système binaire d'étoiles naines ultrafroides le plus rapproché jamais observé. Les deux étoiles sont si proches l'une de l'autre qu'elles se tournent autour en seulement 17 heures. Ils publient leur découverte dans The Astrophysical Journal Letters.
Chih-Chun Hsu (Université Northwestern) et ses collaborateurs ont découvert le système binaire qui est désormais nommé LP 413-53AB, et qui est composé d'une paire d'étoiles naines ultrafroides, une classe d'étoiles de très faible masse qui sont si froides qu'elles émettent leur lumière principalement dans l'infrarouge.
Auparavant, les astronomes n'avaient détecté que trois systèmes binaires de ce type à courte période, et ils sont tous relativement jeunes (jusqu'à 40 millions d'années). Mais pour LP 413-53AB, c'est différent, puisque Hsu et ses collaborateurs estiment que le couple très resserré a des milliards d'années, et sa période orbitale est quand même au moins trois fois plus courte que celle des trois autres binaires naines ultrafroides découvertes.
L'équipe découvert l'étrange système binaire en explorant des données d'archives. Hsu et ses collaborateurs ont développé un algorithme capable de modéliser une étoile en fonction de ses données spectrales. En analysant le spectre de la lumière émise par une étoile, les astrophysiciens peuvent déterminer la composition chimique, la température, la gravité et la rotation de l'étoile. Cette analyse montre également le mouvement de l'étoile lorsqu'elle se rapproche et s'éloigne de l'observateur : sa vitesse radiale.
Lors de l'examen des données spectrales de LP 413-53AB, les chercheurs ont remarqué que lors des premières observations, les deux étoiles étaient à peu près alignées et que leurs raies spectrales se chevauchaient, pouvant laisser penser qu'il s'agissait d'une seule étoile. Mais au fur et à mesure que les étoiles se déplaçaient sur leur orbite, les raies spectrales se déplaçaient dans des directions opposées, se divisant en paires dans les données ultérieures. Hsu et son équipe se sont alors rendu compte qu'il y avait en fait deux étoiles liées dans une binaire extrêmement serrée.
À l'aide du télescope Keck, les chercheurs ont donc observés par eux-mêmes LP 413-53AB le 13 mars 2022, pour l'observer pendant quelques heures, puis ils ont poursuivi avec d'autres observations en juillet, octobre et décembre ainsi qu'en janvier 2023. Contrairement à des binaires plus classiques, qui évoluent relativement lentement, avec ce système, les chercheurs pouvaient voir les raies spectrales bouger en temps réel. Et, finalement les différentes observations ont confirmé ce que prévoyait le modèle de Hsu et ses collaborateurs. La période orbitale déduite est de 17h03min17s, ce qui implique une distance entre les deux étoiles de seulement 0,0082 UA, soit 1,23 millions de km, (à peine 2% de la distance séparant Mercure et le Soleil). Une distance qui vaut 18 fois le rayon de l'une des deux compagnes.
Le ratio de masse des deux composantes qui est calculé est de 0,834, et leur température respective est de 2879 K et 2627 K (c'est très froid pour une étoile), toutes les deux sont de type M9, des étoiles de très faible masse, inférieure à 0,1 masses solaire. La première a une masse estimée d'environ 0,082 masse solaire et la seconde d'environ 0,068 masse solaire, pour un rayon qui est d'environ 0,1 rayon solaire. Ces deux étoiles sont donc presque identiques.
Les astrophysiciens spéculent que les étoiles ont soit migré l'une vers l'autre au cours de leur évolution, soit qu'elles auraient pu se rejoindre après l'éjection d'un troisième membre stellaire. On s'attend à ce que les deux cas produisent une binaire à faible excentricité (comme c'est le cas ici) et à rotation synchrone compte tenu de la courte durée de circularisation de marée (∼ 200 000 ans) et de synchronisation (∼3000 ans) qui sont attendues pour des étoiles de ce type à cette distance de séparation. La vitesse de rotation équatoriale synchronisée correspondante, ∼7 km/s pour une étoile de faible masse entièrement évoluée, est cohérente avec les valeurs observées (projection de ∼ 3 km/s si l'axe de rotation est aligné avec l'axe du plan orbital).
D'autres observations seront toutefois nécessaires pour tester ces idées. Petit détail amusant: dans LP 413-53AB, la distance de la zone habitable est la même que celle de l'orbite stellaire, ce qui rend impossible la formation de planètes dans la "zone habitable" dans ce système.
Hsu et ses collaborateurs notent enfin que bien qu'aucune interaction physique ne soit présente dans ce système binaire, une interaction magnétosphérique, même indirecte, l'est probablement. Les magnétosphères des étoiles de faible masse s'étendent en effet de 1 à 3 rayons stellaires au-delà de la photosphère et peuvent être déformées par le potentiel gravitationnel du système. Une telle interaction pourrait expliquer les mesures radio de la raie Hα très variables qui ont été rapportées dans la littérature et il serait très intéressant selon les chercheurs d'effectuer une surveillance spectrale optique pour rechercher une émission phasée comme on le voit dans d'autres systèmes d'étoiles naines à courte période.
Trouver des étoiles binaires ultrafroides reste un exploit rare. Mais nous ne savons pas si ces systèmes sont intrinsèquement rares ou bien si c'est parce que nous ne les trouvons tout simplement pas avec nos instruments actuels. LP 413-53AB va désormais servir de nouveau banc d'essai pour les modèles de formation et d'évolution dynamique de systèmes multiples de très faible masse.
Source
Discovery of the Exceptionally Short Period Ultracool Dwarf Binary LP 413-53AB
Chih-Chun Hsu et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 945, Number 1 (1st march 2023)
Illustration
Vue d'artiste d'un couple resserré d'étoiles naines (ESO/L. Calçada)
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