Il n'existe aucune preuve évidente de l'existence d'une ou plusieurs grandes exoplanètes traversant le disque de débris encerclant Véga, l'une des étoiles les plus brillantes du ciel nocturne. C'est la conclusion que fait une équipe d'astrophysiciens qui a observé Véga à la fois avec Hubble et Webb. Ils publient deux articles dans The Astrophysical Journal, chacun avec son télescope spatial.
Véga est une jeune étoile massive située à environ 25 années-lumière dans la constellation de la Lyre.
L'étoile est classée comme étant de type A, des étoiles qui ont tendance à être plus grosses, plus jeunes et à tourner beaucoup plus vite que le Soleil.
Également connue sous le nom d'Alpha Lyrae, Gliese 721 et HD 172167, Véga a 455 millions d'années et a une masse de deux masses solaires. Elle tourne autour de son axe en 16 heures seulement, soit beaucoup plus vite que le Soleil, dont la période de rotation est de 27 jours.
Véga est légendaire car elle a fourni la première preuve de l'existence de matière en orbite autour d'une étoile.
Cette hypothèse avait été émise pour la première fois par Emmanuel Kant en 1775. Mais il a fallu attendre plus de 200 ans avant que les premières preuves observationnelles soient recueillies en 1984 autour de Véga.
Le satellite d'astronomie infrarouge de la NASA IRAS avait détecté un excès de lumière infrarouge provenant de poussières chaudes. Cela avait été interprété comme une coquille ou un disque de poussière s'étendant sur près de 100 UA à partir de l'étoile. Véga est extrêmement importante dans les études des disques de débris, à la fois pour sa proéminence et aussi parce qu'elle permet la résolution physique la plus élevée parmi tous les systèmes de débris autour de l'étoile.
Dans une nouvelle recherche, Schuyler Wolff, Kate Su (université d'Arizona) et leur équipe ont analysé les images du disque de débris de Véga qui ont été enregistrées par le télescope spatial Hubble et le télescope spatial Webb.
Avec Hubble, les astrophysiciens ont détecté la lumière diffusée du disque de débris de Véga en utilisant la coronographie profonde du télescope spatial. Ils concluent qu'un halo de petits grains de poussière fournit la meilleure explication du signal observé. Wolff, Su et leur équipe notent que l’architecture du système Véga est très différente de celle d'un système planétaire comme on les connaît. À titre de comparaison, ils mentionnent une étoile proche, Fomalhaut , qui se trouve à peu près à la même distance, au même âge et à la même température que Véga. Mais l'architecture circumstellaire de Fomalhaut est très différente de celle de Véga. Fomalhaut possède trois ceintures de débris imbriquées, et on suppose que des exoplanètes autour de Fomalhaut resserrent gravitationnellement la poussière en anneaux, bien qu'aucune planète n'ait encore été identifiée positivement à ce jour. Étant donné la similitude physique entre les étoiles Véga et Fomalhaut, on peut se demander pourquoi Fomalhaut semble avoir pu former des planètes et Véga non. Quelle est la différence ? Est-ce l'environnement circumstellaire ou l'étoile elle-même qui a créé cette différence ? Ce qui est étonnant, c'est que c'est pourtant la même physique qui est à l'œuvre dans les deux cas. Contrairement à Fomalhaut, les chercheurs montrent qu'il n'y a pas de distinction claire en lumière diffusée entre la ceinture planétésimale parente observée avec ALMA et le halo de poussière étendu. Il apparaît que la répartition de la poussière dans le disque de débris de Véga est stratifiée car la pression de la lumière de l'étoile pousse les grains les plus petits plus rapidement que les grains les plus gros.
L'imagerie coronographique du système Vega avec Hubble permet de conclure les points suivants :
- Vega semble avoir un halo très étendu dans la lumière diffusée détectée entre 80 et 208 UA. Le niveau élevé de dispersion dans un disque de face indique une population importante de petits grains (<3 μm). La forme de ce halo semble suivre le grand halo étendu observé dans l'émission thermique dans l'infrarouge (de 24 μm jusqu'à 500 μm),
- Bien qu'on avait pensé que les systèmes de débris de Vega et de Fomalhaut étaient jumeaux, en lumière diffusée, ils apparaissent en fait très différents. Autour de Fomalhaut, la lumière est confinée à l'étroite ceinture de débris extérieurs, tandis qu'autour de Vega il existe une distribution beaucoup plus étendue. Cette différence dans la structure du disque de débris suggère une différence dans l'architecture des systèmes planétaires autour de ces étoiles : les planètes peuvent être absentes ou avoir des propriétés très différentes dans la région extérieure du système de Véga.
- La population de poussière observée peut provenir d'un taux très élevé de collisions dans la ceinture extérieure du système, mais les détails de son origine ne sont pas certains.
Webb voit quant à lui la lueur infrarouge d'un disque de particules de la taille de grains de sable tourbillonnant autour de l'étoile bleu-blanc qui est 40 fois plus brillante que le Soleil. Su, Wolff et leurs collaborateurs ont enregistré des images du disque de débris planétaires de Véga à des longueurs d'onde de 15,5, 23 et 25,5 μm avec l'instrument MIRI de Webb, en mode coronographe, toujours, pour masquer l'éclat de l'étoile. Le système de débris apparaît remarquablement symétrique et lisse, et centré avec précision sur l'étoile. Il y a en outre un large anneau analogue à la ceinture de Kuiper entre 80 et 170 UA de Véga, qui coïncide avec la ceinture planétésimale qui avait été détectée par ALMA à 1,34 mm de longueur d'onde.
L'intérieur de la large ceinture apparaît rempli de débris chauds qui brillent dans l'infrarouge moyen, avec un creux de flux peu profond à 60 UA de l'étoile. Selon les chercheurs, ces caractéristiques s'opposent à toute planète de la masse de Saturne qui serait en orbite autour de l'étoile à plus de 10 UA environ, en supposant que la planète invisible serait intégrée dans le très large disque planétésimal.
L'imagerie coronographique du système Vega avec Webb permet de conclure les points suivants :
- Le disque externe défini comme s'étendant entre 10″ et 22″ autour de Véga (∼78 − 170 UA) correspond directement à la large ceinture planétésimale observée par ALMA où les collisions actives entre les planétésimaux restants génèrent continuellement de petits grains de poussière par le biais de cascades de collisions. Une fois que les grains nouvellement générés deviennent suffisamment petits, la pression de radiation intense de Véga les pousse sur des orbites hautement elliptiques ou hyperboliques, formant un halo de disque étendu pouvant atteindre des centaines d'UA.
- Le disque interne, défini comme la zone inférieure à 4″ de l'étoile, présente un comportement de profondeur optique accru, contrairement à la région de transition entre la ceinture planétésimale externe et le disque interne. Le creux apparent dans toutes les images MIRI se trouve dans la région de transition, représentant la zone de profondeur optique la plus faible à l'intérieur de la ceinture planétésimale externe.
- En utilisant une modélisation paramétrique simple sur les profils radiaux du disque interne et une photométrie infrarouge bien calibrée pour contraindre la température de la poussière interne, un bord interne à environ 3 à 5 UA de l'étoile est indirectement déduit. Ce bord intérieur se trouve bien en dehors du rayon de sublimation de la poussière pour les compositions de poussière réfractaire typiques, et le place physiquement séparé de la composante chaude en excès qui avait été détectée par des mesures interférométriques antérieures dans le proche infrarouge. Selon les chercheurs, la limite intérieure des débris chauds pourrait indiquer l'existence d'une planète à moins de 3 UA, qui aurait une masse inférieure à celle de Neptune et qui guiderait ce bord.
Pour Wolff, Su et leurs collaborateurs, cela montre qu'il n'existe pas de planètes dont la masse serait au moins égale à celle de Neptune et qui circuleraient sur de grandes orbites, comme dans notre système solaire ou d'autres.
Les structures des disques de débris sont depuis longtemps reconnues comme un outil de détection indirecte des exoplanètes, en particulier celles dont la masse est inférieure à celle de Neptune et qui se trouvent à l'extérieur de la zone des planètes géantes (10 UA), et pour lesquelles les méthodes de détection des planètes par mesure de vitesse radiale, transit et imagerie directe ne sont pas sensibles. L'extrême circularité et la régularité de la morphologie du disque de Véga indiquent qualitativement qu'il n'y a pas de planètes massives de la masse de Saturne à plus de 10 UA de l'étoile, car on s'attend à ce que de telles planètes révèlent leur existence à travers la déformation du disque (centre décalé par rapport à l'étoile et asymétries azimutales).
Pour repousser encore plus loin les limites, Wolff, Su et leur équipe ont effectué des simulations numériques pour modéliser la distribution des débris à l'intérieur de la ceinture planétésimale externe (∼90 UA de l'étoile). Ils en déduisent que le taux de collisions ne devrait pas être élevé à l'intérieur de la ceinture externe. Ils montrent que les débris dans la région interne pourraient provenir de particules de poussière produites dans la ceinture planétésimale externe et migrer vers l'intérieur sous l'effet de l'entraînement de Poynting-Robertson. Un creux de flux peut se former dans ce cas près du bord intérieur de la ceinture planétésimale en raison de la combinaison de forts effets de température et de taux de dérive différentiels sur les tailles de grains, sans invoquer la présence d'une planète. Les chercheurs explorent également dans quelle mesure des planètes invisibles dans cette région créeraient des déviations détectables dans le disque dominé par la traînée. Ils constatent qu'une planète de masse supérieure à 6 M⊕ sur une orbite circulaire à 65 UA (comme suggéré pour maintenir le bord intérieur de la ceinture planétésimale détectée par ALMA) induirait des structures intérieures asymétriques et perturberait le bord intérieur de la ceinture planétésimale (ce qui n'est pas observé).
Des recherches futures incluant toutes les données disponibles et un traitement de collision approprié valideront la nature de l'émission de débris internes et imposeront des contraintes plus strictes sur la masse de la ou des planètes qui pourraient être responsables des caractéristiques observées du disque de Véga.
Sources
Deep Search for a scattered light dust halo around Vega with the Hubble Space Telescope
Schuyler G. Wolff, et al.
accepté pour publication dans The Astrophysical Journal
Imaging of the Vega Debris System using JWST/MIRI
Kate Y. L. Su et al.
accepté pour publication dans The Astrophysical Journal
Illustrations
1. Le disque de débris de Véga imagé par le télescope Webb (NASA / ESA / CSA / STScI / S. Wolff, University of Arizona / K. Su, University of Arizona / A. Gáspár, University of Arizona.)
2. Le disque de débris de Véga imagé par le télescope Hubble (NASA / ESA / CSA / STScI / S. Wolff, University of Arizona / K. Su, University of Arizona / A. Gáspár, University of Arizona.
3. Description du disque de Véga imagé par Webb (Kate Y. L. Su et al.)
3. Kate Su
1 commentaire :
Ce résultat nous rappelle à quel point chaque système est unique et que la quête de compagnons planétaires autour de ces étoiles brillantes nous réserve encore bien des mystères. La galaxie n’a pas fini de nous surprendre !"
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