29/06/20

Sous le Soleil (exactement...)

Le Soleil connaît un cycle d'activité de 11 ans, qui se traduit par l'apparition de taches solaires de façon périodique. Ce cycle solaire se traduit aussi par une activité magnétique périodique et l'inversion du champ magnétique du Soleil tous les onze ans. Aujourd'hui, une équipe d'astrophysiciens révèle l'origine de ce cycle d'activité solaire, grâce à une étude d'héliosismologie. Une étude parue dans Science


L'activité magnétique complète du Soleil a donc une périodicité de 22 ans (pour retrouver une situation similaire en terme de champ magnétique). Durant le maximum d'un cycle, non seulement le nombre de taches est maximal mais elles sont aussi plus grosses et des régions très actives apparaissent, menant à des éruptions ou des éjections de masse coronale. Précisons que nous sommes en ce moment même au plus bas de l'activité solaire, au début du cycle 25 et aucune tache n'est visible depuis quelques mois. 
Les astrophysiciens se sont longtemps creusé la tête pour expliquer l'origine de ce cycle. Il doit forcément être lié aux conditions qui règnent juste sous la "surface" du Soleil, dans la couche de plasma chaud qui s'étend dans les premiers 200 000 kilomètres et qui se trouve en perpétuel mouvement (des mouvement de convection qui vont du bas vers le haut et réciproquement).
Laurent Gizon (Max Planck Institut für Sonnensystemforschung, Göttingen) et ses collaborateurs internationaux  sont parvenus à déterminer avec la plus grande précision comment évolue le plasma de subsurface du Soleil dans la direction Nord-Sud. Et ce qu'ils trouvent est éclairant : le plasma du Soleil forme une seule cellule de convection par hémisphère. Le plasma se dirige vers les pôles en restant proche de la surface puis plonge vers l'intérieur de notre étoile en se dirigeant à nouveau vers l'équateur avant de remonter vers la surface.


Et vous devinez quoi ? Le mouvement de cette cellule de convection dure exactement 22 ans. Qui plus est, le flux en direction de l'équateur, tel qu'il est observé dans la partie inférieure de la cellule de convection doit avoir pour effet de faire apparaître les taches solaires de plus en plus près de l'équateur durant un cycle solaire, et c'est exactement ce qui est observé depuis longtemps sans que l'on comprenne vraiment ce phénomène.
Ce que montrent Gizon et ses collaborateurs, c'est comment le flux méridional du plasma agit comme un transporteur du champ magnétique du Soleil. Ils arrivent à cartographier les mouvements interne du plasma par des méthodes d'héliosismologie, en utilisant des ondes acoustiques qui sont continuellement excitées par des petits mouvements de convection à proximité de la surface. Ces ondes ont une période de l'ordre de 5 minutes et sont observées par les petites fluctuations de luminosité qu'elles produisent à la surface.
A l'image des ondes sismiques sur Terre qui permettent aux géophysiciens d'explorer les couches internes de notre planète, les ondes sismiques du Soleil permettent de déduire ce qui se passe dans les couches profondes avec une belle précision. Dans leur étude, Gizon et ses collaborateurs mesurent des ondes acoustiques qui se propagent dans la direction Nord-Sud mais qui sont perturbées par le flux méridional du plasma convectif. Elles se propagent légèrement plus vite le long du flux que dans le sens inverse, avec une différence de moins de 1 seconde. Cette très petite anomalie est ensuite injectée dans un modèle informatique élaboré qui permet aux astrophysiciens de reconstruire les mouvements du plasma.
Ce flux méridional est très lent, comparé à d'autres mouvements qui ont lieu dans les couches internes du Soleil, à commencer par son mouvement de rotation différentielle sur lui-même. La vitesse maximale atteinte par le flux convectif, à proximité de la surface solaire, n'est que de 50 km/h, et elle descend jusqu'à 15 km/h ... Pour réussir à capter un tel mouvement très lent et faire sortir le signal du bruit dans les mesures héliosismiques, les chercheurs ont du moyenner les signaux sur des très longues périodes. Ils ont exploité deux instruments : le premier en orbite (SOHO) avec des données acquises entre 1996 et 2011 et le second sur Terre (le réseau de six télescopes solaires Global Oscillation Network Group (GONG)) entre 2001 et 2019. Ils ont ainsi pu suivre deux cycles solaires entiers depuis la fin des années 1990 (les cycles 23 et 24) et obtiennent des données cohérentes sur la période commune des différentes observations entre 2001-2011, les rendant robustes.
L'existence d'un flux méridional du plasma formant une seule cellule de convection par hémisphère explique donc pleinement le cycle de 11 ans des taches solaires et leur dynamique cyclique ainsi que le cycle de 22 ans du champ magnétique du Soleil. 
Les chercheurs veulent maintenant savoir si il se passe exactement la même chose sur d'autres étoiles, et si leur activité magnétique peut être reliée aussi directement à de tels mouvements convectifs.
Le temps est venu pour vous de profiter un peu de notre étoile durant ces semaines estivales, mais pensez bien aussi à vous en protéger, même si on est arrivés dans la phase inactive du cycle, un coup de Soleil est si vite arrivé! 

Source

Laurent Gizon et al.
Meridional flow in the Sun’s convection zone is a single cell in each hemisphere
Science vol 368 (26 june 2020)


Illustrations

1) Schéma des zones convectives mises en évidence dans le Soleil (Z-C Liang / MPS)

2) Mesures des champs de vitesse et des fonctions de stream durant les cycles solaires 23 et 24 (Gizon et al.)

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