lundi 1 juin 2020

D'où viennent les amas globulaires de notre galaxie ?


Les amas globulaires sont des groupes denses d'étoiles très vieilles (plus de 10 milliards d'années). Cette caractéristique rend la compréhension de leur naissance un peu difficile, pour ne pas dire très difficile. Aujourd'hui, c'est grâce à des simulations élaborées que des astrophysiciens parviennent à reconstruire la naissance et l'évolution des amas globulaires... Une étude parue dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.



Le projet auquel participent Benjamin Keller (Université de Heidelberg) et ses collaborateurs s'appelle 
E-MOSAICS. Il consiste à produire des simulations ultra-réalistes de l'évolution de galaxies similaires à notre Voie Lactée. Ces simulations prennent en considération les derniers modèles dans le domaine de la formation stellaire, des rétroactions et de la formation, de l'évolution et de la destruction des amas globulaires. Benjamin Keller et ses collaborateurs sont parvenus à retracer quel était l'environnement des amas globulaires de notre galaxie (présents actuellement) au moment de leur apparition. 
Les simulations E-MOSAICS reconstruisent 25 galaxies semblables à la Voie Lactée depuis leur formation il y a 12,5 milliards d'années environ.
Il faut rappeler que les amas globulaires, qui peuvent contenir entre 10 000 et 1 million d'étoiles sont distribués tout autour des halos de presque toutes les galaxies de plus de 1 milliard de masses solaires. Leur âge moyen indiquent qu'ils se seraient formés lorsque la production d'étoiles atteignait son pic environ 3 milliards d'années après le Big Bang. Notre galaxie en possède aujourd'hui 158. Les étoiles des amas globulaires se distinguent des autres étoiles d'une galaxie d'une part par leur âge plus élevé mais aussi par une métallicité plus faible
Et contrairement à la masse stellaire totale, la masse des amas globulaires (et leur nombre) apparaît être proportionnelle à la masse du halo galactique. La masse stellaire totale, elle, est une fonction non-linéaire de la masse du halo.
Benjamin Keller et ses collaborateurs ont simulé 25 galaxies similaires à la Voie Lactée et les ont laissé évoluer durant près de 13 milliards d'années pour voir à la fin comment s'étaient formés les amas globulaires qui restaient. Les chercheurs trouvent que 52% des amas globulaires se sont formés in situ à un redshift compris entre 2 et 4, c'est à dire entre 1,5 et 3,3 milliards d'années post Big Bang. Ces amas globulaire se sont formés dans des disques galactiques turbulents et soumis à une haute pression, nourris par du gaz accrété sans avoir été chauffé.
Une minorité des amas globulaires s'est formée lors de collisions de galaxies entre elles : 12,6% dans des collisions "majeures", impliquant deux grandes galaxies et 7,2% d'entre eux dans des collisions mineures (une galaxie naine avec une grande galaxie). Mais bien que processus minoritaire pour leur formation, Keller et ses collaborateurs montrent que les collisions galactiques sont très importantes pour la survie des amas globulaires jusqu'à aujourd'hui. En effet, les collisions galactiques ont pour effet d'éjecter les amas globulaires en dehors du disque galactique, où ils sont rapidement détruits si ils y restent trop longtemps du fait d'effets de marée gravitationnelle. 
Cette histoire chaotique de le formation galactique hiérarchique (par fusions successives) a pour conséquence de mélanger les distributions spatiales et cinématiques des amas globulaires qui ont pu se former par différents canaux (accrétion chaude, accrétion froide, collisions majeures et collisions mineures). Il est donc difficile d'utiliser les propriétés observables des amas globulaires pour séparer ceux qui sont ont été formés par des collisions galactiques et ceux qui l'ont été par accrétion, et aussi pour séparer ceux formés in-situ et ceux formés ex-situ.
Les chercheurs parviennent toute de même à dégager des tendances notables concernant les environnements natifs des amas globulaires : 
- La grande majorité des proto-amas globulaires (77,6%) sont détruits avant l'époque actuelle, par des effets de chocs de marée dans le disque et d'évaporation lente dans le halo.
- les amas formés in-situ sont détruits et dispersés plus efficacement que les amas ex-situ, même si ils représentent encore plus de la moitié des amas globulaires
- pour les amas qui ont une faible métallicité et qui se trouvent loin du centre de la galaxie (à plus de 33000 années-lumière), ceux formés ex-situ sont plus nombreux que ceux formés in-situ 
- La métallicité des amas globulaires apparaît être un bon indicateur pour la masse stellaire de la galaxie où ils se sont formés. C'est une conséquence de la relation masse-métallicité du milieu interstellaire de leur galaxie mère, selon les astrophysiciens;
- Les mécanismes plus exotiques comme des collisions de mini-halos ou de sous-structures n'apparaissent que très rarement et ne peuvent produire que 1 à 2% des amas globulaires tout au plus.

Finalement, l'image qui se dégage selon Keller et ses collaborateurs est une formation des amas globulaire relativement "simple", où le milieu interstellaire des jeunes galaxies a fréquemment atteint des pressions de gaz suffisantes pour former la majorité des amas globulaires qui sont vus aujourd'hui. Ces hautes pressions ont été produites dans des disques turbulents riches en gaz, alimentés par une accrétion froide. Et les amas qui ont survécu jusqu'à aujourd'hui sont ceux qui ont été éjectés lors des collisions galactiques du processus de formation hiérarchique. L'environnement natal des amas globulaires n'est rien d'autre qu'une galaxie normale formant des étoiles à un rythme soutenu, typique de l'époque où l'univers avait entre 2 et 3 milliards d'années.


Source

Where did the globular clusters of the Milky Way form? Insights from the E-MOSAICS simulations
Benjamin W Keller et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (23 mai 2020)


Illustration

L'amas globulaire M53 (NASA/ESA)

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