vendredi 26 juin 2020

Deux superTerres identifiées à 10,7 années-lumière autour d’une naine rouge calme


GJ 887 est une étoile naine rouge comme il en existe beaucoup dans notre galaxie, mais celle-ci se trouve à 10,7 années-lumière et on vient de découvrir qu’elle possède au moins deux planètes de type Super-Terre (une masse comprise entre la masse de la Terre et la masse de Neptune). La particularité de GJ887, outre sa proximité relative, est sa faible activité. L’atmosphère de ces deux super-Terre va pouvoir être étudiée de près. L’étude est parue dans Science.




Sandra Jeffers (Université de Göttingen) et ses collègues internationaux ont détecté ce système planétaire non pas par la méthode du transit (où l’on détecte la faible baisse de luminosité d’une étoile produite par le passage de planètes) mais par la méthode de la variation de vitesse radiale, dans laquelle l’influence gravitationnelle des planètes sur le mouvement de leur étoile est observée dans la vitesse radiale de l’étoile (rapprochement/éloignement) via l’effet Doppler qui décale les raies spectrales. Dans les longueurs d’ondes du visible, GJ 887 est la naine rouge la plus brillante du ciel. Il faut dire que c’est le 12ème étoile la plus proche du Soleil, ça aide. Et c’est une naine rouge assez massive pour une étoile de son type : 0,49 masses solaire (pour un rayon de 0,47 rayons solaires, qui a pu être mesuré en interférométrie grâce à la proximité de l’étoile), ce qui en fait la naine rouge la plus massive du voisinage du Soleil (dans un rayon de 20 années-lumière).
Et les astrophysiciens mesurent l’activité de l’étoile en évaluant la fluctuation de sa luminosité dans le temps. Celle-ci ne varie que de 0,05% (500 parties par million), ce qui signife que GJ887 est un peu différente des autres naines rouges qui sont plutôt promptes à produire des éruptions et autres éjections de masse coronale. Ce grand calme stellaire est plutôt bon signe pour les planètes qui pourraient de ce fait avoir conservé une bonne partie de leur atmosphère.
Les astronomes sont certains d’avoir trouvé deux super-Terre autour de GJ 887, et potentiellement aussi une troisième planète située un peu plus loin de l’étoile. Les deux grosses planètes ont une période orbitale respectivement de 9,26 et 21,78 jours, la troisième (candidate) quant à elle mettrait environ 50 jours pour parcourir son orbite. On comprend pourquoi elle est plus difficile à mettre en évidence. Les deux planètes de type superTerre sont trop proches de GJ 887 pour arborer de l’eau liquide (une température de 468 K et 352 K) , mais pas la troisième si son existence se confirme. Les deux superTerres GJ 887b et GJ 887c reçoivent en effet 7,9 et 2,6 fois plus d’énergie de leur étoile que ce que nous recevons du Soleil. Leur masse est déterminée par Jeffers et ses collaborateurs mais il s’agit seulement d’une masse maximale, car elle dépend de l’inclinaison des orbites qui n’est pas connue : cela donne pour GJ 887b à une masse minimale de 4,2 ± 0,6 masses terrestres et pour GJ 887c, elle vaut 7,6 ± 1,2 masses terrestres.
Selon les chercheurs, un tel système multiplanétaire faisant apparaître au moins deux superTerres est cohérent avec les modèles de formation planétaire. Ces modèles montrent typiquement la formation de chaines de planètes « emprisonnées » au départ dans des modes de résonances orbitales et qui peuvent par la suite migrer vers la région interne du système au plus proche de l’étoile. En fonction de là où elles se sont formées dans le disque protoplanétaire, elles peuvent avoir accrété soit de grandes quantités de glace d’eau, soit juste des roches de type silicates. GJ 887b et GJ 887c peuvent donc contenir beaucoup d’eau ou très peu, et être sensiblement différentes entre elles.
A la fin de vie du disque protoplanétaire qui les a vu naître, les chaines de résonance des planètes peuvent rester stables, à l’image du système multiple de TRAPPIST-1 ou bien peuvent devenir instables, menant à des collisions et des configurations non résonantes. Le système de GJ 887 semble être dans cette dernière configuration selon Jeffers et ses collègues. On voit que les périodes des deux orbites ne sont pas exactement en résonance, elles sont dans un rapport non entier (1 : 2,35). La présence de résonances gravitationnelles peut néanmoins être très sensible à la présence de planètes additionnelles. Pour Sandra Jeffers, si la troisième planète candidate s’avère réelle avec sa période orbitale de 50,7 jours, cela pourrait signifier un système plus résonant (avec un rapport proche de 1 : 3 : 6).
De par sa distance de 10,7 années-lumière, ce nouveau système stellaire est donc l’un des plus proches de chez nous, et va devenir sans aucun doute un laboratoire de choix pour étudier l’atmosphère de planètes de type superTerre, notamment grâce aux observations en infra-rouge très détaillées du futur télescope spatial Webb.


Source

A multiplanet system of super-Earths orbiting the brightest red dwarf star GJ 887
S. Jeffers et al.
Science  Vol. 368, Issue 6498 (26 Jun 2020)

Illustration

Vue d'artiste du système planétaire de GJ887 (Mark Garlick)

4 commentaires :

Youx a dit…

Bonjour Eric,
Quand on mesure la masse d'une planète par les variations Doppler de l'étoile, n'obtient-on pas leur masse MINIMALE (au cas où son plan de rotation passe par la Terre)?
Dans le cas d'une inclinaison (par rapport à ce cas), il me semble qu'il faut une plus GROSSE planète pour obtenir un Doppler identique...

Dr Eric Simon a dit…

Ce que montrent les auteurs dans leur papier c'est une masse qui vaut m.sin(i) où i est l'angle d'inclinaison. Les valeurs de masse que je mentionne c'est le facteur m devant le sinus. C'est bien la masse maximale, et on voit que si l'angle i est très petit, le sinus devient très petit aussi et donc la masse idem.

Pascal a dit…

Bonjour,

Je suis d'accord avec Youx : la méthode vélocimétrique donne mo = m.sini, soit la valeur minimale pour la masse réelle m (mo donné, quand i tend vers 0, sin i aussi, donc m tend vers l'infini, sans borne supérieure) ; ici, les données observationnelles : 4.2 et 7.6 masses terrestres, sont bien les valeurs minimales des masses réelles possibles.

Dr Eric Simon a dit…

Vous avez bien evidemment raison!Il suffisait de mieux lire le papier ... je cite :
We conclude that the two signals with orbital periods of 9.3 and 21.8 days correspond to two exoplanets, GJ 887 b and GJ 887 c, respectively. The minimum masses of these planets (mp sini) are 4.2 ± 0.6 and 7.6 ± 1.2 Earth masses (M⊕), which makes them two super-Earth exoplanets with orbital semimajor axes (ap) of 0.068 and 0.120 astronomical units (au)".
Mea Culpa !