25/10/22

Découverte de la plus petite étoile à neutrons (ou de la première étoile à quarks)


Actuellement, HESS J1731-347 est étiquetée comme une étoile à neutrons, mais elle est inhabituelle car sa masse est très inférieure à 1 masse solaire, ce qui contredit la théorie qui fixe la limite inférieure à 1,1 masses solaires. Une équipe de chercheurs a affiné les caractéristiques de HESS J1731-347 et montrent qu'elle pourrait être un spécimen contenant des quarks Strange en grande proportion... L'étude est publiée dans Nature Astronomy.

Les astrophysiciens cherchent à contraindre l'équation d'état de la matière dense qui forme les étoiles à neutrons. Pour cela, ils disposent principalement de deux types d'observations : des observations directes de la surface des étoiles à neutrons dans la bande des rayons X et des observations d'ondes gravitationnelles lors de fusions cataclysmiques. Les observations d'étoiles à neutrons inhabituellement massives ou au contraire légères sont particulièrement intéressantes car elles étendent la gamme des densités sondées et permettent de tester les prédictions de la physique nucléaire sur un espace de paramètres plus large.
Victor Doroshenko de l'Institut für Astronomie und Astrophysik à Tübingen, et ses collaborateurs se sont penchés sur le cas de HESS J1731-347, qui est une étoile à neutron résidu de supernova, qui n'émet que des rayons X thermiques, de part la température de sa surface. C'est l'étoile à neutron de ce genre la plus brillante. En 2016, les auteurs de cette étude avaient montré sans ambiguïté qu'outre l'étoile à neutrons, il y a également une autre étoile visible au centre de la coquille de poussière résiduelle de la supernova dont la masse a été évaluée à 2 masses solaires. C'est grâce à cette étoile secondaire qui se trouve donc à la même distance que l'étoile à neutrons que la distance de cette dernière a pu être réévaluée à 2,5 kpc (± 0,3 kpc). La seule autre étoile à neutrons de ce type dont la distance est connue avec une précision comparable est celle de Cas A dont nous avons parlé il y a quelques jours.
Or, cette nouvelle valeur de distance est beaucoup plus proche que ce que les recherches précédentes laissaient supposer pour  HESS J1731-347. Cela a mené Doroshenko et son équipe à un nouveau calcul de la taille et de la masse de l'étoile à neutrons. Les astrophysiciens mesurent ainsi un rayon de 10,4 km [+0,86 -0,78] et une masse de seulement 0,77 masse solaire [+0,20 -0,17], sur la base de la modélisation du spectre des rayons X qui est observé par le télescope spatial XMM-Newton et de leur nouvelle estimation robuste de la distance. 
Pour Doroshenko et ses collaborateurs, une telle masse est étonnante mais elle reste encore possible dans le modèle classique des étoiles à neutrons, à condition de revoir l'équation d'état de la matière nucléaire. Les chercheurs considèrent qu'une étoile à neutrons aussi légère, quelle que soit la composition interne supposée, est un objet très intriguant d'un point de vue astrophysique. Comme l'avaient montré Yudai Suwa et al. en 2018, la formation d'étoiles à neutrons de masses inférieures à 1,17 M⊙ est problématique d'un point de vue évolutif, et l'étoile à neutrons la moins massive connue à ce jour avant HESS J1731-347 (PSR J0453+1559), a une masse estimée à 1,174 ± 0,004 M⊙) tout juste compatible avec la contrainte de Suwa.
Une violation confirmée de la limite peut avoir des conséquences importantes pour la compréhension de l'origine et de la physique des étoiles à neutrons. En particulier, les modèles qui décrivent la perte de masse de la proto-étoile à neutrons après l'effondrement du coeur de la supernova pourraient devoir être revus. 
Une autre solution compatible avec les caractéristiques de HESS J1731-347 serait qu'il s'agirait du premier cas observé d'un spécimen riche en quarks "strange", que certains appellent parfois des "étoiles étranges", mais qui n'ont rien d'étrange, si ce n'est leur teneur en quarks du même nom. Pour rappel, les protons et les neutrons qui sont classiquement rencontrés dans les étoiles à neutrons ou autres, sont constitués essentiellement de quarks "up" et "down". Les quatre autres types de quarks sont les quarks "strange", "charm", top" et "bottom". Parmi les hadrons contenant un ou plusieurs quarks strange, on peut citer : les kaons (mésons contenant un quark ou un antiquark strange et un quark up ou down), les mésons η et η', superposition de plusieurs paires quark-antiquark, dont une paire quark-antiquark strange, le méson φ, constitué uniquement d'une paire quark-antiquark strange, ou encore les baryons Σ et Λ qui contiennent un quark strange, le Ξ qui en contient deux et le Ω qui en a trois.
Doroshenko et al. notent toutefois que l'hypothèse d'une étoile à neutrons riche en quarks hors nucléons possède un petit problème : la transition vers l'état riche en quark est généralement censée se produire à des densités nucléaires très élevées, plutôt caractéristiques des étoiles à neutrons massives... ce qui n'est pas le cas de HESS J1731-347... 
Dans tous les cas, HESS J1731-347 semble bien être exceptionnelle : si ce n'est pas la première "étoile étrange", alors il s'agirait de l'étoile à neutrons la plus petite connue (en masse). Et dans un cas comme dans l'autre, ces caractéristiques déroutantes permettent aux chercheurs de contraindre d'avantage les équations d'état correspondantes, et donc de faire grandement avancer nos connaissances... 


Source

A strangely light neutron star within a supernova remnant
Victor Doroshenko et al.
Nature Astronomy (24 october 2022)

Illustration

Prédictions de l'équation d'état et contraintes observationnelles en fonction du rayon et de la masse de l'étoile compacte. (Doroshenko et al)

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