La galaxie surnommée « Sparkler » est une galaxie située 4,5 milliards d’années après le Big Bang et qui montre une multitude de sources compactes, comme des bulles pétillantes. Avec ces petits globules, elle est visible sous forme multipliée par une lentille gravitationnelle produite par un amas de galaxies d’avant plan. Une équipe d’astrophysiciens a observé de près ces sources compactes accompagnant Sparkler avec le télescope Webb et montrent qu’il s’agit de très anciens amas globulaires… L’étude est parue dans The Astrophysical Journal Letters.
L’amas de galaxie qui fait ici office de lentille gravitationnelle est nommé SMACS J0723.3-7327 et se trouve à un redshift z = 0.39, ce qui fait un trajet pour la lumière de 4,2 milliards d’années. Il s’agit de la fameuse première image du télescope Webb qui avait été diffusée en grandes pompes par le POTUS à l’été dernier… Et la galaxie Sparkler, elle, nous envoie des photons qui ont voyagé durant près de 10 milliards d’années. Et l’image de cette galaxie n’est pas unique mais multipliée par 3, très déformée et amplifiée. Et malgré cela, on a pu identifier des globules qui se répètent de la même façon eux aussi et qui font donc partie intégrante de la galaxie. En combinant les données de la caméra proche infrarouge (NIRCam) du JWST avec les données d'archives du télescope spatial Hubble (HST), Lamiya Mowla et Kartheik Iyer (université de Toronto) et leurs collaborateurs ont effectué une photométrie sur la bande de 0,4 à 4,4 μm sur ces objets, et ils constatent que plusieurs d'entre eux sont très rouges et correspondent aux couleurs de vieux systèmes stellaires « éteints ». Les ajustements morphologiques confirment que ces sources rouges sont spatialement non résolues, même dans les images fortement agrandies, tandis que les spectres de Webb montrent une émission de la raie O III dans le corps de la galaxie Sparkler, mais aucune indication de formation d'étoiles dans les globules rouges compacts.
L'interprétation la plus naturelle de ces compagnons rouges compacts de Sparkler, selon les chercheurs, est que ce sont des amas globulaires évolués. Par « évolués », on entend qu’ils sont composés d’étoiles déjà vieilles et qu’ils n’en produisent plus du tout de nouvelles. En appliquant un ajustement de la distribution d'énergie spectrale à l'échantillon, les astrophysiciens déterminent quel doit être l’âge des étoiles qui peuplent ces globules. Ils trouvent une valeur comprise entre 3,9 et 4,1 Gigannées, à l’époque où nous les observons. Cela signifie qu’ils se sont formés seulement 0,5 gigannée après le Big Bang.
Si cette observation est confirmée par des études spectroscopiques supplémentaires, ces amas d’étoiles rouges et compacts représenteraient les premiers amas globulaires évolués (ne fabricant plus d’étoiles) qui sont trouvés à haut décalage vers le rouge, donc dans un univers encore jeune. Ils pourraient donc être parmi les premiers objets observés à avoir éteint leur formation d'étoiles dans l'univers, et peuvent donc ouvrir une nouvelle fenêtre pour comprendre la formation des amas globulaires. Bien qu'ils fassent l'objet de recherches très actives depuis des décennies, nous ne savons pas quand, ni comment, les amas globulaires se forment. On sait que la plupart des amas globulaires de la Voie lactée, et ceux autour des galaxies proches, sont très vieux. Les âges absolus des plus anciens amas globulaires de la Voie lactée, déterminés par l'ajustement de la séquence principale et à partir des âges des naines blanches les plus anciennes, sont d'environ 12,5 Ga. Cependant, les incertitudes sur les estimations d'âge sont relativement importantes.
Il existe deux hypothèses majeures sur la façon dont les amas globulaires se sont formés. Dans la première, la formation d'amas globulaires est un phénomène se produisant principalement à très haut redshift, avec un lien profond avec l'assemblage initial des galaxies. Dans cette optique, les amas globulaires sont un phénomène spécial associé aux conditions de l'univers primitif, et leur canal de formation est différent de celui qui conduit la formation des étoiles actuelles.
La seconde hypothèse associe les amas globulaires aux jeunes populations stellaires observées dans les galaxies proches à flambée d’étoiles ou en fusion. Dans ce cas, la formation d'amas globulaires pourrait être un produit naturel de l'évolution continue des galaxies dans des systèmes avec des fractions de gaz élevées, et la formation d'amas globulaires atteindrait son pic à des décalages vers le rouge plus faibles.
Grâce au télescope Webb, nous sommes sur le point d'établir une distinction observationnelle entre ces deux canaux de formation d'amas globulaires. Le JWST est en effet capable d'observer des niveaux de flux très faibles dans des longueurs d'onde supérieures à deux microns (infra-rouge), et donc d'observer la formation d'amas globulaires se produisant à des décalages vers le rouge élevés.
Ici, les chercheurs n’ont pas observé la formation directe des amas globulaires de la galaxie Sparkler mais leur observation à une époque reculée et l’évaluation de leur âge à ce moment-là permet de déterminer assez précisément la date de leur formation : à un redshift compris entre 7 et 11, soit entre 420 et 770 millions d’années après le Big Bang.
Source
The Sparkler: Evolved High-redshift Globular Cluster Candidates Captured by JWST
Lamiya Mowla, Kartheik Iyer, et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 937, Number 2 (29 september 2022)
https://doi.org/10.3847/2041-8213/ac90ca
Illustrations
1. L’image emblématique
du champ de galaxies entourant SMACS J0723.3-7327. Les trois images de Sparkler sont entourées (NASA/JWST)
2. Zoom sur les trois images de Sparkler (Kartheik Iyer, et al)
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