Andrew Vanderburg et ses collègues ne s'attendaient pas à trouver une telle planète autour d'une telle étoile : une planète de la taille de Jupiter en orbite très rapprochée autour d'une... naine blanche. C'est la première fois qu'une planète intacte est trouvée autour d'une étoile naine blanche, une étoile qui est plus petite en taille que sa planète, du coup. Une étude parue dans Nature.
L'équipe d'astrophysiciens américains s'intéressait au débris de planètes pouvant exister autour des naines blanches. Pour cela, les chercheurs exploitaient le télescope chasseur d'exoplanète TESS, ainsi que le télescope de 8 m de Gemini North à Hawaï. Cette découverte fortuite révèle que des planètes géantes de la taille de Jupiter peuvent survivre à la fin de vie d'une étoile moyenne qui donne naissance à une naine blanche en passant par un stade de géante rouge très volumineuse. Car c'est ce qui a dû arriver dans ce couple atypique.
Cette étoile naine blanche porte le nom de WD 1856+534 et la planète celui de WD 1856b. La naine blanche est toute petite : elle a une masse de 0,52 masses solaires seulement, pour un rayon de 1,43 fois le rayon de la Terre... Et quant à la planète, elle a une masse estimée d'au maximum 13,8 fois la masse du Jupiter (on ne peut en connaître qu'une limite supérieure actuellement). En revanche, son rayon est bien connu, grâce au transit qui a été observé devant la naine blanche et ce rayon vaut 15,4 fois le rayon de la Terre. Vous aurez donc compris que la planète WD 1856b est 10,8 fois plus grosse que son étoile!... Autant dire que lorsqu'elle passe en transit devant, ça se voit pas trop mal... Mais la durée du transit est courte du fait de la taille réduite de la naine blanche, avec 7,95 minutes, alors qu'un transit classique devant une étoile "normale" (de la séquence principale) dure plutôt 30 minutes...
Après l'observation du transit par TESS, puis par le Gran Telescopio Canarias, et Spitzer en orbite, les données spectrales dans le proche infra-rouge obtenues avec le Gemini North ont permis aux chercheurs de caractériser la naine blanche, mais ils n'ont pas pu en faire autant pour la planète ni pour d'éventuels débris. L'absence de débris confirme que le transit observé était bien celui d'une planète intacte. Le fait de ne pas voir de signature dans l'infra-rouge de WD 1856b fait dire à Vanderburg et ses collaborateurs que cette planète est très froide, avec une température maximale de l'ordre de 17°C (valeur obtenue avec le désormais défunt télescope spatial Spitzer).
La découverte d'une telle planète, qui tourne autour de la naine blanche en seulement 34 heures, à une distance de 0,02 UA (3 millions de km) pose la question du destin des planètes qui se trouvent en orbite d'étoiles qui finiront leur vie en naine blanche (comme le Soleil). La plupart des milliers d'exoplanètes qui ont été trouvées dans les vingt dernières années sont dans ce cas. L'existence de WD 1856b avec ses caractéristiques là où elle se trouve par rapport à son étoile laisse penser aux astrophysiciens qu'elle ne devait pas se trouver aussi près d'elle au moment où l'étoile progénitrice s'est mise à gonfler en supergéante rouge. Elle a dû migrer après que la naine blanche soit apparue, selon Vanderburg et ses collaborateurs, sinon, elle n'aurait pas survécu telle qu'elle est aujourd'hui.
Il est en effet établi que lorsque les étoiles évoluent en naine blanche, leur système planétaire, auparavant stable, peut subir des interactions dynamiques violentes qui se manifestent en des mouvements orbitaux importants, surtout dans des systèmes planétaires multiples. Les chercheurs ont simulé le cas de WD 1856+534 et ont vérifié que c'était tout à fait possible si le système planétaire était multiple. Les calculs montrent que le résultat est finalement une orbite circulaire à très courte période pour la planète géante, ce qui est cohérent avec le cas observé.
Ces réarrangement orbitaux peuvent en outre être très lents, de l'ordre du milliard d'années! Et ça tombe bien, parce que l'âge qui est estimé pour la naine blanche WD 1856+534 est de 5,85 milliards d'années. WD 1856 b aurait donc eu tout le temps nécessaire pour migrer vers l'étoile.
Cette migration aurait donc permis à WD 1856 b de s'approcher très près de la naine blanche, mais sans pour autant se faire détruire par la forte gravité produite par ce cadavre d'étoile très dense (1,5 millions de fois la masse de la Terre dans 1,43 fois son rayon seulement...).
Cela ouvre des perspectives d'avenir à l'horizon de 5 à 10 milliards d'années pour nos Jupiter et Saturne...
Les auteurs de cette étude souhaitent désormais étudier l'atmosphère de WD 1856b, une planète dont la température semble bien tempérée, en faisant soit de la spectroscopie de transmission (analyse de la lumière de la naine blanche absorbée par l'atmosphère de la planète) ou bien de la spectroscopie d'émission (ce qui pourrait être obtenu en infra-rouge par le futur télescope spatial James Webb).
Source
A giant planet candidate transiting a white dwarf
Andrew Vanderburg et al.
Nature 585, 363–367 (17 september 2020)
Illustrations
1) vue d'artiste de WD 1856+534 et de sa planète (NASA’s Goddard Space Flight Center)
2) Signal de baisse de luminosité infra-rouge signant le transit, observé par le Gran Telescopio Canarias et Spitzer (Vanderburg et al.)
6 commentaires :
Bonjour,
Pourquoi la planète n'occulte-t-elle pas totalement la naine blanche ? La première idée est qu'elle ne fait que la "frôler", mais un petit calcul à partir des paramètres orbitaux et du temps de transit l'exclut. Est-ce du à la diffraction de la lumière de la naine blanche par l'atmosphère planétaire ?
tu as pris quels paramètres orbitaux ?
il faut savoir que l'inclinaison orbitale est très grande, proche de 90°. Très exactement, elle vaut 88,78° en considérant une excentricité égale à 0 ou 87,4° en considérant le meilleur fit d'excentricité (0,68 au max).
S'il y a transit,l'inclinaison orbitale est nécessairement proche de 90°, et n'en diffère au plus que de la taille angulaire du rayon de la planète, vue depuis la NB, non ? Ici 1.83°, en fait vers 2° en tenant compte du rayon de la NB). On est donc proche d'un transit rasant pour les inclinaisons que tu donnes.
Mon calcul à partir des vitesses orbitales supposait une excentricité nulle, mais surtout mea culpa, j'ai commis un bug (rayon au lieu du diamètre planétaire !) ; correction faite, on retrouve un transit rasant, avec une occultation partielle...
A propos d'occultation rasante, voir celle de Mars par la lune le 6/09 dernier sur cieletespace.fr. Ici le rapport de taille angulaire étant de l'ordre de 100 (lune/Mars), il fallait bien choisir son point d'observation...
Bonjour,
N'y aurait-il pas une chance, en chronométrant les nombreuses occultations, de détecter une éventuelle perturbation de l'orbite par une deuxième planète?
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