Les observations de Jupiter par le télescope spatial Webb en juillet 2022 montrent des détails insoupçonnés et révèlent la présence d'un vent équatorial intense (140 m s-1, soit 70 m s-1 plus rapide que les vents zonaux) et qui est confiné à ± 3° de l'équateur. Ce "jet" est situé en dessous des oscillations thermiques stratosphériques qui se répètent en cycles pluriannuels sur Jupiter. Cela suggère que le nouveau jet fait partie intégrante de l'oscillation stratosphérique équatoriale de Jupiter. L'étude est publiée dans Nature Astronomy.
C'est avec l'instrument NIRCam que Ricardo Huéso (université du pays basque à Bilbao) et ses collaborateurs ont pu étudier la dynamique atmosphérique de la planète géante. Les images ont été acquises à des longueurs d'onde dans le proche infrarouge, où les absorptions atmosphériques empêchent des observations de haute qualité par d'autres télescopes terrestres. À ces longueurs d'onde, les images de Webb sont sensibles aux altitudes atmosphériques depuis le niveau des nuages jusqu'à la stratosphère, avec une haute résolution spatiale. Huéso et ses collaborateurs ont observé un hémisphère de Jupiter à plusieurs longueurs d'onde, avec des séries d'observations séparées par une rotation de Jupiter (10 heures). En comparant les ensembles de données, ils ont pu examiner les mouvements des caractéristiques atmosphériques et la morphologie des brumes élevées dans la région équatoriale de Jupiter.
Les images de la planète géante à l'aide de NIRCam montrent une vision différente de son atmosphère par rapport à celles observées dans le passé avec d'autres instruments. L'une des différences les plus remarquables concerne les brumes qui couvrent la région équatoriale : ces brumes sont généralement fades et ternes dans les images acquises par d'autres télescopes, mais elles apparaissent ici pleines de détails dans les images de Webb. A l'aide des filtres spécifiques de NIRCam, une analyse de la profondeur de pénétration des rayonnements montre que la plupart de ces brumes sont observées à une pression d'environ 200 mbar, ce qui correspond à une altitude de 25 km au-dessus du niveau des nuages et à environ 10 km en dessous de la tropopause (environ 100 mbars). Autour de l'équateur de Jupiter, Webb a capturé un jet intense et étroit. Il se trouve à haute altitude, dans une brume dont les mouvements n'étaient pas mesurables lors des observations précédentes. Il se manifeste dans les mouvements rapides des brumes équatoriales, s'étendant de -3º à +3º de latitude, sur 7 000 km de longueur. Au centre du jet, la vitesse du vent atteint deux fois la vitesse des caractéristiques observées dans les champs nuageux de la troposphère, et il est très probablement une contrepartie profonde des oscillations équatoriales qui sont observées dans la stratosphère de Jupiter selon les chercheurs.
Ce jet équatorial inattendu présente un fort cisaillement vertical du vent (une différence de vitesse de 2 à 3,5 m s-1 par km), l'intensité du vent augmentant avec la hauteur au-dessus des sommets des nuages. En dehors du jet central, la vitesse du vent diminue avec la hauteur depuis le sommet des nuages jusqu'aux brumes (qui se déplacent plus lentement), ce qui produit d'intenses cisaillements méridionaux au niveau des brumes. Une structure très similaire de vents équatoriaux complexes avec de forts cisaillements méridionaux du vent avait été observée sur Saturne par la mission Cassini, bien qu'avec des cisaillements verticaux du vent beaucoup plus faibles.
Pour Huéso et son équipe, le jet nouvellement observé est probablement une contrepartie profonde des oscillations régulières de températures et de vents qui se produisent dans l'atmosphère équatoriale de Jupiter à des niveaux stratosphériques dont les pressions varient de 0,1 à 50 mbar. Ces oscillations thermiques ont une périodicité de 4 à 6 ans, selon des observations au sol dans l'infrarouge obtenues sur plusieurs années. Le comportement temporel attendu de ces oscillations entraînerait des valeurs de vent maximales au moment où les observations de Webb ont été effectuées.
Les oscillations stratosphériques équatoriales de températures et de vents sont également des phénomènes importants dans l'atmosphère de la Terre et de Saturne. Mais l'origine physique de ces oscillations stratosphériques sur Terre, Saturne ou Jupiter n'est pas bien comprise, même si l'on sait que l'activité convective joue un rôle dans la modulation de leurs propriétés.
Pour le jet découvert sur Jupiter, de meilleures informations seront nécessaires sur sa structure verticale, ce qui nécessite des observations à des longueurs d'onde supplémentaires, et sur sa potentielle variabilité temporelle, ce qui nécessite davantage d'images.
De futures observations de Webb avec NIRCam pourront explorer la variabilité temporelle de ce nouveau jet et déterminer si sa variabilité est bien en phase avec les oscillations de température stratosphérique.
Il est fort possible que de nouveaux modèles dynamiques soient nécessaires pour comprendre le lien dynamique entre la haute troposphère et la basse stratosphère chez les géantes gazeuses. Ces observations sont les premières mesures réelles permettant de combler le fossé en matière de détection du vent dans cette région de l'atmosphère de Jupiter qui est si difficile à mesurer et à caractériser.
Source
An intense narrow equatorial jet in Jupiter’s lower stratosphere observed by JWST
Ricardo Hueso et al.
Nature Astronomy (19 october 2023)
Illustrations
1. Jupiter imagée par le télescope Webb (Huéso et al.)
2. Vitesse des vents en fonction de la latitude (Huéso et al.)
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