Il existe des pulsars qui se comportent de manière étonnante, à l'image de PSR B2224+65, un pulsar qui montre un jet émettant en rayons X, qui part dans le mauvais sens... Un astrophysicien américain reporte dans un court article des Research Notes of the AAS comment un tel phénomène semblant a priori défier les lois de la physique peut être expliqué par des subtilités de cette même physique...
Depuis une bonne dizaine d'années, les astrophysiciens sont confrontés à des observations très curieuses autour de certains pulsars qui ont le point commun de se déplacer très vite. C'est la structure en forme de jets des émissions X entourant les bulles de particules chargées associées aux pulsars qui se comportent bizarrement. Ces jets semblent se développer à très grande vitesse mais avec des angles inattendus par rapport à la direction du mouvement du pulsar en question.
On s'attend "normalement" à ce que le vent de pulsar et donc les émissions de rayons X associées suivent la direction du mouvement de l'étoile à neutron. Dans le cas de PSR B2224+65, un jet est clairement orienté à plus de 60° par rapport à la direction du mouvement et suit le mouvement du pulsar. Daniel Wang l'a étudié à partir de données collectées par le télescope spatial Chandra pour comprendre comment un tel phénomène était tout de même possible.
Les pulsars sont des étoiles à neutrons magnétisées qui émettent des vents de particules qui se retrouvent entrelacées dans les lignes de champ magnétique. Il se forme alors une bulle de particules chargées dans le milieu interstellaire autour du pulsar. Lorsque le pulsar se déplace très vite, on s'attend normalement à ce qu'il se forme une onde de choc supersonique vers l'"avant" de cette bulle, la forçant à s'étirer vers l'arrière. L'émission de rayons X associée doit normalement suivre la direction du mouvement...
Wang a exploité trois observations de Chandra, à 6 ans d'intervalle : en 2000, 2006 puis 2012. Dans l'image de 2012, on distingue une zone d'émission très faible qui coïncide avec la trainée des particules du vent de pulsar formant une structure nébuleuse en forme de guitare, et on y voit également, en plus du jet désaligné, un contre-jet, partant de l'autre côté du pulsar, lui aussi quasi orthogonal au mouvement. C'est cette observation, associée à la comparaison des flux dans le temps entre les trois époques, qui a mené Wang sur une solution.
Elle fait intervenir le confinement des particules par le champ magnétique, qui dépend de leur énergie (il est moins efficace pour les particules les plus énergétiques) or, d'après Wang, ce confinement peut se rompre très localement à la faveur de l'interaction entre le champ magnétique du milieu interstellaire et celui de la bulle, produisant ce qu'on appelle des reconnexions magnétiques. Le "trou" qui apparait dans la bulle peut alors laisser s'échapper des particules par bouffées sporadiques. Mais ces particules ne sont pas pour autant libres de leur mouvement, elles doivent être guidées par les lignes du champ magnétique interstellaire. Mais Wang précise qu'il ne sait pas encore expliquer avec certitude pourquoi les bouffées apparaissent sporadiques de la sorte dans B2224+65. Il n'explique pas non plus pourquoi les jets observés sont beaucoup plus brillants que la trainée "normale" à l'arrière du pulsar.
A l'image d'un ballon percé qui fuit, il est possible, selon Wang, que cette fuite soit très instable et fluctue lorsque la bulle se déplace dans le milieu interstellaire. Ce qui est certain selon lui, c'est que les champs magnétiques jouent un rôle central dans ce phénomène et que les particules qui s'échappent sont accélérées par le champ magnétique jusqu'à être capables de produire des rayons X par effet synchrotron.
Source
X-Ray Jet, Counter-jet, and Trail of the Fast-moving Pulsar PSR B2224+65
Daniel Wang
Research Notes of the AAS, Volume 5, Number 1 (6 january 2021)
Illustration
PSR B2224+65 et son jet désaligné (Daniel Wang)
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