01/01/21

Estimation du nombre (énorme) de planètes rocheuses en zone habitable autour d'étoiles du type solaire


Près d'une étoile de type solaire sur deux possède une planète comme la Terre dans sa "zone habitable", c'est la conclusion d'une étude qui vient d'être publiée par une collaboration de 80 astrophysiciens à partir des données enregistrées par le télescope Kepler et le satellite Gaia. L'étude est publiée dans The Astronomical Journal.


L'analyse qu'ont effectuée Steve Bryson (NASA Ames Research Center) et ses collaborateurs est la première qui exploite non pas la distance des planètes de leur étoile ou leur période orbitale pour définir si elles sont en "zone habitable", mais le flux d'énergie de l'étoile qu'elles reçoivent. Les astronomes se sont intéressés exclusivement à des étoiles de type du Soleil : des étoiles naines de type G (jaune) et K (orange) dont la température de surface est comprise entre 4800 K et 6300 K (rappelons que le Soleil est une étoile de type G de 5780 K). Quant aux planètes dont ils ont cherché à évaluer le nombre en zone habitable autour de ces étoiles, ils se sont limités à des planètes rocheuses dont le rayon est compris entre 0,5 et 1,5 fois le rayon de la Terre.
C'est à partir du catalogue d'exoplanètes candidates DR25 de Kepler et des caractéristiques des étoiles obtenues par Gaia, que Bryson et ses nombreux collaborateurs et collaboratrices parviennent à calculer le taux d'occurrence des planètes de type terrestre qui sont situées en zone habitable autour d'étoiles de type solaire, un paramètre qui est nommé η
Le nombre total de planètes répondant à ces critères détectées par Kepler est évidemment faible, mais il est suffisant pour pouvoir faire des extrapolations à partir d'hypothèses raisonnables et une étude statistique élaborée à base d'analyse Bayésienne. La collaboration d'astrophysiciens fait deux hypothèses concernant la zone habitable, une première conservative (pour ne pas dire pessimiste) et la seconde optimiste. Ces hypothèses ont été introduite en 2014 par Kopparapu et al. : dans la version pessimiste, les limites de la zone habitable sont déterminées par la teneur en gaz à effet de serre maximale, qui va contrôler la température avec le flux d'énergie stellaire et dans la version dite optimiste, les limites interne et externe de la zone habitable sont définies en considérant les exemples de notre système solaire que sont la récente Vénus et la jeune Mars.

La valeur de η qu'ils obtiennent dans ces deux hypothèses sont assez bluffantes : avec l'hypothèse pessimiste, le nombre de planètes telluriques qui se trouveraient en zone habitable autour d'étoiles de type soleil est compris entre 0,37 [-0,21;+0,48] et 0,60 [-0,36;+0,90], et avec l'hypothèse optimiste, l'occurrence de ces planètes est comprise entre 0,58 [-0,33;+0,73] et 0,88 [-0,51;+1,28].
Les incertitudes assez importantes qui restent sur ces chiffres sont dues au petit nombre de planètes telluriques qui ont été détectées en zone habitable par Kepler. Mais différentes analyses statistiques ont été appliquées pour ces calculs par les auteurs et elles trouvent toutes des occurrences semblables. 
A partir des bornes inférieures et supérieures de η qu'ils ont déterminées, et connaissant bien les étoiles qui entourent le Soleil dans un rayon de quelques dizaines d'années-lumière, les chercheurs peuvent ensuite estimer à quelle distance devrait se trouver en moyenne la planète tellurique en zone habitable la plus proche de nous (et située en orbite autour d'une étoile de type G ou K) : cette planète devrait se trouver à une distance de seulement 6 parsecs (19,6 années-lumière)! Et si on trace une sphère de 10 parsecs de rayon autour du Soleil (32,6 années-lumière), Bryson et ses collaborateurs calculent dans leur gros article de 32 pages qu'il devrait exister dans cette sphère pas moins de 4 planètes rocheuses du type de la Terre situées en zone habitable autour d'étoiles de type G ou K. Et ces estimations sont obtenues avec un niveau de confiance de 95%.
En résumé, environ une étoile sur deux qui a des caractéristiques similaires au Soleil (type et température) doit posséder une planète rocheuse dans sa zone habitable (c'est à dire avec un flux d'énergie semblable à ce que reçoit la Terre) selon les résultats de la grande collaboration de Steve Bryson. Et comme les étoiles de ce type sont très nombreuses dans notre galaxie, cela implique que ces planètes potentiellement habitables seraient elles aussi très nombreuses, et si nombreuses même qu'il devrait en exister 4 dans un rayon de 30 années-lumière autour de nous. La Terre ne serait donc absolument pas une exception dans notre galaxie puisque ce type de planètes rocheuses situées en zone habitable autour d'étoiles cool comme le Soleil se compteraient en dizaines de milliards dans la galaxie.


Source

The Occurrence of Rocky Habitable-zone Planets around Solar-like Stars from Kepler Data
Steve Bryson et al.
The Astronomical Journal, Volume 161, Number 1 (22 december 2020)


Illustration

Vue d'artiste de la multitude d'exoterres qui doit peupler notre galaxie (NASA/JPL-Caltech/R. Hurt (SSC-Caltech))

3 commentaires :

Nico a dit…

Bonjour, est-ce que l'étude a tenu compte du champ magnétique de ces planètes telluriques? Car il semblerait que ce soit un élément critique pour la probabilité de survenance de la vie sur une astre, n'est-ce pas?
En tout cas, même s'il fallait minorer ce chiffre, il y a fort à parier que la probabilité reste de toute façon élevée.
Article très sympa, et à contre-pied de pas mal d'idées reçues et moins bien étayées.
Encore merci pour votre travail de vulgarisation au paaage!

Dr Eric Simon a dit…

L'étude considère des planètes qui possèdent une atmosphère (limite de la ZH régulée par le taux de gaz à effet de serre) donc implicitement, elles doivent avoir un champ magnétique qui permet d'éviter l'érosion atmosphérique par le vent stellaire.

Nico a dit…

ha oui, en effet, c'est logique, j'ai posé ma question un peu vite... merci pour la réponse!