Ces deux dernières années, des effets relativistes à proximité immédiate de Sgr A* - redshift gravitationnel et précession de Schwarzschild- ont été mesurés grâce à une étoile qui s'en approche de près, l'étoile S2. Aujourd'hui, la collaboration GRAVITY publie la détection d'une étoile très faible et extrêmement proche du trou noir supermassif, faisant d'elle un potentiel outil fondamental pour son étude détaillée. L'étude est publiée dans Astronomy & Astrophysics.
Le Graal des astrophysiciens qui s'intéressent à ce qui se passe autour de Sgr A* serait de pouvoir déterminer le paramètre de rotation du trou noir via la précession dite de Lense-Thirring. Si de plus ils pouvaient parvenir à mesurer indépendamment le moment quadrupolaire de Sgr A*, la relation entre les deux fournirait un test unique du théorème de la calvitie des trous noirs, le théorème fondamental des trous noirs. L'enjeu est donc très fort.
Pour arriver à mesurer l'effet Lense-Thirring (qui traduit la façon dont la rotation d'un trou noir emporte avec elle la structure de l'espace-temps), les astrophysiciens ont besoin de mesurer l'évolution des orbites d'étoiles qui lui tournent autour à une distance plus faible que celle de l'étoile S2. S2 s'approche de Sgr A* au plus près à une distance de 124 UA, soit quatre fois la distance Soleil-Neptune...
GRAVITY, l'interféromètre infra-rouge qui est monté sur le Very Large Telescope de l'ESO à l'observatoire de Paranal au Chili est l'instrument idéal pour cela. Mais avant de pouvoir faire ça, il faut d'abord trouver les étoiles idéales pour ce type de mesure. Et les astrophysiciens de la collaboration GRAVITY s'y acharnent.
Le nombre d'étoiles attendues dans un rayon plus petit a été jusqu'à maintenant seulement estimé en extrapolant le profil de densité du centre galactique jusqu'à la limite de résolution des télescopes de la classe des 8 m dans l'infra-rouge (environ 60 millisecondes d'arc) et en extrapolant la fonction de masse aux étoiles plus faibles qu'une magnitude 18. Le résultat de ces estimations du nombre d'étoiles exploitables pour faire ces tests cruciaux de la Relativité Générale est de l'ordre de ... 1 d'après le dernier calcul de ce genre qui a été effectué en 2018! Il n'y aurait donc statistiquement qu'une seule étoile disponible pour cette mesure. On comprend mieux pourquoi cette recherche est précieuse.
Cette fois-ci, les chercheurs ont utilisé leur instrument préféré pour observer l'entourage de Sgr A* sur une période de 6 mois en utilisant des méthodes de reconstruction interférométriques développées pour la radioastronomie. Ils se sont focalisés sur les étoiles de faible luminosité qui avaient pu leur échapper dans leurs observations antérieures.
Ils ont ainsi identifié une étoile de magnitude 18,9 à moins de 30 millisecondes d'arc de Sgr A*. Cette étoile très faible a une position et une vitesse propre qui paraît cohérente avec celles d'une étoile du groupe S qui a été découverte il y a quelques années (S62), qui se trouve actuellement à une distance physique substantiellement plus grande que S2 mais qui en projection, passe très près de Sgr A*. Sa trajectoire paraît foncer directement sur Sgr A*... Les paramètres orbitaux de S62 ont été déterminés en 2020 par une équipe qui trouvait une période orbitale de 9,9 ans avec une excentricité extrême. Mais les observations de la collaboration ne collent pas avec ces paramètres car avec la position et la vitesse propre et qui avait été déterminées l'années dernière, ils n'auraient tout simplement pas dû la voir dans leur champ de vue. Les astrophysiciens de GRAVITY en viennent donc à porter de sérieux doutes sur les résultats de Peissker et al. concernant S62. Pour en avoir le coeur net, ils ont recherché si une autre étoile aurait pu semer la confusion chez l'équipe concurrente. Après quelques jours de suivi, ils ont effectivement trouvé une autre étoile du groupe S, nommée S29, qui aurait pu être confondue avec S62 par Peissker et ses collaborateurs qui utilisaient l'imageur à optique adaptative NACO toujours sur le VLT, qui offre une plus faible résolution que GRAVITY.
L'étoile faiblement lumineuse détectée par GRAVITY serait donc bien S62 mais ses paramètres orbitaux ne sont pas ceux que l'on pensait, et ils restent donc à déterminer. On sait pour le moment qu'elle se trouve à 27 millisecondes d'arc de Sgr A*, et qu'elle se meut à une vitesse de 2,38 millisecondes d'arc par an dans un axe (ascension droite) et 2,74 millisecondes d'arc par an selon l'autre axe (déclinaison), sans montrer d'accélération pour l'instant.
On peut être sûr que cette nouvelle recrue va continuer à être suivie de près maintenant, en attendant de trouver d'autres candidates encore plus faiblement lumineuses et passant un jour ou l'autre encore plus près de Sgr A*.
Source
Detection of faint stars near Sagittarius A* with GRAVITY
GRAVITY Collaboration
Illustration
Trajectoires des étoiles S2, S62 et S29 déterminées par des observations successives autour du trou noir Sgr A* (Collaboration GRAVITY)
2 commentaires :
Bonjour Eric,
Si on ne mesure pas d'accélération à S62, alors qu'on la voit s'approcher de Sgr A, ça voudrait dire qu'elle ne s'en approche que sous l'effet de la perspective, et qu'on est situé près de son plan de rotation?
C'est tout à fait ça !
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