La sonde New Horizons est toujours active et continue sa route dans les zones externes du système solaire, la ceinture de Kuiper peuplée de nombreux petits corps. Mais cette zone du système solaire comporte aussi de la poussière et New Horizons possède un détecteur de poussière qui est géré en partie par des étudiants états-uniens. Ils publient aujourd'hui dans The Astrophysical Journal Letters leurs derniers résultats jusqu'à une distance de 55 UA du Soleil, et ils trouvent un flux de poussière plus élevé que prévu par les modèles...
Le compteur de poussière de New Horizons est appelé SDC (Student Dust Counter) mais il porte également le nom de Venetia Burney, qui est connue pour avoir proposé, alors qu'elle était une écolière de 11 ans, le nom Pluton pour la 9ème planète qui venait d'être découverte le 14 mars 1930. On sait aujourd'hui que ce n'est pas une planète, mais juste une planète naine. Le SDC mesure les impacts des particules de poussière sur la trajectoire de vol de la sonde pour les grains d'une masse ≥ 10-12 g, cartographiant leur répartition de densité spatiale.
La distribution orbitale des poussières est déterminée par les forces de gravité du Soleil et des planètes, par la pression de radiation, par la traînée de Poynting-Robertson (PR) et les forces électromagnétiques. De plus, la taille et la masse des grains de poussière évoluent constamment en raison des pulvérisations et des collisions mutuelles. Alors que les comètes de la famille de Jupiter et les astéroïdes dominent la production de poussière dans le système solaire interne, c'est la ceinture de Kuiper qui est la source dominante des poussières dans le système solaire externe, à cause de collisions mutuelles d'objets de la ceinture de Kuiper (KBO) ou de bombardements de poussières interstellaires. Alors que les poussières créées au-delà de 30 UA se dirigent généralement vers le Soleil, Neptune prolonge leur durée de vie en raison des résonances orbitales.
Alex Doner (Université de Boulder) et ses collaborateurs présentent leurs dernières mesures de densité, de distribution de taille et de flux de grains de poussière jusqu'à une distance de 55 UA et ils les comparent aux prédictions d'un modèle numérique. Le compteur de poussière SDC est le premier instrument à effectuer des mesures de poussière in situ au-delà de 17 UA du Soleil. Les mesures jusqu'à 55 UA montrent des flux de poussière qui sont plus élevés que ceux prévus par le modèle à mesure que New Horizons s'approche du bord extérieur putatif de la ceinture de Kuiper.
Parmi les raisons possibles de cette augmentation de flux, on trouve la pression de rayonnement qui pourrait étendre la distribution de poussière à des distances héliocentriques plus grandes que la distribution de son corps d'origine ; il se peut aussi que les grains de poussière glacée subissent une photopulvérisation qui augmenterait rapidement leur réponse aux forces de pression de radiation et les éloigne du Soleil ; et il se peut enfin que la répartition des KBO s’étende beaucoup plus loin que ne le suggèrent les observations existantes.
Les chercheurs pensent notamment que les olivines ferromagnésiennes, les pyroxènes, les sulfures métalliques et le carbone amorphe dominent l'assemblage minéral des poussières dans le système solaire. Mais les KBO contiennent également une grande quantité de glace stable qui se retrouve probablement dans les grains de poussière qu'ils émettent. Les grains de glace ont des valeurs de tailles de grains plus élevées et ont une plus faible capacité d'absorption, une plus faible densité, et en revanche une réflectivité élevée. Ils sont susceptibles d'être détruits relativement rapidement en raison de la photopulvérisation.
Doner et ses collaborateurs montrent dans leur étude que chacun des trois phénomènes physiques évalués peut contribuer à l'écart entre les données et le modèle: que ce soient les propriétés optiques et la pression de rayonnement (proposé par Arnold et al. en 2019), la variation de la composition entre les silicates et la glace (proposé par Grigorieva et al. en 2007 ); et enfin une répartition plus étendue que celle actuellement identifiée des corps producteurs de poussière dans le système solaire (qui avait été récemment proposé par Fraser et al. en 2023 ). Les mesures continues identifiant les flux de poussière croissants, constants ou décroissants, combinées à des enquêtes numériques plus détaillées, aideront à limiter les contributions relatives de chacun de ces mécanismes à la production et au transport de poussière dans la ceinture de Kuiper externe.New Horizons devrait fonctionner encore tout au long des années 2040, explorant des distances héliocentriques allant au-delà de 100 UA. Le fonctionnement continu du SDC offre l’opportunité d’explorer les limites extérieures de notre système solaire et éventuellement d’enregistrer la transition vers une nouvelle région de l’espace où ce serait des particules interstellaires qui domineraient l’environnement poussiéreux. En complément des observations optiques de la ceinture de Kuiper, les mesures du SDC de New Horizons offrent une opportunité unique d'en apprendre davantage sur l'étendue de notre ceinture de Kuiper, les sources de poussière et au-delà, la poussière interstellaire et donc indirectement les disques de poussière autour d'autres étoiles.
Source
New Horizons Venetia Burney Student Dust Counter Observes Higher than Expected Fluxes Approaching 60 au
Alex Doner et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 961, Number 2 (25 january 2024)
https://doi.org/10.3847/2041-8213/ad18b0
Illustrations
1. Flux de poussière mesuré par New Horizons en fonction de la distance au Soleil (Doner et al.)
2. Position du détecteur SDC sur la sonde (sous la sonde) (NASA)
3. Alex Doner
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