L'existence possible de halos stellaires dans les galaxies de très faible masse est aujourd'hui intensément discutée après quelques découvertes récentes d'étoiles situées à la périphérie des galaxies naines du Groupe Local. Une équipe d'astrophysiciens vient d'explorer la périphérie de 45 galaxies naines ultrafaibles en se focalisant sur des étoiles de type RR Lyrae. Ils démontrent que 33% des galaxies naines très faiblement lumineuses possèdent effectivement des populations d'étoiles étendues. Leur étude est parue dans The Astronomical Journal.
Les halos stellaires peuvent être considérés comme une conséquence de la formation hiérarchique des structures galactiques du modèle ΛCDM car des étoiles peuvent être trouvées dans les régions externes de ces galaxies massives en raison des interactions entre les sous-halos que prédit le modèle. D'une part, si les sous-halos en interaction sont suffisamment massifs pour avoir une composante stellaire, ils peuvent déposer une fraction importante d'étoiles dans les régions externes de leurs galaxies hôtes pendant le processus de fusion. Et d'autre part, lors des interactions entre galaxies, les étoiles initialement situées dans leurs régions internes peuvent s'agiter et finir par atteindre des orbites plus lointaines.
Mais lorsqu’on considère les galaxies naines, l’existence de halos stellaires entourant ces structures de faible masse reste encore un sujet de discussion brûlant. Jusqu'à présent, l'étude des composantes stellaires étendues dans les galaxies naines a été limitée du fait qu'elles sont difficiles à observer. Une autre difficulté est l'absence d'une relation bien modélisée entre la masse stellaire et la masse du halo pour ces galaxies, a contrario des grandes galaxies massives comme la Voie Lactée où cette relation est bien maîtrisée.
Elisa Tau (université de La Serena) et ses collaboratrices ont donc spécifiquement choisi de travailler avec des étoiles de type RR Lyrae car ces vieilles étoiles variables pulsantes (avec une période de l'ordre d'une journée) peuvent être utilisées efficacement pour identifier l’étendue des galaxies, en profitant de la très faible contamination de premier plan qu’elles procurent. Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé des étoiles RR Lyrae détectées par Gaia, le Dark Energy Survey, le Zwicky Transient Facility et Pan-STARRS. Ils ont associé les étoiles à une galaxie hôte en fonction de leurs séparations angulaires, de leurs magnitudes et de leurs mouvements propres. Tau et ses collaborateurs ont trouvé un total de 120 étoiles RR Lyrae appartenant à 21 galaxies différentes dans leur échantillon. Et parmi elles, il y a sept nouvelles étoiles RR Lyrae dans six galaxies naines ultrafaibles (Hydrus I, Ursa Major I, Ursa Major II, Grus II, Eridanus II et Tucana II). Les astronomes ont également trouvé un grand nombre de nouvelles étoiles possibles dans Bootes I et Bootes III, mais certaines d'entre elles pourraient en fait appartenir au courant du Sagittaire voisin. Mais en ajoutant les 120 étoiles RR Lyrae aux observations antérieures d'autres galaxies naines ultrafaibles qui étaient hors de leur portée, Tau et son équipe constatent qu'au moins 10 de ces galaxies possèdent des étoiles RR Lyrae situées à des distances supérieures à quatre fois leur rayon de demi-lumière (noté Rh, le rayon dans lequel est contenue la moitié de la luminosité totale de la galaxie).
Comme, en tout, leur échantillon ajouté aux données antérieures impliquent 30 galaxies naines ultrafaibles, puisqu'ils identifient 10 galaxies possédant des étoiles dans leur halo, cela indique qu'au moins 33 % des galaxies naines ultrafaibles avec une population d'étoiles RR Lyrae possèdent des populations stellaires étendues. Il est important de souligner que le nombre de 10 galaxies naines ultrafaibles possédant des populations d'étoiles externes constitue une limite inférieure. Les chercheuses rappellent que les RR Lyrae sont rares dans les galaxies naines ultrafaibles, nombre d'entre elles n'en hébergent que quelques-unes (voire aucune). Il peut ainsi y avoir des cas dans lesquels le nombre de RR Lyrae n'est tout simplement pas suffisant pour retracer la population stellaire.
Les résultats de Elisa Tau et ses collaboratrices sont en tous cas cohérents avec une récente étude parue l'année dernière (Waller et al.) qui avait étudié trois galaxies naines ultrafaibles (Ursa Major I, Bootes I et Coma Berenices) avec Gaia et qui trouvait 1 étoile à un rayon de 3,7 Rh dans Ursa Major I, une étoile à 4 Rh dans Bootes I et deux étoiles à 2,5 Rh dans Coma Berenices. Dans Coma Berenices, Tau et ses collaboratrices ont trouvé une étoile à 3,98 Rh , ce qui est encore plus éloigné que celles identifiées par Waller et al. Elles ont également trouvé un accord avec des études antérieures sur la galaxie Tucana II, dans lesquelles des étoiles jusqu'à 9 Rh avaient été identifiées dans les parties externes de la galaxie par Chiti et al. en 2021. Dans Tucana II, Tau et ses collaboratrices ont trouvé deux RR Lyrae distantes de 5 Rh et 12 Rh.L'ère de grands relevés a facilité la recherche de régions plus larges dans le ciel et a permis de l'étendre à de plus grandes distances. Les prochaines études à grande échelle, telles que celles qui seront réalisées par l'observatoire Vera Rubin et le télescope spatial Nancy Grace Roman, devraient atteindre des régions plus éloignées encore lors de l'observation des galaxies naines du groupe local, de quoi obtenir des informations plus précises sur leur véritable étendue.
Source
Extended Stellar Populations in Ultrafaint Dwarf Galaxies
Elisa A. Tau, A. Katherina Vivas, and Clara E. Martínez-Vázquez
The Astronomical Journal, Volume 167, Number 2 (12 january 2024)
https://doi.org/10.3847/1538-3881/ad1509
Illustrations
1. La galaxie naine ultrafaible Eridanus II (V. Belokurov & S. Koposov)
2. Elisa Tau
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