vendredi 5 janvier 2024

Découverte d'un lien entre sursauts radio rapides répétitifs et non-répétitifs


Dans une nouvelle étude que vient de publier Nature Astronomy, des astrophysiciens européens ont utilisé des radiotélescopes en Suède, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Pologne pour surveiller la source répétitive de sursauts radio rapides qui se nomme  FRB 20201124A. Avec cette étude la plus longue jamais réalisée sur une source de FRB répétitf, les chercheurs tissent enfin le lien avec les FRB uniques, ceux qui ne se sont jamais (encore) répétés.

FRB 20201124A n'est pas un FRB inconnu, il a déjà été étudié longuement ave le radiotélescope géant FAST. FRB 20201124A est l'une des sources de FRB les plus hyperactives à ce jour, avec plus de 3 000 sursauts détectés en environ 25 h d'observations avec le radiotélescope géant FAST (500 m de diamètre). De plus, il a été rapporté en 2022 que la source émettait des sursauts à haute fluence qui sont détectables avec des radiotélescopes relativement petits de classe 25 à 32 m. FRB 20201124A se trouve dans une région de formation d'étoiles dans une galaxie massive à redshift z  = 0,098. Sa distance connue permet de déduire les énergies des sursauts à partir des fluences mesurées.

Pendant plusieurs semaines, Franz Kirsten (Onsala Space Observatory, Onsala) et ses collaborateurs ont observé la source radio jusqu'à 12 heures par jour, pour un total de 2000 heures. La campagne d'observation a été partagée entre les quatre radiotélescopes : le télescope de 25 mètres de diamètre à Onsala, en Suède, une parabole de 25 m du réseau Westerbork aux Pays-Bas, le télescope de 32 mètres à Toruń, en Pologne, et le Télescope de 25 mètres à Stockert en Allemagne. Au total, les chercheurs ont enregistré 46 sursauts radio rapides à relativement haute énergie, chacun ne durant que quelques millisecondes. 

Mais Kirsten et ses collaborateurs ont quand même été surpris : les sursauts qu'ils ont détectés étaient beaucoup plus brillants et nombreux que ce à quoi ils s'attendaient. Par ailleurs, les chercheurs trouvent une distribution de sursauts à haute énergie qui ressemble à celle de la population des FRB non répétitifs. Ils regardent le taux de sursaut en fonction de l'énergie du sursaut et ajustent la courbe du taux de sursaut=f(énergie) avec une loi de puissance. Les pentes varient à la fois en fonction du temps et en fonction du domaine énergétique considéré. En général, la pente est apparemment plus plate vers les énergies inférieures ( E  ≲  10^29  erg Hz-1) et elle s'accentue vers l'extrémité à haute énergie ( E ≳  3 × 10^29  erg Hz-1) de la distribution. Kirsten et ses collaborateurs observent un fort aplatissement de la pente du taux de sursauts dans une plage d’ultra-haute énergie qui était jusqu’alors inexplorée pour FRB 20201124A.

Et la pente moyenne à haute énergie qu'ils mesurent est globalement en accord avec celle qui est trouvée pour les FRB non répétitifs, et elle est également en accord avec divers modèles empiriques qui trouvent une pente de loi de puissance γ  ≈ −1 pour les FRB non répétitifs. En résumé, cela indique que la distribution de la queue à ultra-haute énergie ( E ≳  10^31  erg Hz-1 ) des sursauts de FRB 20201124A ressemble à s'y méprendre à celle des non-répéteurs, alors que la majeure partie des sursauts à plus faible énergie ne le fait pas. FRB 20201124A a un comportement de type répéteur et non-répéteur en fonction de l'énergie de ses sursauts. Pour les FRB apparemment non répétitifs, on observe des sursauts provenant d’une queue statistique à haute énergie qui est similaire à celle qui est vue pour FRB 20201124A. Comme de tels sursauts à haute énergie sont extrêmement rares, il se produisent une fois toutes les centaines, voire plusieurs milliers d'heures, ou encore plus, laissant penser qu'une telle source est non répétitive, alors qu'il ne s'agirait que du sursaut le plus énergétique, le sommet de l'iceberg...

Il faut rappeler qu'aujourd'hui parmi toutes les sources de FRB connues, seules 2,6% sont répétitives. Si FRB 20201124A est typique, selon les astronomes, cela peut conduire à deux conclusions importantes :  :  

Premièrement, tous les sursauts radio rapides (jusque là uniques) devraient se répéter un jour si on les regarde assez longtemps. Les sources de FRB apparemment non répétitives pourraient alors simplement être les sursauts les plus rares (brillants ou énergétiques) provenant de sources répétitives. 

Deuxièmement : les sursauts radio rapides les plus brillants pourraient être vus à de très grandes distances. Les calculs de Kirsten et son équipe indique que des FRB pourraient être détectables si ils se trouvent dans des galaxies à un redshift z=12 (quelques centaines de millions d'années après le Big Bang). Les FRB pourraient donc nous servir de sondes précieuses pour étudier l'époque des toutes premières étoiles et galaxies de l'univers.

En conclusion, Kirsten et son équipe rappellent que FRB 20201124A génère des sursauts couvrant au moins 6 ordres de grandeur en densité d'énergie spectrale, une plage similaire à celle du magnétar galactique SGR 1935+2154, mais atteignant des énergies beaucoup plus élevées. La distribution d’énergie des sursauts s’aplatit vers les énergies les plus élevées observées et cette distribution à haute énergie ressemble à celle observée dans la population de FRB non répétitifs dans son ensemble, ce qui suggère que les observations de FRB apparemment non répétitifs pourraient simplement échantillonner les rares événements à haute énergie de sources capables de se répéter. 

Enfin, le grand nombre de sursauts à haute fluence ( F  > 500 Jy ms) que les chercheurs ont détectés à partir de FRB 20201124A constituent au moins 2,6 % du taux de FRB total qui est estimé dans tout le ciel, ce qui est considérable. Cela montre que, dans cette plage de fluence élevée, le taux de sursauts global est influencé de manière significative par un petit nombre de sources hyperactives.


Source

A link between Repeating and non-repeating fast radio bursts through Their Energy Distributions , dans 

Franz Kirsten et al.

Nature Astronomy (4 january 2024)

https://doi.org/10.1038/s41550-023-02153-z


Illustrations

1. Vue d'artiste des quatre radiotélescopes utilisés dans cette étude (Daniëlle Futselaar/artsource.nl)

2. Frantz Kirsten

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