22/01/24

Découverte d'une micro-galaxie en orbite autour de la Voie Lactée


Une équipe internationale d'astrophysiciens a découvert ce qui ressemble à une nouvelle galaxie ultra-compacte satellite de la Voie Lactée, qui a été nommée Ursa Major III/UNIONS 1. Ce serait la galaxie la plus petite jamais détectée, sa masse est de 16 masses solaires... (oui, vous avez bien lu, 16! ). La découverte est publiée dans The Astrophysical Journal.

C'est en  analysant les images du programme Ultraviolet Near Infrared Optical Northern Survey (UNIONS), qui est une collaboration entre deux observatoires hawaïens : le Télescope Canada-France-Hawaï (CFHT) et le Panoramic Survey Telescope and Rapid Response System (Pan-STARRS), que Simon Smith (Université de Columbia, Canada) et ses collaborateurs ont trouvé Ursa Major III/UNIONS 1. 

On sait que la Voie Lactée est entourée de dizaines de galaxies naines ou d’amas d’étoiles plus petits, liés gravitationnellement. Bien que la liste des satellites identifiés soit relativement longue, les astronomes pensent que certaines galaxies naines et peu lumineuses ne sont toujours pas détectées. Les amas globulaires classiques sont généralement des systèmes stellaires brillants et compacts, tandis que les galaxies naines sont d'un ordre de grandeur plus diffuses que les amas globulaires de magnitudes similaires et elles couvrent une gamme beaucoup plus large de tailles caractéristiques. 

Willman & Strader ont proposé en 2012 que la principale distinction physique entre ces deux types de systèmes réside dans le fait que la dynamique des galaxies naines ne peut pas être expliquée par une combinaison de processus baryoniques et des lois de Newton, alors que les amas globulaires peuvent être expliqués de cette manière. Par conséquent, dans le cadre du modèle ΛCDM, on estime que les galaxies naines se trouvent au centre de leurs propres halos de matière noire. On observe d'ailleurs que les galaxies naines les plus faibles connues (parfois appelées galaxies naines ultrafaibles ou UFD) ont des masses dynamiques (mesurées à partir de la cinématique stellaire) de plusieurs ordres de grandeur supérieures à la masse impliquée par la luminosité totale (rapports masse dynamique/lumière  M/L de l'ordre de 1000 M⊙ / L⊙ ). L’analyse dynamique des amas globulaires, en revanche, montre qu’ils ne contiennent pas de grandes quantités de matière noire et sont constitués quasi uniquement de matière baryonique.

Willman & Strader ont également suggéré qu'une dispersion significative dans la distribution des métallicités stellaires pourrait être utilisée comme un indicateur de la présence d'un halo de matière noire. Il a été proposé que les puits de potentiel peu profonds des amas globulaires sont incapables de retenir les produits de la rétroaction stellaire, et forment ainsi une population stellaire d'une seule métallicité. Et certains soutiennent que les galaxies naines peuvent retenir du gaz et avoir un historique de formation d’étoiles prolongé, conduisant à un auto-enrichissement. Des dispersions significatives de métallicité ont ainsi souvent été utilisées pour distinguer les galaxies naines des amas globulaires (par exemple par Leaman en 2012 ; Kirby et al. en 2013 ou Li et al. en 2022).

Parallèlement à l'augmentation des découvertes de galaxies naines, un certain nombre de satellites de la Voie lactée, de nature ambiguë, ont également été découverts. Ces systèmes sont généralement de petite étendue physique (rayon de demi-lumière Rh ≲ 15 pc) et faibles. Ces minuscules satellites de la Voie Lactée sont encore mal comprises, d'une part parce qu'elles se situent à l'interface entre les galaxies naines et les amas globulaires, et d'autre part parce que leur dynamique interne et leurs propriétés chimiques ne sont pas bien connues.

Le relevé astronomique UNIONS observe le ciel sur 4 800 degrés carrés dans l' hémisphère nord . L'un des principaux objectifs de ce programme est d'étudier l'assemblage et la structure de la Voie Lactée. Smith et ses collaborateurs s'intéressaient plus particulièrement à la recherche de nouvelles galaxies dans le groupe local. L’équipe a initialement identifié Ursa Major III/UNIONS 1 comme une surdensité d’étoiles résolue spatialement dans les données du relevé. Ensuite, ils ont pu mesurer les vitesses radiales des étoiles avec le télescope Keck et leurs mouvements propres grâce au satellite Gaia, ce qui a confirmé qu'il s'agissait bien d'un petit système cohérent à part entière.

Smith et ses collaborateurs montrent que  Ursa Major III/UNIONS 1 est vraiment très compacte puisqu'elle a un rayon de demi-lumière d'environ 10 années-lumière et elle ne contient qu'environ 50 à 60 étoiles en tout. Et sa masse totale est très faible : environ 16 masses solaires. Les données suggèrent également qu'Ursa Major III/UNIONS 1 a au moins 11 milliards d'années et possède une population stellaire pauvre en métaux (une métallicité [Fe/H] d'environ −2.2 ) . Ce sont des petites étoiles très vieilles de 0,3 masse solaire en moyenne chacune. Ursa Major III/UNIONS 1 a un péricentre de 41 700 années-lumière de nous, et traverse le disque de la Voie Lactée à environ 52 100 années-lumière du centre galactique. 

Bien qu'elle soit compacte (Rh = 3 ± 1 pc) et composée de peu d'étoiles, Smith et ses collaborateurs pensent que Ursa Major III/UNIONS 1 serait bien une galaxie. Sur la base des 11 étoiles membres pour lesquelles ils ont obtenu la vitesse radiale, les chercheurs dérivent une dispersion de vitesse intrinsèque de 3,7 km s-1, mais cette valeur ne permet pas de l'utiliser comme un indicateur direct du potentiel gravitationnel sous-jacent à l'heure actuelle. Par exemple, l'exclusion de la plus grande valeur aberrante de vitesse de la liste des membres réduit la dispersion de vitesse à 1,9 km s-1 , et la suppression ultérieure d'une étoile aberrante supplémentaire produit une dispersion de vitesse non résolue. Pour Smith et ses collaborateurs, bien que la présence d'étoiles binaires puisse gonfler la mesure de la vitesse de dispersion, la possibilité d'une dispersion significative de vitesse fait d'Ursa Major III/UNIONS 1 une candidate hautement prioritaire pour les futurs suivis spectroscopiques multi-époques afin de déduire la véritable nature de ce satellite incroyablement faible.

Une dispersion de vitesse importante pourrait être interprétée comme la signature d'un halo massif de matière noire. Mais comme les chercheurs ont démontré que la dispersion de vitesse mesurée dans la ligne de visée (sur laquelle repose la présence ou non de matière noire) est très sensible à l’inclusion ou l'exclusion de deux étoiles dans l’échantillon de 11 étoiles membres, ils hésitent à parler de galaxie dans leur conclusion, appelant ce système "UMa3/U1", sa nature de galaxie naine ou d’amas d’étoiles  restant ambiguë à l’heure actuelle, selon eux.

Avec des populations stellaires aussi clairsemées, c'est un vrai défi technique d'observer un nombre suffisant d'étoiles avec suffisamment de précision sur une durée suffisante pour mesurer avec confiance les dispersions de vitesse dans de tels systèmes. Un temps d'observation dédié à l'obtention de spectres stellaires au sein de ces satellites de la Voie Lactée pourrait aussi montrer que certains des amas d'étoiles précédemment supposés sont en fait de minuscules galaxies naines.


Source

The Discovery of the Faintest Known Milky Way Satellite Using UNIONS

Simon E. T. Smith

The Astrophysical Journal, Volume 961, Number 1 (17 January 2024 )

https://doi.org/10.3847/1538-4357/ad0d9f


Illustrations

1. Positions de toutes les étoiles dans la zone de 12x12 minutes d'arcs autour de la surdensité détectée (Smith et al.)

2. Magnitude en fonction du rayon de demi-lumière pour une population d'amas globulaires et de galaxies naines, en comparaison avec Ursa Major III/UNIONS 1 (Smith et al.)

3. Simon Smith

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