Les étoiles à neutrons ne sont pas formées à 100% par des neutrons, il leur reste une petite fraction de protons (environ 5%), et il se pourrait bien, d'après une découverte très récente, que ce soient ces protons qui dirigent le destin et l'évolution des étoiles à neutrons...
Cette idée vient d'une recherche de physique nucléaire menée auprès de l'accélérateur d'électrons américain CEBAF (Continuous Electron Beam Accelerator Facility). A l'intérieur des noyaux atomiques, les protons et les neutrons peuvent s'apparier deux à deux et former ce qu'on appelle des "corrélations à courte distance". Ces paires peuvent emporter avec elles pas mal d'énergie et peuvent contribuer de façon significative aux propriétés globales du noyau d'atome. L'équipe de chercheurs de la collaboration CLAS (CEBAF Large Acceptance Spectrometer) a cherché à étudier ces corrélations proton-neutron en bombardant des noyaux d'atomes avec des électrons accélérés jusqu'à 5 GeV. Ils ont pour cela utilisé des cibles de différents matériaux qui ont une proportion de neutrons différente par rapport à leurs protons : le carbone, aluminium, fer et plomb.
Les chercheurs de 42 institutions disséminées dans 9 pays (dont la France) n'ont pas effectué de nouvelles mesures mais ont exploité d'anciennes données obtenues en 2004 sur ces cibles, dont l'objet était tout autre. Le spectromètre CLAS avait alors pour objectif de détecter et mesurer les multiples particules qui sont émises quand des électrons énergétiques impactent des cibles de différents matériaux pour étudier certaines interactions et notamment des effets de taille de noyaux.
Or les particules appariées n'étaient qu'un bruit de fond pour ces expériences, mais elles sont devenues aujourd'hui un signal utile pour l'équipe de CLAS qui cherche à identifier la présence de paires proton/neutron énergétiques.
Le phénomène étonnant que les physiciens observent, c'est que quand le nombre de neutrons dans un noyau (relativement au nombre de protons) augmente (quand on passe du carbone au plomb par exemple), la probabilité pour qu'un proton forme une paire énergétique augmente également... Alors que la probabilité pour que deux neutrons s'apparient, elle, reste indépendante du nombre de neutrons dans le noyau atomique.
Dans l'article qu'ils publient dans la revue Nature, les physiciens estiment, pour expliquer cette observation, que les protons, en moyenne, se déplacent bien plus vite que les neutrons dans les noyaux riches en neutrons. Autrement dit, dans ces noyaux riches en neutrons, ce sont les protons qui sont maîtres du jeu.
Il est tentant d'extrapoler au cas beaucoup plus extrême qu'est celui des étoiles à neutrons. Dans ces résidus de supernova, qui peuvent ressembler à des gros noyaux d'atome d'une dizaine de kilomètres, la proportion de neutrons atteint 95%. Si la tendance observée dans les noyaux atomiques se poursuit, cela signifie que même avec une très petite fraction, les protons dans les étoiles à neutrons devraient posséder une énergie très importante et être très "actifs".
Ce rôle des protons dans les étoiles à neutrons serait alors bien plus important que ce que l'on suspectait jusqu'à aujourd'hui. Cette révélation pourrait bousculer notre compréhension du comportement des étoiles à neutrons, d'après les chercheurs. Comme ils emporteraient plus d'énergie que prévu, les protons pourraient notamment contribuer significativement à la rigidité des étoiles à neutrons, ainsi qu'à leur ratio masse/taille ou encore à leur processus de refroidissement.
Source
Probing high-momentum protons and neutrons in neutron-rich nuclei
CLAS Collaboration
Nature (13 august 2018)
Illustration
Vue d'artiste d'une étoile à neutrons (Casey Reed - Penn State University)
2 commentaires :
Bonjour,
Content de vous relire après cette période de repos estival bien mérité :)
Je ne sais pas où poser ma question car elle n'est pas en rapport avec l'article alors je le fais ici, veuillez m'en excuser.
Serait-il possible que vous fassiez un article sur la cosmologie cyclique conforme de Penrose?
J'ai lu 1 ou 2 articles ailleurs mais l'effort de vulgarisation des auteurs était trop fort du coup, je reste sur ma faim et comme j'apprécie votre façon de nous rapporter la science, je me disai que ça pourrait être intéressant.
Merci d'avance et bonne continuation.
Enfin le retour !!! :)
Merci de nouveau.
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