jeudi 28 février 2013

Des Rayons X Distordus pour Mesurer la Vitesse de Rotation des Trous Noirs

Pour la première fois, une nouvelle méthode vient d'être rendue possible pour mesurer la vitesse de rotation des trous noirs supermassifs, ceux qui font plus de quelques millions de masses solaires.
C'est en utilisant conjointement deux télescopes spatiaux détectant les rayons X : XMM-Newton (pour les rayons X à basse énergie) et le tout nouveau NuStar (pour les rayons X plus énergétiques) que des astrophysiciens américains et européens ont réussi à démontrer que l'observation du spectre X permettait de remonter à la vitesse de rotation du trou noir observé.
Ils se sont intéressé au centre de la galaxie NGC 1365 et surtout à son trou noir supermassif central, qui émet de grosses quantités de rayons X.

Dans le spectre de rayonnement X issu d'un élément particulier accéléré à grande vitesse dans le disque d'accrétion du trou noir, le fer pour le nommer, il était observé une distorsion importante à basse énergie. Deux modèles étaient en compétition pour expliquer le phénomène : soit de gros nuages de gaz à proximité du trou noir produisaient la distorsion des rayons X observée, ou bien c'était directement le champ gravitationnel très intense du trou qui était à l'origine de la distorsion dans le spectre.

Illustration des deux modèles en compétition avant l'avancée décisive de NuStar (NASA/JPL/Caltech)
 XMM-Newton seul ne permettait pas de trancher la question, mais l'observation à plus haute énergie grâce à NuStar a levé définitivement le doute : les nuages de gaz n'y sont pour rien! Les données de NuStar montrent clairement (du fait de l'existence d'un excès de rayons X à haute énergie) que la distorsion du spectre X du fer est due au champ gravitationnel intense.
XMM-Newton, télescope de l'agence spatiale européenne et NuStar, instrument de l'agence américaine se révèlent tout à fait complémentaires pour produire de beaux résultats.

Car, sachant désormais que c'est bien le champ gravitationnel qui tourmente les rayons X et la façon dont cela se passe permet d'évaluer la distance qui sépare le bord du disque d'accrétion de la frontière du trou noir. En effet, plus la matière se trouve proche, plus le champ gravitationnel est puissant et donc plus la distorsion du rayonnement est prononcée. 
Or, la relativité générale nous dit que la distance minimale d'un disque d'accrétion dépend directement de la vitesse de rotation du trou noir : plus la distance est faible plus le trou noir tourne vite...

Voilà comment, en observant attentivement des raies de rayons X déformées en mettant à contribution différents instruments spatiaux, on peut déduire à quelle vitesse tournent les objets les plus singuliers que l'on connaisse.

Lire aussi : 

Pour les curieux :
NuStar :  http://www.nasa.gov/nustar .
XMM-Newton :  http://go.nasa.gov/YUYpI6 .


mardi 26 février 2013

samedi 23 février 2013

Cédric Villani : Matière Noire ou Matière Grise ?

On peut se demander pourquoi. Pourquoi l'un des plus célèbres mathématiciens français actuels, et probablement l'un des plus brillants au vu des distinctions qui sont les siennes, se met-il à s'exprimer sur les sujets les plus brûlants de l'astrophysique et de la cosmologie modernes : la matière sombre et l'énergie sombre.
Cédric Villani, médaille Fields il y a trois ans, fait la couverture de Ciel & Espace du mois de mars (n° 514), pour nous dire qu'il ne croit pas, ni à la matière noire ni à l'énergie noire.

 En fait, ce qui peut paraître étonnant de la part d'un scientifique aussi renommé, c'est  la façon dont il porte des jugements sur une autre discipline scientifique que la sienne. Il n'hésite pas à affirmer partager (un peu) le point de vue du physicien théoricien Lev Landau (Nobel 1962) lorsque ce dernier disait, un brin péremptoire, que "les astronomes sont souvent dans l'erreur, jamais dans le doute".
S'en suit une petite diatribe envers les astrophysiciens qui, ne pouvant pas, par définition, faire d'expériences, seraient alors portés à "inventer à peu près tout ce qu'ils veulent, la matière noire et l'énergie sombre, par exemple"...

Il définit ensuite ces deux entités comme autant de "constats de non-compréhension" de ce qui cloche dans la théorie de l'évolution de l'Univers. Cédric Villani déplore une certaine propension des astrophysiciens à mettre l'imagination au premier plan au lieu de prendre du recul sur les théories. Selon lui, une réflexion devrait être approfondie pour chercher la simplicité au lieu d'empiler les nouveaux concepts sur des bases de plus en plus fragiles...
 Les jugements de C. Villani sont un peu à l'emporte pièce. Oublie-t-il que le concept de matière noire non baryonique n'est pas sortie comme ça du chapeau des astrophysiciens mais à muri depuis plusieurs dizaines d'années, s'étant imposé comme solution la plus probable pour expliquer les anomalies observées, après que de nombreuses solutions alternatives ont été rejetées, y compris des modifications des modèles cosmologiques et des théories sous-jacentes ?

Cédric Villani oublie-t-il qu'en physique comme en astrophysique, les avancées des connaissances ne se font que par d'incessants allers-retours entre observations du monde et constructions théoriques permettant de prédire les comportements des objets observés ? 
Sait-il que les physiciens des astroparticules travaillent autant pour essayer de montrer l'existence des WIMPs que pour montrer leur inexistence ? 

Villani semble insinuer que la très grande majorité de la communauté des astrophysiciens serait aveuglée par les paradigmes de la matière noire et de l'énergie sombre. On peut d'ailleurs relever une sorte de contradiction bizarre dans l'édito de Alain Cirou, dans lequel il écrit que Cédric Villani "dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas"... Qui sont ces "beaucoup" qui ne croient donc pas à des solutions potentielles aux problèmes observationnels rencontrés ? Les astronomes ? Mais alors...

Oui, la matière sombre et l'énergie sombre sont des hypothèses, et étant des scientifiques, rares sont les astrophysiciens qui peuvent prétendre être certains de leur existence, contrairement à ce que semble penser C. VillaniTant que ces hypothèses ne sont pas définitivement invalidées, elles restent une voie de d'investigation comme d'autres.
 
Comme en mathématiques, où un théorème ne peut être démontré qu'en posant des hypothèses initiales, les lois de l'Univers ne peuvent être construites qu'à partir d'hypothèses initiales, qui sont issues, elles, de l'observation, et non de la pure construction de l'esprit, même le plus imaginatif...

Quand David Fossé qui interviewe C. Villani, lui pose malicieusement la question de savoir si il serait intéressé par orienter ses recherches vers ces problèmes astrophysiques fondamentaux, curieusement Villani botte en touche en disant que ces travaux antérieurs sur l'amortissement Landau pouvaient avoir des applications astrophysiques (sur la stabilité des galaxies), mais il ne répond pas sur les enjeux fondamentaux des anomalies dynamiques qui ont conduit au développement du secteur sombre. On peut se demander pourquoi, et c'est bien dommage.

source : 
Ciel&Espace, Mars 2013
 

vendredi 15 février 2013

Les Rayons Cosmiques en Provenance de Supernovae

Il était à peu près établi que les rayons cosmiques galactiques (des protons très énergétiques) sont issus des résidus de supernovæ, ces protons ayant subi une accélération lors du phénomène de supernova. Seulement, ce processus, même généralement admis, n’a jamais pu être mis en évidence directement, mais seulement à partir d’arguments indirects.

Mais ça, c’était avant, car c’est aujourd’hui chose faite ! Nous avons enfin maintenant la preuve directe que des protons issus de supernovae sont bien accélérés à des vitesses relativistes. 

C’est à une large collaboration internationale exploitant le télescope Fermi-LAT (encore lui) que l’on doit ce beau résultat. Ils se sont intéressés à deux résidus de supernova, IC443 et W44, tous les deux âgés d’environ 10000 ans (date de l’explosion) et situés respectivement à 1,5 kpc et 2,9 kpc.
Ces deux résidus sont les deux résidus de SN les plus brillants en rayons gamma dans le second catalogue de Fermi-LAT.
IC 443, appelée parfois la nébuleuse de la Méduse (crédit Maximo Ruiz)
Pour détecter la présence de protons accélérés grâce à des photons gamma, voilà comment on s’y prend : si les protons sont accélérés à des hautes vitesses, donc des grandes énergies cinétiques, lorsqu’ils rencontrent du gaz interstellaire (principalement de l’hydrogène, donc d’autres protons), ils peuvent produire des réactions nucléaires avec ces autres protons, ce qui produit des particules qu’on appelle des mésons pi neutres (ou des pions neutres), que l’on écrit pi0
W44 vu en rayons X (Hershel/ XMM Newton)

Or ces pions neutres ont la bonne idée d’avoir une durée de vie assez courte (8,4 10-17 s) : un pion neutre se désintègre dans 98% des cas en deux photons gamma, qui vont avoir chacun une énergie égale à la moitié de la masse du pi0 (la masse étant équivalente à l’énergie comme vous le savez). Comme le pi0 a une masse de 135 MeV, il suffit de rechercher parmi les photons en provenance des résidus de Supernova des photons de 67,5 MeV (dans le référentiel au repos du pion neutre)…
Et il se trouve que les deux résidus de supernova observés sont justement entourés de zones gazeuses assez denses, donc propices à ce genre de processus…

C’est de cette façon que l’équipe menée par M. Ackermann, physicien des astroparticules au synchrotron DESY en Allemagne, a trouvé dans les données patiemment collectées durant 4 ans, entre 2008 et 2012 par Fermi-LAT, la trace absolument non équivoque de la présence de ces protons accélérés.
A partir des spectres gamma mesurés, les physiciens des astroparticules parviennent non seulement à prouver qu’il existe bien des protons accélérés dans les résidus de supernova, mais ils peuvent également reconstruire la distribution en énergie de ces protons accélérés et fournissent ainsi des données précieuses aux astrophysiciens.

Ces derniers pourront alors mieux étudier le phénomène d’accélération de particules par les ondes de chocs et les ejecta en expansion des supernovae, dont on estime qu’elles peuvent transférer aux rayons cosmiques jusqu’à 30% de leur énergie cinétique, ce qui est considérable…


Source :
Detection of the Characteristic Pion-Decay Signature in Supernova Remnants
M. Ackermann et al.
Science 2013 Vol. 339 no. 6121 pp. 807-811 (15 February)


jeudi 14 février 2013

L'Asteroide Vesta Victime de Deux Gros Impacts

L'astéroïde Vesta est l'un des plus imposants astéroïdes de la ceinture située entre Mars et Jupiter. Son aspect est très étonnant avec une sorte d'énorme cratère qui ressemble presque à une grande partie entièrement arrachée dans son hémisphère sud, ce qu'a pu nous montrer la sonde Dawn qui l'a visité de près en 2011-2012. Aujourd'hui, les astronomes essayent de comprendre ce qui a bien pu se passer dans le passé de Vesta pour qu'il arbore une telle silhouette. 

Une équipe américaine publie cette semaine un papier qui fait la couverture de Nature. Ils affirment, simulations à l'appui, que Vesta a été victime d'un double impact de grosses protoplanètes, qui l'auraient complètement défiguré. Ces objets auraient au moins une taille de 60 km.

Vesta, lui, a un diamètre d'environ 530 km, il s'est formé en même temps que la Terre et les autres planètes du système solaire, il y a 4.5 milliards d'années. Il semble être recouvert par des roches volcaniques assez similaires à celles que l'on connait sur Terre, avec donc cet espèce de trou béant dans son hémisphère sud.
Impact géant sur Vesta (vue d'artiste)

Ce "cratère" a été nommé Rheasilvia du nom de la Vestale mythique (mère de Rémus et Romulus), il peut être daté d'environ 1 milliard d'années. Il surplombe en fait un second « cratère » plus ancien, nommé Véneneia, et au moins aussi vaste.

M. Jutzi et ses collègues ont fait des simulations 3D d'impacts en partant d'un Vesta totalement sphérique et on essayé de retrouver sa forme actuelle en variant les paramètres d'impact, cinématiques et dynamiques. En bombardant Vesta par deux gros planetesimaux de plus de 60 km, ils parviennent à obtenir l'aspect actuel de l’astéroïde. Mais ils observent également une surprise : d'après leurs simulations, les collisions auraient du éjecter du matériau du manteau à 100 km en dessous de la surface, et auraient totalement retourné Vesta sur son axe. Et le problème, c'est que l'on n'observe pas du tout à la surface de Vesta le type de roches internes attendues, notamment de l'olivine.

Étant cependant très confiants dans les modèles utilisés pour leur simulations, les auteurs affirment alors que leurs simulations sont correctes, et que c'est le manteau de Vesta qui serait différent de ce qu'on pensait jusqu'alors. Ils déduisent que la croûte de cet astéroïde ferait 100 km d'épaisseur, avec un manteau et un noyau bien plus petit. Ce qui ferait de Vesta, une sorte de relique de ce à quoi devaient ressembler les planètes primordiales.

Mais d'autres planétologues ne semblent pas être d'accord avec cette conclusion. Un responsable de la mission Dawn par exemple, Christopher Russell, voit un Vesta qui ne se serait pas retourné sur lui-même, et qui plus est, selon lui, les débris visibles autour des cratères sont trop petits pour être cohérents avec un impact profond... Pour Russell, les impacts n'ont pas pu s'enfoncer à 100 km de profondeur, ce qui expliquerait l'absence d'olivine. D'autres planétologues sont convaincu par le scénario annoncé par M. Jutzi et sont prêts à penser que l'olivine s'est mélangée à d'autres roches et n'est ainsi pas détectable facilement.

Cartographie altimétrique des deux hémisphères de Vesta (JPL/NASA)
  
Quoiqu'il en soit, ces travaux permettent de mettre en lumière le passé violent de notre système solaire, qui peut aujourd'hui être ausculté à volonté grâce à la puissance des ordinateurs et aux observations in situ de sondes approchant ces reliques que sont nos gros astéroïdes...


Source :
The structure of the asteroid 4 Vesta as revealed by models of planet-scale collisions
M. Jutzi et al.    
Nature 494, 207–210  (14 February 2013)

mercredi 13 février 2013

Les Derniers Jours Mouvementés d'une SuperGéante

Modèle d'éjection de matière de supergéante.
Les étoiles les plus massives, celles qui ont une masse plus grande que dix masses solaires terminent leur vie violemment, en explosant en supernova. Mais à quoi ressemblent ces supergéantes juste avant d’exploser ? La réponse à cette question commence à pouvoir être entrevue grâce à une observation « coup de bol » qui est reportée par une équipe d’astrophysiciens israéliens et américains dans le numéro de Nature de la semaine dernière. Ils ont pu retrouver des données très intéressantes enregistrées sur une étoile supergéante juste 40 jours avant qu’elle n’explose en Supernova le 20 août 2010. Coup de bol, disais-je.

Ce qu’ils ont pu observer dans ces données du Palomar Transient Factory issues d’observations effectuées avec le télescope de 48’’ du Palomar Observatory, c’est un dégagement important de matière de l’étoile. Cette simple observation permet d’en savoir beaucoup plus sur ce qui se passe avant l’explosion.

Il nous faut revenir un instant sur ce qui produit une supernova de type II, une explosion d’une étoile supergéante... Les étoiles produisent de l’énergie continuellement par la fusion nucléaire de noyaux d’hydrogène pour former de l’hélium, puis des éléments plus lourds au fur et à mesure du temps, jusqu’à l’oxygène. Seules les étoiles très massives s’aventurent plus loin dans la nucléosynthèse par fusion. Celles dont la masse est située entre 7 et 10 masses solaires vont fabriquer du néon puis du magnésium. Ces étoiles de moins de 10 masses solaires ne fusionneront pas plus avant leurs noyaux et s’arrêteront au magnésium avant d’éjecter leur enveloppe et devenir finalement des naines blanches.

Mais les étoiles de plus de 10 masses solaires, elles,  vont pouvoir poursuivre leur processus de fusion thermonucléaire dans leur cœur, au-delà du magnésium pour former du silicium, du soufre et enfin tous les éléments proches du fer, étape finale.

Les noyaux de fer n’offrant pas la possibilité de gain d’énergie par fusion nucléaire, le cœur de l’étoile finit par s’effondrer sur lui-même pour former une étoile à neutron ou un trou noir, expulsant violemment son enveloppe. De nouvelles réactions nucléaires apparaissent lors de l’effondrement / rebond et forment tous les autres éléments chimiques que nous connaissons, jusqu’à l’uranium.

Les phases avancées de combustion des étoiles massives sont assez particulières : l’étoile perd la plupart de son énergie non pas par radiation de lumière à sa surface, mais plus directement par un flux énorme de neutrinos provenant des réactions de fusion du cœur, ce qui a pour effet de refroidir très efficacement l’étoile en surchauffe. Grâce à ce phénomène, les dernières étapes avant l’explosion sont très courtes vis-à-vis de la durée de vie totale de l’étoile supermassive qui vaut typiquement quelques dizaines de millions d’années (seulement). La fusion du carbone dure quelques centaines d’années, celle du silicium ne dure elle qu’une semaine !

Jusqu’à aujourd’hui, il était impossible de détecter à quel stade on en est pour une supergéante uniquement en observant sa surface. L’étude de son flux de neutrinos serait très parlant, mais c’est aujourd’hui une chose extrêmement difficile, voire impossible, même pour les supergéantes les plus proches de nous comme Bételgeuse par exemple, qui peut disparaître à tout moment…

Le phénomène que Ofek et al. rapportent est une éjection de matière conséquente, de l’ordre d’un centième de masse solaire à des vitesses typiques de 2000 km/s, qui s’est passé 40 jours avant l’explosion (supernova répertoriée SN 2010mc). L’étoile en question avait une masse de l’ordre de
50 masses solaires. C’est sur des considérations statistiques que les auteurs affirment qu’il existe une corrélation entre cette éjection de matière et l’explosion. Ce cas serait donc l’un des rares cas où on possède une information sur la fin de vie d’une étoile directement, sans avoir à analyser les résidus de la supernova et inférer l’historique de l’objet.
Situation de SN 2010mc à t0 (a), t0+5 jours (b) et t0+20 jours (c)  (Ofek et al., Nature).
Les étoiles dont la masse dépasse les 20 masses solaires sont connues pour produire de très fortes éruptions. Il existe un exemple quelque peu extrême de ce type d’éjection de matière avec l’étoile supermassive Eta Carinae, dont la masse est estimée à 150 masses solaires et qui aurait éjecté pas mois de 20 masses solaires en l’espace de quelques années seulement…

Ce phénomène d’éruptions massives sur ce type d’étoiles supergéantes est encore très mal compris. Ofek et al. confrontent leurs données avec de nombreux modèles d’éruptions. Ils concluent que la distribution temporelle et la nature des ejecta observés sont le mieux décrit par un modèle qui est basé sur les instabilités hydrodynamiques apparaissant dans les dernières phases de fusion du cœur.

Une fois modélisés ces ejecta de matière, les astrophysiciens parviennent ensuite à reconstruire complètement la séquence des événements qui se sont déroulés après l’explosion, et cela, plus classiquement en observant en détails la courbe de lumière de la supernova.

Au t0 de l’explosion, la coquille de matière ejectée 40 jours auparavant se trouve à une distance de 7 milliards de kilomètres évoluant à une vitesse de 2000 km/s. Une autre coquille de matière plus ancienne se trouve environ à 45 milliards de kilomètres et s’étend beaucoup moins vite (100 km/ s). Au cinquième jour, l’onde de choc de la SN, qui se déplace à 10000 km/s ionise les différentes couches de matière, et finit par englober complètement la matière éjectée à J-40 au 20 ème jour après l’explosion. A j+27, l’émission devient plus importante, montrant la sortie de la zone de choc, l’éjecta ne forme plus qu’un avec la matière de l’étoile en explosion, l’ensemble se déplaçant à 10000 km/s. Les courbes de luminosités indiquent également une légère variation à J+50, indiquant probablement l’atteinte de la seconde coquille de matière par les résidus de l’explosion.

Même si de nouveaux travaux théoriques doivent être poursuivis pour mieux modéliser ces éruptions et comprendre encore mieux les mécanismes en jeu, ces travaux permettent en tous cas d’améliorer sensiblement notre compréhension des phases ultimes d’évolution des étoiles très massives.



Sources :
An outburst from a massive star 40 days before a supernova explosion
E. O. Ofek et al.
Nature 494, 65–67 (07 February 2013)

Going supernova
Alexander Heger
Nature 494, 46–47 (07 February 2013)

jeudi 7 février 2013

Mesurer la Masse des Trous Noirs Supermassifs avec du Gaz

La masse des trous noirs supermassifs que l'on trouve très souvent au centre des galaxies est corrélée à de nombreuses propriétés de la galaxie hôte, ce qui laisse penser que le trou noir supermassif et la galaxie évolueraient ensemble.

La compréhension de ce fait est encore balbutiante du fait que le nombre de trous noirs ayant pu être "pesés" est encore très faible et les méthodes pour évaluer cette masse sont très restreintes. Aujourd'hui, la mesure directe de la masse des trous noirs supermassifs est possible par l'étude de la cinématique des étoiles dans les galaxies jeunes, par l'étude de la cinématique du gaz ionisé dans certaines spirales et les jeunes galaxies.

Une équipe d'astrophysiciens vient de publier des résultats offrant une nouvelle méthode de mesure de la masse des trous noirs supermassifs : ils utilisent la cinématique du gaz moléculaire. En mesurant les raies d'émissions du monoxyde de carbone (CO), dont la longueur d'onde apparaît plus ou moins décalée en fonction de la vitesse, et ce avec une résolution spatiale très fine, puis en modélisant une masse de trou noir et son effet sur la vitesse de ce gaz, ils parviennent à construire les courbes de rotation du gaz, et en ajustant ces courbes, à déterminer la masse du trou noir.

Diagramme M/L en fonction de la masse du trou noir (Davis et al.)

Cette recherche s'est intéressé à la jeune galaxie NGC 4526. L'émission du CO a été observé par interférométrie à l'aide de l'instrument CARMA (Combined Array for Research in Millimeter Astronomy). Thimothy Davis et ses collègues arrivent ainsi à une valeur de 450 millions de masses solaires pour le trou noir de NGC 4526. La résolution spatiale atteinte pour cette détermination fine de la courbe de rotation du gaz est de l'ordre de 0.25'', soit 20 parsecs, et environ égal à la taille de la sphère d'influence du trou noir supermassif. Les simulations de cinématique ont été effectuées avec des masses de trou noir réparties sur une large plage, entre 0 (absence de trou noir) et 1.45 milliards de masses solaires (un monstre), mais aussi en faisant varier un autre paramètre galactique qui est le ratio Masse/luminosité (entre 0.55 et 6.15 M/L solaires), indispensable.
Chaque couple de ces deux paramètres fournit alors une distribution de vitesse de gaz (une courbe de rotation), dont on cherche celle qui s'approche le plus de la courbe de rotation mesurée expérimentalement avec CARMA. Il est alors possible de voir quelle est la masse du trou noir la plus probable, ainsi que le ratio masse/luminosité.
Les auteurs de cette étude pointent tout de même sur le fait que mesurer précisément des vitesses à l'aide de gaz moléculaire peut être affecté des mêmes difficultés qu'avec le gaz ionisé : par exemple, des mouvements turbulents peuvent s'exacerber à proximité du trou ce qui peut apporter des incertitudes.
La présence de poussières peut également être une source non négligeable de difficulté avec cette méthode, en produisant une sous-estimation de la contribution de la matière lumineuse au potentiel gravitationnel. Mais concernant NGC 4526, Davis estime que l'impact de la poussière a été bien pris en compte dans le modèle de masse de la galaxie.

L'utilisation du gaz moléculaire (notamment le CO) semble donc être une technique prometteuse pour la mesure de masse des trous noirs supermassifs tapis au centre des galaxies. Assurément, le nombre de trous noirs "pesés" grâce à cette méthode va pouvoir augmenter considérablement, d'autant que les interféromètres de nouvelle génération comme ALMA vont permettre d'atteindre des résolutions spatiales encore plus fines, 0.15'' ou moins, et en des temps de mesure toujours plus courts, ce qui permet de partager le temps de travail pour de nombreuses équipes d'astronomes de par le monde... 

Source : 
A black-hole mass measurement from molecular gas kinematics in NGC4526
Timothy A. Davis et al.
Nature (30 January 2013)

mercredi 6 février 2013

Deep Impact "filme" la comète ISON

La sonde Deep Impact est spécialisée dans l'étude des comètes. Il était normal qu'elle soit pointée vers la comète qui deviendra peut-être la comète historique de l'année, de la décennie, ou du siècle (ou pas). 

Voilà donc le déplacement de ISON, encore au-delà de Jupiter, série de clichés pris sur 36 heures d'affilée...


vendredi 1 février 2013

Les Cycles Solaires Influencés par notre Système Planétaire ?

L'activité magnétique du Soleil, vous le savez sans doute, suit une périodicité d'environ 11 ans. On la suit naturellement en comptant le nombre de taches visibles sur la surface du Soleil, et qui sont intimement liées à l'activité magnétique interne du Soleil.

Ces cycles solaires sont suivis depuis maintenant près de 400 ans, grâce au travail effectué par l'astronome Rudolph Wolf à la fin du 19ème siècle, qui a fouillé les archives diverses et variées des siècles précédents pour reconstruire l'évolution du nombre de taches solaires, travail poursuivis quotidiennement depuis. Ce paramètre est aujourd'hui appelé le nombre de Wolf, et ce n'est pas par hasard.

2013 est une année de maximum solaire, même si le maximum de ce cycle 24 est bel et bien très faible. En effet, l'amplitude de ces cycles est très variable d'un cycle à l'autre, avec l'existence dans l'histoire de grandes périodes de calme magnétique, des minima qui s'appellent les minima de Wolf, Spörer, Maunder ou Dalton.

Evolution des traceurs C-14 et be-10 et nombre de Wolf. (Nature)
Mais pourquoi de si grandes variations d'amplitude existent-elles ? Rudolph Wolf, déjà, avait pensé à une probable influence du système planétaire sur l'activité du Soleil. Mais son idée fut très vite balayée lorsque fut comprise l'origine magnétique des taches solaires quelques années plus tard...
Durant des décennies, quiconque évoquait l'influence des planètes sur l'activité solaire était taxé d'astrologue au pire, et de charlatan, au mieux...

Mais certains scientifiques se reposent aujourd'hui la question. Scientifiquement, évidemment. Pour essayer de faire un lien entre les mouvement des planètes de notre système et la périodicité à long terme de l'amplitude les maxima de cycles solaires, les astronomes ont besoin de regarder sur des durées beaucoup plus grandes que 500 ans de relevés du nombre de taches solaires.

La méthode utilisée est indirecte, et néanmoins extrêmement robuste : l'activité magnétique solaire produisant un flux de rayonnement cosmique plus intense au maximum, ce rayonnement cosmique va engendrer une production plus importante de réactions nucléaires dans la haute atmosphère, avec notamment la production de carbone-14 et de béryllium-10.
En mesurant ces deux marqueurs dans la croûte sédimentaire terrestre et dans la glace de l'Antarctique, on parvient alors à retracer quelle a été l'évolution de l'activité solaire, l'équivalent du nombre de taches, et ce, sur une période pouvant remonter jusqu'à près de 9500 ans dans le passé...
Une tache solaire (APOD/NASA)

En comparant ces indicateurs radioactifs avec le nombre de taches enregistré sur les 400 dernières années, les astronomes obtiennent un très bon accord entre les deux types de données, ce qui permet de valider leur méthode.
Avec cet indicateur en poche, ils analysent ensuite la distribution dans le temps de son amplitude et parviennent à trouver une corrélation forte entre l'activité solaire et le mouvement des planètes du système solaire...

J. Abreu et ses collègues tentent une explication : la base de la zone de convection solaire serait en partie asphérique, le champ gravitationnel de l'ensemble des planètes pourrait ainsi avoir un impact sur cette zone en modifiant légèrement la force des champs magnétiques en présence. 
Les effets magnétiques montrant des effets à seuil, de petites variations pourraient être suffisantes pour avoir un effet direct sur l'amplitude du champ magnétique interplanétaire et la production des taches solaires.

Si ces observations sont corroborées par des mesures complémentaires et indépendantes, il pourrait devenir très facile de prédire les variations futures de l'activité solaire qui a de si gros impacts sur notre environnement spatial, atmosphérique et climatique...


Sources :
- J.A Abreu, et al.
Astron. Astrophys. 548, A88 (2012). 

- Solar Physics : the planetary hypothesis revived
P. Charbonneau
Nature 493, 613-614 (31 january 2013)