30/09/12

Trous Noirs Primordiaux et Matière Noire

Si je vous dis que les micro trous noirs primordiaux n'existent probablement pas, vous me croyez ? C'est en tout cas ce qu'ont cherché à montrer un physicien belge et ses collègue russes. Il ont plus exactement  cherché à calculer quelle pouvait être la fraction de ces types d'objets (sombres par nature) dans le total de la matière sombre.
La réponse est nette : peanuts.


Les trous noir primordiaux sont formés par des fluctuations de densité dans l'univers très jeune. Et si certains de ces trous noirs ont survécu depuis lors, ils doivent participer naturellement à une fraction de la matière noire (ou sombre, mais là, plutôt noire).
Ces trous noirs sont tout petits en taille : un rayon d'à peine 10-8 cm, la taille d'un noyau d'atome, pour une masse d'environ 1020 grammes.
simulation d'un TNP traversant une étoile (Princeton University)

Les trous noirs de masse plus petite, inférieure à 5 1014 g ont des durées de vies plus courte que l'âge de l'Univers, du au rayonnement Hawking, qui les fait s'évaporer. Ceux-là ne peuvent ainsi pas participer du tout à la matière sombre.
Les trous noirs de masse un peu plus grande (1015 g) peuvent produire des photons gamma par rayonnement Hawking toujours, et les observations de rayonnement gamma galactique par le satellite EGRET ont permis de fixer une limite supérieure pour ce type de trous noirs : globalement, les TN de masse inférieure à 1016 g ne peuvent pas représenter plus de 1% de la masse sombre totale...

Si on monte un peu en masse, au delà de 7. 1016, l'évaporation par rayonnement Hawking ne fonctionne plus. Mais nous connaissons d'autres contraintes pour des trous noirs de masse supérieure à 1026 g :
Entre 1026 g et 1034 g  : les données de micro lensing (expérience EROS) indiquent une fraction maximale de l'ordre de 8%
Entre 1033 g et 1040 g : là, la contrainte est fournie par les mesures fond diffus cosmologique : fraction maximale de 10-7 de la matière noire...

On constate que les chiffres sont faibles, voire très faibles, mais on voit aussi qu'on connait très mal ce qui se passe dans une grande plage de masse qui va en gros de 1018 g et 1026 grammes.


Pour apporter des contraintes sur les trous noirs de masse comprise dans cette plage encore inexplorée, l'équipe russo-belge a eu l'idée d'utiliser l'évolution des étoiles.Il se trouve que lors de leur formation, les étoiles peuvent littéralement capturer de tels micro trous noirs. Et ces trous noirs minuscules peuvent rester au cœur de l'étoile sans qui ne se passe grand chose. Les théoriciens ont calculé qu'il commence à se passer des choses visibles quand l'étoile abritant un trou noir primordial devient très dense, c'est à dire quand elle arrive en fin de vie et qu'elle devient soit une naine blanche ou soit une étoile à neutron.

Le résultat de leurs calculs est que dans le cas des étoiles compactes comme les naines blanches et les étoiles à neutron, leur densité est si importante que le micro-trou noir qui serait situé à l'intérieur pourrait commencer à accréter efficacement la matière, dévorant de l'intérieur l'étoile, à tel point qu'il ne suffirait que de très peu de temps pour que le trou noir absorbe totalement l'étoile.

Ils concluent leur article en posant une limite sur le nombre de ces trous noirs  de 1018 g et 1026 grammes en comptabilisant simplement le nombre d'étoiles naines blanches et étoiles à neutrons dans les amas globulaires, et montrent que les trous noirs primordiaux ne peuvent en aucun cas former l'essentiel de la matière noire, mais une fraction de l'ordre de seulement  10-5.

Peanuts, disais-je...

Source :
Constraints on Primordial Black Holes as Dark Matter Candidates from Star Formation
F. Capela et al.
arXiv 1209.6021 26 sept 2012


Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Panoptic 24 mm, TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad

26/09/12

Chiffres Astronomiques, Image Fabuleuse


Quand le télescope Hubble fait une image avec une pose de 2 millions de secondes, ça donne ça, sur une surface du ciel pas plus grande qu'un dixième de la pleine Lune (située dans la constellation du Fourneau, dans l'hémisphère sud) : plus de 5500 galaxies sur une seule image, dont la plus lointaine avoisine les 13,2 milliards d'années-lumière (elle aussi). 
Une galaxie possédant environ 100 milliards d'étoiles, cela veut dire que dans cette image, vous avez environ 500 000 milliards d'étoiles...

Ah, j'oubliais, la galaxie la plus faible sur cette image a une intensité lumineuse dix milliards de fois plus faible que ce que l’œil humain peut voir...

Cette image est tout simplement l'image de l'Univers la plus profonde qui a jamais été faite. Chaque point est une galaxie! (à noter la présence d'une étoile "parasite", située dans notre galaxie à nous, qui se trouve malheureusement dans le champ).


Hubble eXtreme Deep Field (NASA)

Et si le "Higgs" découvert était en fait un Graviton ?

On sait qu'il s'agit d'un boson, ça c'est sûr. On a de fortes présomptions qu'il s'agit du fameux boson de Higgs. Mais... mais il subsiste encore un doute. Et pour lever ce doute ultime, il faut connaître le Spin de ce boson. 
Si c'est 0, bingo, c'est le Higgs. Si c'est 2, raté, on a découvert autre chose, et c'est encore plus excitant!.. 
Et on sait que les gravitons sont des bosons qui ont un spin égal à 2.

Pourquoi le boson découvert ne peut-il avoir qu'un spin soit de 0 soit de 2 ? Simplement parce qu'il se désintègre en deux photons (c'est principalement comme ça qu'il a été découvert). Et les photons peuvent avoir un spin de 1 ou -1. Or en physique des particules, les nombres quantiques se conservent, donc si les deux photons issus de la désintégration du boson ont des spins respectivement -1 et 1, alors le boson initial avait un spin 0, et c'est le Higgs. Si les photons ont tous les deux un spin de 1, alors...

Tout le challenge des physiciens du CERN et en ce moment de mesurer le spin du boson découvert, par tous les moyens possibles, et ils n'ont pas encore la réponse.

Il n'est pas exclu que la particule découverte montre un spin égal à 2. Ça serait plutôt cool, je trouve.

Ci-dessous une petite vidéo (en 2 parties, et en angliche) qui explique cette traque...




“Well, either we’ve found the Higgs boson, or Fred’s just put the kettle on.”

24/09/12

Les Bulles de Fermi

Le temps est venu de vous parler des ‘Fermi Bubbles. C’est vrai, je n’en avais pas encore parlé ici, malgré l’importance que revêt leur découverte il y a déjà deux ans… 

Les bulles de Fermi (si on accepte de parler un peu français) sont des zones du ciel, très vastes, qu’a observées le satellite Fermi-LAT, et qui émettent des rayonnements gamma très énergétiques. Jusqu’ici rien de bien étonnant. Mais il se trouve que ces zones sont situées exactement de part et d’autre du plan de notre galaxie, et forment - donc - des sortes de bulles, exactement symétriques au nord et au sud du plan galactique, avec des bordures très bien découpées et une intensité gamma très homogène sur toute leur surface. Elles ont été découvertes par une équipe américaine menée par Doug Finkbeiner du Harvard-Smithonian Center for Astrophysics, en 2010.
Les bulles observées dans les données de Fermi-LAT (NASA)

Ces bulles s’étendent sur pas moins de 27000 années-lumière, au Nord comme au Sud, soit plus de 50000 A.L en tout. Leur étendue est si grande qu’elles couvrent une très grande proportion du ciel nocturne de chaque côté de la voie lactée, qui, rappelons-le est notre galaxie vue dans son plan.

Depuis 2010, de nombreuses équipes d’astrophysiciens ont cherché à comprendre quelle pouvait être l’origine de ces zones de production de rayons gamma (d’énergie comprise entre 1 GeV et 100 GeV tout de même, excusez du peu). Et les publications se suivent et commencent à se ressembler… 

Il semblerait que les modèles tendent vers la même hypothèse : notre galaxie aurait eu une période très active il y a quelques millions d’années, elle aurait été une sorte de petit quasar pendant un laps de temps assez court, émettant des jets de matière orthogonalement à son plan de rotation. Il faudrait plutôt dire orthogonalement au plan de rotation du disque d’accrétion de notre cher trou noir supermassif Sgr A* de son petit nom. 

Car c’est bel et bien un effet associé à la présence d’un trou noir massif au centre de la galaxie qui est à l’origine de la production de jets de particules chargées à vitesse relativiste, et qui serait la cause de la production de rayons gamma dans ces bulles…

Un trou noir (supermassif ou ‘normal’) attire la matière qui se trouve à son voisinage en produisant ce qu’on appelle un disque d’accrétion : la matière s’enroule autour du trou ; en rotation rapide, la matière, composée de particules chargées (les atomes d’hydrogène se retrouvent ionisés : électrons et protons), produit un puissant champ magnétique orthogonal au plan de rotation et qui va ensuite permettre à quantité de particules chargées de littéralement s’enrouler autour en accélérant toujours plus, jusqu’à atteindre des vitesses relativistes (plus de 90% de la vitesse de la lumière). Il y a ainsi de véritables jets de particules chargées.
Comment ces particules chargées (électrons ou protons, le débat n’est pas encore tranché), peuvent-elles créer à leur tour des photons gamma sur de vastes étendues en formant des sortes de bulles ? 
Simulation de de l'effet d'un  jet de matière (Guo et al.)

C’est ce que viennent de simuler et de publier récemment une équipe d’astrophysiciens états-uniens  dans the Astrophysical Journal. Ils montrent que s’il s’agit de protons, ces derniers peuvent produire des collisions inélastiques sur des noyaux d’atome au repos, produisant alors des pions neutres (pi0) qui vont se désintégrer naturellement en photons gamma. Dans le cas d’électrons relativistes, ces derniers vont interagir par ce qu’on appelle l’effet Compton Inverse : l’électron va faire une collision élastique sur un photon de lumière, l’énergie cinétique étant conservée, il lui transfère une grande quantité d’énergie, le faisant passer d’une longueur d’onde de type visible ou infra rouge à une très courte longueur d’onde de type rayonnement gamma (on peut rappeler que l’énergie d’un photon est inversement proportionnelle à sa longueur d’onde ou encore, directement proportionnelle à sa fréquence, via la constante de Planck).

Voilà pour les phénomènes physiques de production des rayons gamma observés. Mais qu’en est-il de la forme des bulles que Fermi à mises en évidence ?

Dans leur article, Fulai Guo et William Mathews, de l’Université de Californie à Santa Cruz, se sont intéressés à reproduire la forme des bulles de Fermi (en élongation et ellipticité) en testant de nombreuses hypothèses sur les paramètres hydrodynamiques entrant en jeu et les modèles de formation. En étudiant en détails la plupart des phénomènes intervenant dans la dynamique d’un jet de matière : diffusion, advection, évolution, etc.., ils parviennent à formuler un scénario plausible qui indique l’existence d’une phase de type AGN (Active Galactic Nucleus) dans notre galaxie, qui aurait commencé il y a environ 1 à 3 millions d’années (ce qui est très récent) et aurait duré environ entre cent mille et cinq cent mille ans.

Le taux d’accrétion correspondant du trou noir supermassif qui a pu être calculé avec ces paramètres est de 0.03 masses solaires par an, une broutille : 3000 soleils engloutis en 100000 ans…
Simulation de de l'effet d'un  jet de matière (Guo et al.)

Les particules chargées formant les jets seraient principalement des électrons, pouvant produire les distributions spatiales observées en quelques millions d’années. La présence typique de deux jets symétriques de part et d’autre du centre galactique expliquerait très bien la forme bilobulaire observée. De plus, dans leur scénario, la durée des jets est beaucoup plus courte que l’âge des bulles, ce qui implique que les particules chargées ont toutes le même âge aujourd’hui, ce qui est conforme avec les mesures spectrales effectuées par Fermi, très uniformes sur l’ensemble des deux bulles.

Enfin, de tels jets doivent provoquer une forte onde de choc qui comprime et chauffe le gaz dans le halo galactique, ce qui pourrait expliquer le signal de rayons X qu’a pu détecter le satellite ROSAT autour des fameuses bulles…

Mais il reste (bien sûr) une part d’ombre, pour ne pas dire de mystère, le modèle n’est pas encore parfait…
Il s’agit des bords des bulles. Ils sont trop « lisses ». Les équations physiques indiquent qu’il devrait exister à la surface de ces bulles des instabilités dites de Kelvin-Helmholtz (voir les visualisations des simulations ci-dessus et ci-contre), or les bulles observées ne montrent aucune instabilité…

Les auteurs vont continuer à améliorer leurs scénarios, mais proposent également de poursuivre l’observation attentive des bords des bulles de Fermi, dont l’observation est rendue très délicate due à la « pollution » gamma du disque galactique aux faibles latitudes.


source :
The Fermi Bubbles. I : Possible Evidence for Recent AGN Jet Activity in the Galaxy

22/09/12

Dans la famille Oculaire, le petit dernier...

Le petit dernier au liseré vert fluo est arrivé ! La famille TeleVue est au complet, en attendant le prochain accès d'accessoirite ...



Désormais mes configurations accessibles en grand champ sont les suivantes :
  • Panoptic 24 mm                    : 68° à 50X, soit un champ de vue de 1.4°
  • Nagler 13 mm                       : 82° à 92X, champ de 0.9°
  • Panoptic 24 mm + Barlowx2 : 68° à 100X, champ de 0.68°
  • Nagler 13 mm+ Barlowx2     : 82° à 184X, champ de 0.44°
  • Nagler 3.5 mm                      : 82° à 343X, champ de 0.24°
  • Nagler 3.5 mm + Barlowx2   : 82° à 686X, champ de 0.12°
Le relativement faible grossissement associé au grand champ du Panoptic 24 mm permet d'observer confortablement les objets étendus, et d'aider au repérage en phase de recherche : on utilise d'abord le telrad, puis le chercheur puis le Pano24, et enfin le Nag13 etc...

Les 68° d'angle de vue du Panoptic n'ont pas été choisis au hasard par Televue, ça correspond exactement avec l'angle de vue maximal de l’œil humain. Un angle supérieur donne juste une impression d'immersion, sans pouvoir profiter des bords. L'image du Panoptic, elle, est exploitable en totalité...

21/09/12

Happy Birthday, Mister John Dobson !

L'inventeur de la monture altazimutale en carton pâte et des miroirs-hublots, grand défenseur de l'astronomie pour tous,  fête ses 97 printemps, Happy Birthday Mister Dobson !

J'avais relaté sa vie et son œuvre l'année dernière :
John L. Dobson, astronome des trottoirs...

L'Astrophysique en toute simplicité...



Découverte d'une Galaxie à 13,2 Milliards d'Années-Lumière !

En janvier 2011 était publiée la découverte de la galaxie la plus lointaine (donc jeune) jamais observée, datant de l'époque où l'Univers n'avait que 500 millions d'années. Il était notamment démontré dans cet article que la population d'étoiles à ce moment augmentait à très grande vitesse.
Moins de deux ans après cette découverte importante, une deuxième galaxie ultra-lointaine et encore plus jeune, vient d'être identifiée avec un âge de seulement 490 +-15 millions d'années. L'Univers n'avait que 3.6% de son âge actuel…
On en parle cette semaine à la fois dans Nature et dans Science (qui ne cite pas le nom de son concurrent dans lequel est paru l'article!).
 
C'est une large collaboration d'astronomes américains, chinois, européens et chiliens qui signent cette découverte dans le numéro de Nature de cette semaine donc, pas moins de 36 co-auteurs pour cet article, ce qui est assez rare en astrophysique et digne d'un article de physique des particules…
Les auteurs, Wei Zeng et al., ont utilisé ce qui se fait de mieux aujourd'hui en matière d'astronomie en terme de ciel profond : la Wide Field Camera 3 du télescope spatial Hubble, qui a été installée en orbite en 2009. Il s'agit d'une caméra infrarouge aux performances exceptionnelles.
Dû à l'expansion de l'Univers, la lumière voit sa longueur d'onde modifiée avec la distance-temps. Plus la distance est importante, plus la lumière est rougie, décalée vers le rouge. On parle en astronomie avec le terme anglais redshift (décalage vers le rouge), qui est noté z. La valeur de z est égale au décalage de longueur d'onde par rapport à la longueur d'onde (delta lambda/lambda) et est proportionnelle à la distance.
La galaxie ultra-lointaine trouvée se situe à un redshift de 9.6 +-0.2, du jamais vu pour la seconde fois seulement. Avec ce décalage, inutile de chercher à voir la lumière visible de la galaxie : presque toute sa lumière se retrouve dans l'infra-rouge, même une partie de sa composante ultra-violette. La longueur d'onde est multipliée par (1+z), soit un facteur 10.6…
Et c'est là que la caméra WFC3 de Hubble entre en scène. Spécialement conçue pour capter la lumière infrarouge jusqu'à des fréquences relativement faibles (grandes longueurs d'ondes), elle excelle dans la détection des objets lointains.
Oui, mais il s'agit là plus que d'un objet lointain, ces photons ont 13.2 milliards d'année, et ils sont un peu fatigués de leur voyage, comprenez : la source est extrêmement faiblarde…
Pour résoudre ce petit problème, Wei Zeng et ses collègues ont rusé comme savent le faire les astrophysiciens. Ils ont recherché des moyens de regarder de tels objets extrêmement lointains là où ils pourraient être magnifiés. Magnifiés ? (vous entends-je vous exclamer).
Principe de lentille gravitationnelle (NASA)
C'est encore et toujours le phénomène de lentille gravitationnelle qui intervient ici. On l'a déjà évoqué à plusieurs reprises, la présence d'une grande masse produit une courbure de l'espace-temps, qui fait se courber les trajectoires des photons arrivant par derrière. Ça marche aussi bien pour les photons de la lumière visible, les rayons gamma ou les infra-rouges.
Et non seulement la lumière d'un objet situé à l'arrière-plan est courbée, mais l'image résultante peut s'en trouver concentrée, exactement à la façon d'une lentille. On voit en un seul point des photons qui auraient dû se trouver dans des directions différentes s'il n'y avait pas eu de masse entre le point source et nous.
La grosse masse-lentille en question qu'ont utilisée Zeng et al est un amas de galaxies proche qui s'appelle MACS 1149 +2223. Et cet amas magnifie l'intensité lumineuse des galaxies distantes par un facteur 15 !
Et comment déterminer la valeur de z une fois qu'on a repéré une galaxie très faible émettant dans l'infrarouge ? La méthode utilisée repose sur le fait que cette lumière avant de nous parvenir, a traversé une très longue distance et donc une grande quantité d'hydrogène. Et il se trouve que l'hydrogène possède des raies d'absorption : il absorbe notamment la lumière en dessous d'une certaine longueur d'onde qu'on appelle la raie Lyman alpha redshiftée . Il doit apparaître une extinction dans le spectre infrarouge  qui dépend de la valeur de z, située à 121.6 x (1+z) nanomètres.
C'est par cette combinaison de méthodes que Zeng et ses 35 collègues ont trouvé cette perle rare. Il faut dire que ces méthodes ont déjà fait leur preuve en permettant la découverte d'une centaine de galaxies âgées entre 650 et 800 millions d'années. Mais jusqu'à aujourd'hui il n'en existait qu'une seule plus jeune que 600 millions d'années.

Une fois qu'ils ont mis en évidence cette charmante galaxie, l'équipe a évidemment  voulu savoir approximativement depuis combien de temps elle s'était formée. Ils se sont tournés vers un autre télescope spatial, le Spitzer Space Telescope, spécialisé dans l'étude des vieilles étoiles. Et ils ont pu estimer que les étoiles (environ 150 millions) composant cette galaxie étaient déjà relativement vieilles, de l'ordre de 200 millions d'années. Ce qui veut dire que la galaxie que l'on voit telle que l'Univers était il y a 13.2 milliards d'années (je sais, c'est vertigineux), s'est formée avec ses premières étoiles quand l'Univers n'avait que 300 millions d'années…

Cette découverte rejoint alors un problème de cosmologie encore très mal compris aujourd'hui, à savoir la phase de réionisation de l'Univers primordial (voir ici).
La découverte qu'il existait déjà des étoiles dans un Univers jeune de  300 millions d'années pourraient indiquer que ce sont justement ces premières étoiles qui pourraient être à l'origine de la réionisation du milieu interstellaire.

Il reste encore beaucoup d'observations et de mesures à faire sur les galaxies ultra-lointaines, et les instruments futurs de grand diamètre en seront des outils de choix, notamment pour affiner toujours mieux les évaluations de distances ainsi que découvrir de nouvelles galaxies au berceau toujours plus jeunes…

Sources :
A magnified young galaxy from about 500 million years after the Big Bang
Wei Zheng et al.
Nature 489, 406–408 (20 September 2012)

Warped Light Reveals Infant Galaxy on the Brink of the 'Cosmic Dawn'
Y. Bhattacharjee
Science Vol. 337 no. 6101 p. 1442 (21 September 2012)



 

16/09/12

Des Jours Avec et des Nuits Sans

En un mot comme en cent, cette soirée ne fut pas très fameuse, aurais-je perdu la main ? L'astronomie dobsonienne serait-elle sujette, comme la vie, à des jours avec et des jours sans ? Ce fut sans nul doute un jour (une nuit) sans, hier soir... 
Ou bien me serais-je attaqué à un coin du ciel un peu trop difficile en ayant pour seule arme mon Pocket Sky Atlas et mon Telrad ?
Mon programme était-il trop ambitieux ? Je se saurais répondre à cette question là tout de suite, mais voilà l'histoire...
Il faut dire que ça commençait plutôt mal, puisque je voulais prendre quelques clichés de mon set-up en situation, et après avoir tout installé, l'APN sur son trépied, prêt à faire la pose auprès de Dobby quitte à faire la statue durant 30 secondes (sans Lune, une longue pose était indispensable), voilà que mon Canon, qui parle très bien, me dit un message encore jamais vu : "il y a un problème de carte, la remplacer". Impossible de faire quoi que ce soit, et impossible de formater la carte...OK, me dis-je, tant pis, je ferai ça une prochaine fois.
Ça faisait déjà 3 mois que je n'étais pas sorti avec Dobby, depuis le 17 juin très exactement, c'est dire si il y avait du challenge, et quelle ne fut ma surprise de constater que ce cher télescope était toujours collimaté ! Incroyable pour un scope qui a subi un déménagement en plein mois d'aout, et autres mouvements annexes...
Le ciel de mi-septembre est très différent de celui de mi-juin. Dès que je sortis de la voiture dans ce chemin de guarrigue, je fus pourtant bluffé par la vision gargantuesque de la Voie Lactée, majestueusement flottante du Nord au Sud. J'allais comprendre bientôt mon malheur.

Pas de vent, ciel peu turbulent, transparence bonne apparemment... Mais pas mal de pollution lumineuse vers le sud. Trop. Anormalement trop, en tout cas dans par rapport à mon souvenir printanier. C'est au dessus de l'horizon sud que j'avais prévu de commencer mon voyage, au dessus du Sagittaire couchant, là, à la frontière de l'Ecu de Sobiesky et de la Queue du Serpent, pour voir trois Messier qui traînent par là : M16, la nébuleuse de l'Aigle, mais qui est dans la constellation du Serpent, M26, un amas ouvert, et M11 qui est aussi appelé l'amas du canard sauvage, situés tous deux dans Scutum (l'Ecu). Je n'ai vu ni M16, ni M26, ni M11. C'est dingue nan ? Scutum était déjà trop bas, noyé dans la lumière émanant d'Aix (ou une bourgade plus proche), il m'était impossible ne serait-ce que de trouver delta Sct, pourtant de magnitude 4.70... J'en avais besoin pour me repérer et trouver M26, situé juste à côté. Idem pour M16, pour laquelle j'avais besoin de trouver gamma Sct, située plus bas que delta... Après ces deux tentatives devenant vite pénibles, je rayai M11 de ma liste, pour quitter cette zone et aller voir ailleurs si j'y étais.

Direction Pégase, plus haut, bien plus haut, et vers le Sud-Est. Là je repris espoir, même si j'eus presque du mal à trouver le carré. Mais serais-je fatigué ? Ou bien serais perturbé par le concert live de Patti Smith dans la radio ? Quand-même... Trop d'étoiles pour le coup...
L'amas globulaire M15 est un amas globulaire aisé à pointer une fois qu'on a le carré de Pégase (qui est rectangle, au fait). Il suffit de prolonger une ligne imaginaire entre théta et epsilon (voir schéma ci-après). M15 est un bel amas globulaire, avec de nombreuses étoiles résolues, la vision décalée renforce d'avantage encore l'aspect granuleux, à voir au 13 mm.


10° en dessous se trouve un autre globulaire Messier, M2, on y parvient en traçant un croisement de segments en utilisant les étoiles principales du Verseau et Enif de Pégase (la plus proche de M15). M2 est plus faible que M15, bien plus faible, je ne parviens pas à voir vraiment des étoiles résolues, il reste assez diffus.
Maintenant qu'on est dans le Verseau, on va y rester, un autre globulaire est au programme, que je n'ai encore jamais observé du reste, c'est M72. Il se trouve en gros à un tiers du segment reliant epsilon Aqr (aussi appelée Albali) et théta du Capricorne . Alors, ce M72, pour être faible, il est faible! Là on ne cherche pas à voir trop d'étoiles résolues, c'est une tache ronde, certes, et on y laisse notre imagination. Et c'est là que le syndrome de la diamétrite vous prend : "ah, si j'avais un 400 mm...".


Dans mon planning je devais ensuite aller rendre visite à des nébuleuses toujours situées à la page 77 du PSA (Pocket Sky Atlas, pour les non initiés), à commencer par NGC 7009, aussi appelée la nébuleuse Saturne et qui est tout près de M72. Pourquoi ne l'ai-je pas trouvée ? J'y ai mis du temps et de l'énergie, mais en vain. Je savais qu'elle a une dimension angulaire riquiqui, mais là, je suis resté vert, vert comme sa couleur paraît-il (que je verrai un jour quand j'aurais un T600 ;-) ).
J'avais aussi prévu d'aller voir Hélix (NGC 7293), mais ayant trop galéré sur 7009, j'ai zappé. Chercher sans trouver est un métier fatiguant (je sais de quoi je parle).

Il me restais à faire un peu de planétaire, et je savais que les gazeuses étaient de sortie ce soir, d'abord Neptune, toujours dans le Verseau, que je suis tout de même parvenu à dénicher juste à côté de 38 Aqr, non sans mal (c'est quoi ces yeux?), toujours aussi bleutée, cette toute petite boule. Ces gazeuses lointaines sont toujours un peu décevantes quand on a en mémoire la vision d'une Saturne ou d'une Jupiter. Aucuns détails décelables, petite taille... Et puis pour comparer le comparable (quoique), c'est vers Uranus que je suis ensuite allé. Pour la trouver, je suis retourné sur Pégase et utilisé une savante triangulation avec les étoiles du Poisson situé en dessous du "Carré" rectangulaire. 


Uranus n'est pas la cousine de Neptune, c'est sa sœur. Même frustration. On se réconforte en se disant que c'est la lumière du Soleil qu'on voit là, transformée en sa composante bleue réfléchie par tout ce gaz. Tiens, au fait, pourquoi les teintes de Saturne et les deux cousines (pardon, sœurs) sont-elles si différentes alors que le gaz est le même ? C'est amusant de voir que 19% d'hélium (contre 7.5% pour Saturne) produit tant de différence dans le spectre réfléchi. A mon avis y'a pas que de la pomme. 

Ayant perdu beaucoup de temps et d'énergie ce soir, je renonçai à aller voir un duo de galaxies que je savais difficiles à trouver au telrad et chercheur (NGC 7727 et 7723). Et comme une soirée sans galaxie est un peu comme une tranchée verdunoise sans gnôle, j'ai fait dans la facilité en allant jeter un œil débonnaire sur une des galaxies les plus vastes du ciel : entre Pégase et le Triangle, vous avez reconnu M33, à éviter de regarder avec un oculaire plus petit que 15 mm. C'est étendu, il y a là des dizaines de milliards de soleils, accompagnés de leurs planètes sans doute, je ne distingue pas de structures dans cette grosse masse (la troisième galaxie la plus massive du groupe local derrière notre Voie lactée et Andromède, rappelons-le). 
Je ne peux que me dire que mon oculaire Plössl de 25 mm est vraiment mauvais et que j'ai hâte de recevoir mon Panoptic 24 mm, qui ne devrait plus tarder maintenant... Ça ne me permettra pas de voir les spirales de M33 mais il sera très certainement une aide précieuse dans la phase de localisation à grand champ, qui est une étape parfois très délicate en astro dobsonienne, comme j'ai pu en faire l'amère expérience ce soir.

N'ayant pas eu la chance, l'opportunité ou le bonheur de rencontrer quelque animal nocturne dans cette nuit au silence parfois dérangeant de nouvelle lune, et il faut bien le dire un peu dépité de constater l'existence de nuits sans ainsi que de la non négligeable pollution lumineuse de mon site de prédilection, finalement, je décidai de rentrer pour rejoindre Morphée et rêver de voir Patti Smith chevaucher Pégase l'insoumis, tout en jetant un œil sur Jupiter en train de monter sur l'horizon.

* Cartes produites avec le génial Stellarium

Dobson Sky Watcher 254 mm F/4.7 TV Nagler 13 mm, TV Nagler 3.5 mm, HR planetary 5 mm, Plössl 10 mm, Plössl 25 mm, Barlow TV x2 filtres Moon et OIII, Guided by Telrad

15/09/12

La Matière Sombre Dévoilée par un Ballon Stratosphérique ?

L'expérience ARCADE initiée par la NASA fut lancée en juillet 2006 sous un ballon stratosphérique. Le but initial de ARCADE (Absolute Radiometer for Cosmology, Astrophysics, and Diffuse Emission) était l'étude des ondes radios provenant de vieilles étoiles pour en mesurer la température.

Le ballon emportant son détecteur refroidi à l'hélium liquide, a pu s'élever jusqu'aux confins de l'atmosphère à 40 kilomètres d’altitude.
Mais dès le premier vol, les résultats obtenus ne correspondaient pas, mais alors pas du tout, à ce qui était attendu! Un signal radio isotrope (c'est à dire venant de partout) fut mesuré avec une intensité 6 fois plus élevée que ce qu'on pouvait imaginer en bruit de fond...

Lancement de ARCADE (NASA)
Après différentes campagnes de mesures, les résultats étaient toujours similaires... C'est en janvier 2009 lors d'une conférence scientifique de l'American Astronomical Society, que Alan Kogut et Michael Seiffert, responsables de l'expérience à la NASA, ont annoncé leur découverte.

Depuis lors, des tentatives d'explications "classiques" ont été essayées, impliquant tous les objets émetteurs de photons dans le domaine radio, comme des radio galaxies, des objets compacts, mais aucune de ces hypothèses n'a permis d'expliquer ce signal radio isotrope...

Les physiciens se sont donc naturellement tournés vers des origines moins conventionnelles. Et c'est en décembre 2011 qu'une équipe italo-espagnole menée par N. Fornengo publie dans Physical Review Letters la première explication impliquant la matière sombre et qui marche! 
Ils montrent que si les WIMPs ont un taux d'annihilation de type thermique (ce qui est généralement attendu), et que si leur voie principale d'annihilation est la voie "leptonique" : en produisant des électrons et des antiélectrons de grande énergie, et bien ces particules secondaires doivent rayonner des ondes radio par effet synchrotron en s'enroulant autour des champs magnétiques des galaxies... La multitude de points source de ce rayonnement, correspondant aux multitudes de WIMPs s'annihilant, produirait évidemment le signal isotrope observé, avec la bonne intensité. Ils concluent leur article en lançant un appel aux futurs radiotélescopes géants (comme ATCA et EVLA) qui devraient pouvoir investiguer dans le détail ce signal mystérieux.
Schéma de l'instrumentation ARCADE

Et à peine quelques mois plus tard, en mars 2012, une autre équipe, américaine, dirigée par Dan Hooper du FermiLab à Chicago, probablement vert de s'être faits grillé sur le fil par des européens, se penche à son tour sur les données de ARCADE-2 et montre elle aussi que les niveaux de signal radio collent tout à fait avec ce qui devrait être observé si les WIMPs s'annihilent en leptons (électrons, muons, taus), et si ces WIMPs ont une certaine masse, de l'ordre de la dizaine de GeV.
Ils ont ensuite regardé quelles seraient des autres implications astrophysiques de telles WIMPs de 10 GeV s'annihilant de cette façon.
Ils en concluent que de nombreux autres signaux mal ou pas compris aujourd'hui deviennent tout à fait compatibles avec l'annihilation de ces WIMPs : 
  • une grande fraction du fond gamma isotrope - et bien étrange - mesuré par le satellite Fermi, 
  • les gamma observés en provenance du centre galactique, 
  • le signal synchrotron des filaments de notre galaxie,
  • l'excès mesuré à l'intérieur de notre galaxie par le satellite WMAP (la fameuse "brume" de WMAP)
Rien que ça. 
Mais ce n'est pas tout : la carte d'identité de la WIMP miraculeusement responsable de tous ces signaux aurait donc une masse de 10 GeV, masse qui collerait également avec tous les événements qui ont pu être détectés (ou pseudo détectés) par les manips en souterrain : CoGent, DAMA et CRESST....

L'énigme de la Matière Sombre aurait-elle été dévoilée par un petit ballon stratosphérique ?


Sources :
Possibility of a Dark Matter Interpretation for the Excess in Isotropic Radio Emission Reported by ARCADE 
N. Fornengo, et al.   Physical Review Letters Volume 107, Issue 27  (30 December 2011)

The Isotropic Radio Background and Annihilating Dark Matter
Dan Hooper et al.     ArXiv:1203.3547v1 19 mars 2012