La livraison de données astrométriques de Gaia, parmi des centaines de millions d'étoiles, a fourni les distances de près de 14000 naines blanches résidant dans un rayon de 100 parsecs (326 a.l) autour de nous. L'étude statistique de cette population, inédite par son ampleur, montre l'existence d'un groupe important de naines blanches plutôt massives, très probablement issues de fusions entre naines blanches...
Mukremin Kilic (Université de l'Oklahoma) et ses collaborateurs britanniques et Canadiens ont étudié les caractéristiques de cette grosse population de naines blanches identifiées par Gaia, en termes de composition et de masse. En comparant les observations avec des modèles d'évolution stellaire, ils arrivent à montrer que 15% d'entre elles ont une masse trop grande par rapport à ce qui est classiquement attendu.
Pour estimer les paramètres intrinsèques des étoiles, il est indispensable de connaitre au mieux leur distance, et c'est ce que les données de Gaia permettent aujourd'hui sur un nombre phénoménal d'étoiles de notre galaxie.
Les chercheurs observent ainsi une "bifurcation" lorsqu'ils tracent le diagramme de la couleur en fonction de la magnitude pour l'échantillon de 13928 naines blanches mesurées par Gaia. Une telle bifurcation avait déjà été entraperçue il y a quelques années dans le grand relevé du Sloan Digital Sky Survey, mais sur une population de naines blanches beaucoup plus restreinte. L'anomalie observée dans le SDSS avait été expliquée par une différence de composition des naines blanches, avec une population possédant une atmosphère d'hélium. Mais ce que montrent Kilic et ses collègues dans l'article qu'ils publient dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society Letters, c'est que cette nouvelle différence observée dans le relevé de Gaia ne dépend pas uniquement de la composition des naines blanches mais aussi de leur masse.
D'après les astrophysiciens, une population d'étoiles âgées de 10 milliards d'années aura convertit 77% de ces étoiles de la séquence principale en naines blanches. En considérant que le taux d'étoiles binaires et de 50%, un échantillon de 100 systèmes produira en moyenne 38,5 naines blanches, dont 7,5 naines blanches seules issues de fusions et 9,5 naines blanches doubles. La fraction de naines blanches seules formées à partir de fusions dans des systèmes binaires sera quant à elle de 14%. Ces proportions ont d'ailleurs pu être retrouvées par l'équipe de Kilic en simulant l'évolution d'une grande quantité d'étoiles binaires.
Et les naines blanches produites par des fusions sont prédites pour avoir une masse de 0,74 ± 0.19 masses solaires. Il se trouve que dans la population de naines blanches identifiées par Gaia, la distribution des masse montre deux bosses très nettes : une première centrée sur 0,6 masse solaire, et une seconde centrée sur 0,8 masses solaires.
Pour Mukremin Kilic et ses collaborateurs, la conclusion est évidente : une fraction significative des naines blanches qui sont situées dans un rayon de 100 pc autour de nous sont massives, révélées par leur différente magnitude absolue (liée à leur masse) en fonction de leur couleur. Les simulations indiquent clairement que cette population de naines blanches plus massives que la normale ne peut provenir que de phénomènes de fusions : soit de fusions d'étoiles avant que la résultante ne devienne une naine blanche, soit de fusions de naines blanches déjà produites et qui formaient des couples binaires, tout en restant en dessous de la limite de Chandrasekhar (1,4 masse solaire) au-delà de laquelle elles ne peuvent qu'exploser en supernova...
Source
Gaia reveals evidence for merged white dwarfs
Mukremin Kilic, N C Hambly, P Bergeron , C Genest-Beaulieu, N Rowell
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters, Volume 479 (1 September 2018)
Illustrations
1) Vue d'artiste de la fusion de deux naines blanches (David A. Aguilar (CfA))
2) Distribution de masses des naines blanches de l'échantillon étudié (relevé SDSS en haut et Gaia en bas) Kilic et al.
3 commentaires :
Bonjour,
"dans la population de naines blanches identifiées par Gaia, la distribution des masse montre deux bosses très nettes : une première centrée sur 0,6 masse solaire, et une seconde centrée sur 0,8 masses solaires". Pourquoi la masse moyenne des EN produit d'une fusion n'est-elle pas double de celle des autres ? Y a-t-il perte de masse lors des fusions ? Ou bien les EN de petite masse fusionnent-elles plus facilement (cela parait contre intuitif) ?
Lors de leur prochaine prise de données, Ligo-Virgo auront-ils la sensibilité requise pour enregistrer une fusion de NB, qui ne parait pas rare à l'échelle de notre galaxie si l'on extrapole les données de Gaia dans un rayon de 100 pc ?
Très bonne question cher ami ! Et bien je ne sais pas, je vais donc chercher... Il est possible qu'il existe un effet préférentiel pour les binaires asymétriques en masse pour la fusion (mais c'est à vérifier).
Pour LIGO-VIRGO et similaires, malheureusement, les fusions de naines blanches ne sont pas accessibles... Trop faible amplitude des ondes gravitationnelles.
Merci de votre réponse.
En relisant ma première question, je réalise que j'ai noté EN au lieu de NB... Peut-être influencé inconsciemment par GW 17 08 17... Vous aurez rectifié !
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