dimanche 31 mai 2015

Documentaire "Le mystère de la Matière Noire", à voir (ou revoir)

Vous l'avez raté hier soir ? Qu'à cela ne tienne, ARTE fait les choses bien et vous pouvez voir (ou revoir) ce très bon documentaire de Cécile Denjean consacré à la matière noire et surtout à sa quête... Je vous l'intègre ci-dessous, pas la peine de chercher, ça se passe ici bas. 

jeudi 28 mai 2015

L'écume de l'espace-temps un peu mieux cernée

La nature profonde de l'espace-temps, aux plus petites échelles, est toujours une inconnue. Il serait tentant de penser que l'espace-temps devient quantique comme la matière lorsque les distances deviennent proches de l'échelle de Planck, ce qui pourrait former une sorte d'écume quantique où l'espace-temps serait agité de fluctuations incessantes, un terme introduit par John Wheeler en 1963 et depuis lors sujet de nombreuses théories de gravitation quantique...


Aujourd'hui, aux plus petites échelles que l'on puisse observer, l'espace-temps nous apparaît totalement homogène, sans aucune structure. L'écume quantique pourrait exister à des échelles vraiment très très petites. On peut se représenter le concept aisément en imaginant que l'on survole un océan à haute altitude, il a l'air totalement plat, sans remous, et plus on descend en altitude, plus on voit apparaître des vagues, des fluctuations, puis toujours plus près, de l'écume, puis des bulles, dans un bouillonnement constant. 
Pour l'espace-temps, les dimensions en jeu sont de l'ordre d'un dix milliardième du diamètre d'un proton...

Vue d'artiste de l'écume de l'espace-temps (NASA/CXC/M.Weiss)
Pour essayer de cerner si l'espace-temps ressemble bien à cette image, des expériences sont possibles, et c'est à très grande échelle que cela se passe, grâce à l'observation d'objets astrophysiques très lointains qu'on appelle des quasars. 
Une équipe de chercheurs est parvenue à fixer des limites sur les propriétés d'une éventuelle écume quantique de l'espace-temps en étudiant le rayonnement X et gamma provenant de quasars avec pas moins de deux télescopes spatiaux (Chandra pour les rayons X et Fermi pour les rayons gamma) et un réseau de télescopes terrestres, VERITAS (Very Energetic Radiation Imaging Telescope Array) constitué de 4 réflecteurs de 12 m installé en Arizona, qui traque la lumière Cherenkov produite par les photons gamma dans l'atmosphère et qui complète Fermi à merveille. 

En effet, si l'espace-temps possède cette structure d'écume, il doit exister une limite sur la précision avec laquelle nous pouvons mesurer des distances, du fait que la lumière traverserait des "bulles" d'espace-temps aux dimensions fluctuantes. Et quand la lumière fait un très long voyage de plusieurs milliards d'années-lumière, ces incertitudes doivent s'accumuler le long du trajet et finalement pouvoir être mesurées. Différents modèles d'espace-temps doivent alors donner différentes valeurs de l'incertitude sur la distance parcourue par un photon.

On comprend aisément pourquoi les astrophysiciens se sont intéressés aux quasars pour faire cette étude : plus le trajet de la lumière est long, plus l'effet peut être facilement observable. Les quasars, ces noyaux de galaxies très actifs sont parmi les objets visibles les plus lointains, pouvant atteindre 10 milliards d'années-lumière. 
Selon les modèles d'écume d'espace-temps utilisés, l'image des quasars pourrait être complètement brouillée, voire devenir indétectable à partir d'une certaine longueur d'onde, lorsque la fluctuation d'espace atteint la longueur d'onde qui se propage.

Le réseau de télescope Cherenkov VERITAS (VERITAS/Univerity of Arizona)
Ce qu'ont réussi à démontrer l'équipe américaine grâce à leurs observations de quasars situés à plusieurs milliards d'années-lumière, c'est qu'un certain modèle d'écume quantique peut être tout de suite rejeté, le modèle caractérisé par le paramètre alpha=1/2, qui stipule que les photons de lumière diffusent aléatoirement dans l'écume spatio-temporelle un peu à la manière de ce que fait la lumière dans un brouillard.
Et les astrophysiciens arrivent également à montrer qu'un deuxième modèle, appelé le modèle holographique, qui est appelé ainsi car il est compatible avec les modèles d'univers dits "holographiques", et caractérisé par le paramètre alpha=2/3, peut également être rejeté. Ce modèle avait notamment pour caractéristique que la lumière devait moins diffuser que dans le premier modèle d'écume quantique. Mais le rejet de ce second modèle en alpha =2/3 a une portée plus grande, car ce modèle d'écume quantique est relié au fait qu'un effondrement gravitationnel (un trou noir) est censé produire un horizon apparent et non pas un horizon des événements.
Le rejet observationnel du modèle d'écume en alpha =2/3 peut alors être interprété, selon les auteurs, comme une première preuve indirecte de l'affirmation qu'avait faite le physicien anglais Stephen Hawking en 2014, qu'un effondrement gravitationnel ne produit pas nécessairement un horizon des événements.

En termes plus concrets, Eric Perlman et son équipe permettent au final d'affirmer que l'espace-temps est homogène jusqu'à des distances d'au moins un millième du diamètre d'un proton. L'exclusion de modèles quantiques de l'espace-temps n'en est qu'à ces débuts...


Source : 
New Constraints on Quantum Gravity from X-ray and Gamma-Ray Observations
Eric S. Perlman et al.
The Astrophysical Journal 805 10 (May 20th) 


lundi 25 mai 2015

Les Supernovas Ia se découvrent grâce à des nouvelles méthodes d'observation

Lorsqu'une étoile naine blanche explose, elle produit ce qui est appelé une Supernova de type Ia (SN Ia). Se faisant, l'explosion, qui ne laisse derrière elle aucun objet compact, produit toujours la même quantité d'énergie avec la même décroissance de lumière dans les semaines qui suivent l'explosion, quelle qu'ait été la naine blanche à son origine et quelle qu'ait été la façon dont l'explosion a été déclenchée. Car il existe plusieurs façon pour faire exploser une naine blanche...


Les deux modèles qui semblent de plus en plus co-exister et non pas être en concurrence, sont appelés respectivement le canal "simple dégénéré", dans lequel il n'y a qu'une seule naine blanche au départ, et le canal "double dégénéré" dans lequel deux naines blanches sont en présence.
Vue d'artiste d'une SN Ia de type simple dégénéré
(STFC/David Hardy)
Pour comprendre pourquoi et comment une naine blanche peut exploser très violemment en éparpillant toute sa matière dans le milieu interstellaire, il faut se rappeler qu'une étoile naine blanche est déjà un objet très compact, formé principalement de carbone et d'oxygène, qui n'est stable que grâce à la pression de dégénérescence des électrons qui composent sa matière. Cette pression des électrons, qui empêche deux électrons de même spin de se côtoyer, produit une force qui contrecarre la gigantesque force de gravitation qui est à l'oeuvre et qui tend à effondrer l'étoile sur elle-même. Mais les lois de la mécanique quantique disent que cet équilibre n'est plus possible si la masse de l'étoile dépasse une certaine valeur, qui est appelée la masse de Chandrasekhar, du nom du physicien indien qui à découvert ce phénomène.
La masse de Chandrasekhar vaut 1,44 masses solaires.  Toutes les naines blanches font donc moins de 1,44 masses solaires, mais si une naine blanche attire à elle de la matière et par là même se met à dépasser le seuil fatidique, l'effondrement gravitationnel l'emporte sur la pression quantique et s'en est fini de l'étoile.
Les deux voies coexistantes de formation des SN Ia correspondent simplement à deux façons de gagner de la masse jusqu'à atteindre la limite de Chandrasekhar. Quand une seule naine blanche est en jeu (dans la canal "simple dégénéré"), elle se trouve accompagnée d'une autre étoile, plus classique, qui peut être une étoile du type du soleil ou même une géante ou une supergéante, qui est suffisamment proche pour se laisser absorber du gaz de son enveloppe externe.
Dans le canal "double dégénéré", deux naines blanches, qui peuvent être de masse différente, sont en orbite l'une autour de l'autre, ou autour de leur barycentre commun, et se rapprochent lentement et inéluctablement en perdant de l'énergie gravitationnelle. Jusqu'au jour où les deux naines sont si proches l'une de l'autre qu'elles en arrivent à se toucher et si la somme de leurs masses dépasse 1,44 masses solaire, la plus grosse des deux termine sa vie avant sa sœur...
Historiquement, c'est le modèle "simple dégénéré" qui dominait pour expliquer le phénomène SN Ia, puis petit à petit depuis une décennie environ, l'idée du processus "double dégénéré" a trouvée de plus en plus de preuves observationnelles, comme celles apportées par exemple en 2011 par SN 2011fe apparue dans la belle galaxie M101, dont nous avions parlé. Les astrophysiciens ont commencé à avoir de sérieux doutes et ont commencé à pencher d'avantage vers ce processus. Or, les supernovas Ia restent des phénomènes rares et il est difficile de pouvoir clairement départager ces deux origines possibles. 
Mais le 3 mai 2014, c'est une nouvelle supernova Ia qui apparut dans la galaxie IC 831 située à 300 millions d'années-lumière, et qui fut détectée par un système automatisé installé sur le télescope du Mont Palomar en Californie, appelé le Intermediate Palomar Transient Factory (iPTF) .
Après quelques heures pour confirmer qu'il s'agissait bien d'une supernova, les chercheurs emmenés par l'astrophysicien Yi Cao, eurent l'opportunité de mobiliser très vite un télescope spatial, Swift, pour observer cette supernova en ultra-violet, des longueurs d'ondes inaccessibles avec une atmosphère au-dessus de la tête. Swift mesura une intense bouffée de rayonnement ultra-violet en provenance de la supernova, augmentant avec l'intensité de lumière globale. 
Vue d'artiste du télescope spatial Swift (NASA)
Cette observation est importante car c'est une signature sans équivoque de la présence d'une étoile compagne qui n'est pas une naine blanche, mais bien une étoile plus classique, donc un système "simple dégénéré". La matière éjectée lors de l'explosion de la naine blanche est projetée sur l'étoile compagne, produisant une onde de choc qui allume la matière aux alentours, formant un cône de rayonnement UV.
Des simulations numériques d'explosions de supernovas Ia ont été menées en 2010 par un astronome de l'université de Berkeley, Daniel Kasen, et il montrait qu'il devait exister une forte bouffée de rayonnement UV lors de la collision de l'ejecta et de l'étoile compagne. Cette observation du 3 mai 2014 est la première du genre qui apparaît tout à fait conforme avec les prédictions numériques.

On est désormais un peu plus sûrs que les deux types de canaux coexistent dans les supernovas Ia, et les astronomes ont maintenant dans leurs mains une méthode infaillible pour déterminer dans quelle sous-famille se trouve une supernova à naine blanche. Malheureusement, les observations ne peuvent pas être rétroactives, on ne pourra pas réanalyser les données des quelques centaines de SN Ia qui ont pu être observées depuis quelques siècles. 
Mais les prochaines SN Ia nous diront tout sur leur origine grâce aux deux ingrédients indispensables : une détection très rapide de la supernova (grâce à des télescopes robotisés) et un suivi également très rapide par un télescope spatial UV comme Swift.


Source : 
A strong ultraviolet pulse from a newborn type Ia supernova
Yi Cao et al.,
Nature 521, 328–331 (21 May 2015)

samedi 23 mai 2015

Quizz Astro n°10

Voilà, notre cycle de quizz printaniers arrive à son terme, vous avez été nombreux à trouver un maximum de bonnes réponses cette semaine, on peut citer Zgreudz, PL56, Cedrou, Rene66, Clemtroff, Yuhn, didier, curu, avec 10 bonnes réponses, ou encore Altair(9), fragor et mf (8).
Allez, je vous offre une dernière petite tournée pour la route... Un grand merci à tous les participants, quelles qu'aient pu être vos réponses, je suis sûr que vous avez pu apprendre des choses, et c'est l'essentiel ! 

vendredi 22 mai 2015

Le très ancien champ magnétique de Mercure

Même si la sonde américaine MESSENGER a terminé sa mission il y a quelques semaines en s’écrasant sur Mercure, les données qu’elle a recueillies ces dernières années continuent à être exploitées et analysées. C’est le cas par exemple encore aujourd’hui avec la publication d’une étude concluant à l’existence d’un champ magnétique très ancien sur Mercure.


MESSENGER (Mercury Surface, Space ENvironment, GEochemistry, and Ranging), était dotée d’un magnétomètre permettant de mesurer le champ magnétique. Ce sont les données de cet instrument que l’équipe de Catherine Johnson de l’université de Colombie Britannique à Vancouver, ont exploité pour étudier le champ magnétique issu de la croûte de Mercure.  En regardant de près le champ magnétique mesuré quand MESSENGER n’était qu’à seulement 150 km d’altitude, les chercheurs démontrent l’existence d’une magnétisation rémanante de la croûte de Mercure, qui signe l’existence d’un champ magnétique global produit par un processus de type dynamo apparaissant dans les couches externes du cœur fluide de la planète, et qu’il devait déjà exister il y a 3,7 milliards d’années.

Vue d'artiste de Messenger (NASA/Johns Hopkins University)
Il faut se rappeler que Mercure est la seule planète tellurique, avec la Terre, à posséder un champ magnétique issu d’un phénomène de dynamo interne. Ce champ est beaucoup plus faible que le nôtre, son intensité ne dépassant pas 1% de celle du champ magnétique terrestre. Il a la particularité d’être de symétrie axiale, mais asymétrique vis-à-vis de l’équateur, indiquant une asymétrie nord-sud dans la dynamo interne.
On connaît l’existence de ce champ magnétique depuis quelques décennies, depuis que l’on envoie des sondes autour de Mercure, mais sans pouvoir savoir si ce champ à toujours existé ou depuis combien de temps il existe. C’est justement à cette question que Johnson et ses collègues viennent de répondre, ce qui permet par ailleurs de mieux connaître l’évolution interne de la planète.

Pour savoir que le champ magnétique de Mercure existait déjà il y plus de 3 milliards d’années, les planétologues ont utilisé une astuce qui est fondée sur l’existence de roches magnétisées dans la croûte de Mercure. Ces roches ont acquis leur aimantation lorsqu’elles étaient en fusion et qu’elles se sont refroidies : en cristallisant, les particules ferriques ont conservé l’orientation qu’elles avaient naturellement prises en présence du champ magnétique externe. Ces roches magnétisées produisent leur propre champ magnétique, qui est au départ aligné avec le champ magnétique environnant. La subtilité qu’ont su exploiter les chercheurs est que ces roches dans leur longue durée de vie ont subi diverses altérations, comme des activités tectoniques, des réchauffements, ou encore des chocs ou des réactions chimiques, altérant de fait leur aimantation et donc l’intensité ou la direction du champ magnétique interne produit. Toutes ses variations en intensité, en direction, ou bien en épaisseur ou profondeur de couches rocheuses produisent au final des anomalies magnétiques qui peuvent être détectées à 150 km d’altitude par le magnétomètre très sensible de MESSENGER.
Entre 2011 et 2014, aucune anomalie magnétique n’a pu être mesurée par la sonde, ce n’est qu’à partir d’avril 2014 que MESSENGER est descendu sur une orbite à moins de 200 km d’altitude et a commencé à mesurer des variations anormales du champ magnétique. Ces variations ont une intensité très faible, de l’ordre de quelques dizaines de nanoteslas, mais suffisent à conclure clairement à l’existence d’un champ magnétique à l’époque très reculée de la cristallisation des couches rocheuses étudiées.

Les astronomes ont depuis de nombreuses années construit des modèles thermiques de Mercure. Parmi les deux processus pouvant être à l’origine de l’apparition d’un phénomène de dynamo, l’un a pris fin il y a 3,9 milliards d’années et le second a débuté il y a 3,7 milliards d’années. Le premier est la phase de refroidissement superadiabatique du cœur liquide, et le second la formation des couches internes du cœur, associée à des effets de refroidissement et de convection.

Les planétologues en concluent donc que le champ magnétique de Mercure a, dans tous les cas, au moins 3,7 milliards d’années, et qu’il existait potentiellement encore plus tôt.


Source :

Low-altitude magnetic field measurements by MESSENGER reveal Mercury’s ancient crustal field
Catherine Johnson et al.
Science Vol. 348 no. 6237 pp. 892-895 (22 May 2015)


mardi 19 mai 2015

Observation d'une nouvelle classe de galaxies, ultra diffuses...

Il y a quelques jours, je vous racontais la découverte d'objets étonnants remettant en cause les modèles de formation des grandes structures, un quatuor de quasars. Et bien les petites découvertes passionnantes d'objets étranges semblent être de saison, car c'est au tour cette fois-ci d'une toute nouvelle classe de galaxies de faire son apparition.



La galaxie ultra diffuse Dragonfly 44, trouvée dans l'amas du Coma
(P. VAN DOKKUM, R. ABRAHAM, J. BRODIE)
C'est dans un article publié dans the Astrophysical Journal Letters le 1er mai dernier qu'une équipe américaine annonce avoir observé une petite population de galaxies très curieuses, car très très peu denses. On les appelle désormais des UDG (Ultra Diffuse Galaxies). Pieter Van Dokkum, de l'université de Yale à exploité deux télescopes avec son équipe : un tout petit télescope d'un côté, qui est appelé le Dragonfly Telephoto Array, une sorte de gros objectif photo de 14 cm de diamètre, et de l'autre côté, le télescope Keck I de 10 m, qui avait permis l'observation du quartet de quasars que j'évoquais en introduction.

Ces galaxies étranges sont aussi vastes que notre Voie Lactée ou presque, avec par exemple une taille de 60000 années-lumière pour celle qui a été la plus étudiée, Dragonfly 44, mais en revanche, elles ne possèdent que 1% de son nombre d'étoiles, l'équivalent d'une galaxie naine elliptique ! Les astrophysiciens, après avoir confirmé qu'il s'agissait bien de galaxies, grâce à des mesures spectroscopiques de leur composition et de distance à l'aide du Low Resolution Imaging Spectrometer (LRIS) monté au foyer du télescope Keck I , essayent de déterminer comment des telles galaxies peuvent exister, car le plus surprenant est que ces maigrelettes ont survécu dans un environnement galactique plutôt propice au démembrement.
Pour les expliquer, les auteurs évoquent le fait que ces galaxies seraient enfouies dans un épais cocon de matière noire qui les aiderait à résister aux assauts gravitationnels des galaxies voisines.
Comparaison à l'échelle d'une galaxie ultra-diffuse,
de la galaxie d'Andromède et d'une galaxie naine
elliptique contenant le même nombre d'étoile qu'elle
(B. SCHOENING, V. HARVEY/
REU PROGRAM/NOAO/
AURA/NSF, P. VAN DOKKUM/HST)
Ces quelques galaxies ultra-diffuses ont toutes été observées dans un amas de galaxies qui est appelé l'amas de Coma, situé à 300 millions d'années-lumière et où se côtoient plusieurs centaines de galaxies (dans la constellation de la Chevelure de Bérénice).

L'autre grande question que se posent les astronomes est : quelle est l'origine de ces galaxies ultra diffuses ?... Sont-elles des sortes de galaxies "ratées" qui sont tombées en panne de gaz, ou bien étaient-elles normales avant de connaitre une série de collisions destructrices ? Ou encore, sont-elles des galaxies qui ont été expulsées d'un amas, comme nous en avons également déjà parlé ici, mais qui se seraient retrouvées dans un autre amas ? 
On le voit, cette découverte pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses, et l'une des clés de l'énigme réside peut-être dans la quantification du contenu en matière noire de ces objets. Mais il semble que cette détermination, qui pourrait se faire par des mesures de dynamique (vitesses de rotation ou autre), soit encore plus compliquée que de découvrir d'autres galaxies de ce type.

Les galaxies ultra diffuses viennent en tous cas compléter la grande famille des galaxies, depuis les naines ultra-compactes de quelques milliers d'étoiles, jusqu'aux elliptiques géantes de plusieurs milliers de milliards d'étoiles en passant par les galaxies lenticulaires et les galaxies spirales comme la nôtre... Une famille qui ne nous a probablement pas encore présenté tous ces rejetons.


Source : 
Spectroscopic Confirmation of the Existence of Large, Diffuse Galaxies in the Coma Cluster
Pieter Van Dokkum et al. 
The Astrophysical Journal Letters Volume 804 Number 1  (1 mai 2015) 

dimanche 17 mai 2015

Quizz Astro n°9

8 parmi vous ont réussi la prouesse de trouver plus de 8 bonnes réponses et cette fois-ci PL56 n'a pas fait un sans faute ! Voici la liste des bienheureux : PL56 (9), curu (9), KP (9),  Istoy (9), Apolloman (9), Clemtroff (8), alain (8), rene66 (8). 

Partons donc de ce pas vers le pénultième quizz de cette année : 





Découverte d'un groupe de 4 quasars rapprochés

La recherche astronomique est ponctuée de découvertes surprenantes, qui parfois impliquent de repenser entièrement certaines théories. C'est encore à une telle découverte que nous venons d'assister, avec la découverte d'un groupe de quatre quasars côte à côte...


Les quasars sont des galaxies actives dont le trou noir central est en train d'absorber de très grandes quantités de gaz. Cela produit un échauffement très fort du disque de matière tournant autour du trou noir, le rendant extrêmement brillant, plus brillant que plusieurs milliers de milliards d'étoiles, ce qui leur donne une visibilité à plus de 10 milliards d'années-lumière. C'est d'ailleurs majoritairement à cette époque reculée que l'on rencontre des quasars. L'émission de "quasar" se révèle n'être qu'une phase dans la vie d'une galaxie, et les astrophysiciens estiment que cette étape de la vie d'une galaxie ne dure qu'environ 10 millions d'années, ce qui est très court vis à vis de la durée de vie d'une galaxie.
Joseph Hennawi, du Max Planck Institute für Astronomie et son équipe, qui publient leur découverte dans le numéro de cette semaine de la revue américaine Science, ont exploité le télescope hawaïen Keck de 10 m situé sur le volcan Mauna Kea.

Le quartet de quasars découvert par Hennawi et al. en fausses couleurs.
La nébuleuse de gaz froid est visible en bleu, les quasars sont
indiqués par les flèches. (Arrigoni-Battaia & Hennawi / MPIA)  
Ce qu'ils ont découvert est le premier groupe de plusieurs quasars rapprochés.  Les quatre quasars semblent par ailleurs alignés entre eux, ce qui rend la découverte encore plus jolie. Ce quartet de quasars se trouve à l'intérieur de l'une des plus vastes structures cosmiques existantes à cette distance. Ils sont par ailleurs entourés par une très vaste nébuleuse de gaz froid et dense qui s'étend sur 1 million d'années-lumière. Ce qui est surprenant, c'est que observer 4 quasars les uns à côté des autres comme ça est extrêmement improbable, une chance sur 10 millions ! Les quasars sont généralement trouvés seuls, séparés du plus proche voisin par plusieurs dizaines ou centaines de millions d'années-lumière, et sont déjà des objets rares à trouver, alors en trouver 4 côte à côte... 
La nébuleuse de gaz entourant le groupe de quasars a été surnommée par les astronomes la nébuleuse du Jackpot (on comprend pourquoi).
La groupe de quasars et leur nébuleuse hôte se trouvent en fait dans une zone de l'Univers lointain parmi les plus dense en matière, il y a là plus de 100 fois plus de galaxies qu'ailleurs à la même distance. Ce paquet de jeunes galaxies ressemble à ce qu'on appelle dans l'Univers plus proche : des amas de galaxies. C'est donc probablement l'ancêtre ou le progéniteur de nos amas de galaxies actuels.

Comme les chercheurs ne croient pas qu'ils aient pu avoir autant de chance de voir un phénomène aussi rare, ils en concluent qu'ils doivent revoir leur modèles de formation des grandes structures. Ils proposent que c'est l'environnement des jeunes galaxies qui pourrait probablement être à l'origine de l'activité des quasars. Cette activité peut être produite par exemple par des collisions ou des fusions de galaxies, qui ont pour effet d'apporter quantité de gaz frais aux trous noirs centraux, et qui sont tout de même plus probables au sein de proto-amas de galaxies qu'ailleurs. Mais la présence de la nébuleuse du Jackpot, avec sa masse importante de gaz dense peut aussi être la clé du mystère, c'est en tous cas ce que pense l'équipe allemande, car pour briller de la sorte, un quasar, et a fortiori quatre, a (ont) besoin de beaucoup d'hydrogène à absorber, et la présence de la nébuleuse est un élément très favorable. Mais ce qui rend perplexes les astrophysiciens, c'est qu'une telle masse de gaz froid (100 milliards de masses solaires tout de même) est tout à fait inattendue dans ce type de proto-amas de galaxies à 10 milliards d'années-lumière, où à l'inverse, c'est du gaz diffus et chaud qui est attendu d'après les modèles de formation des grandes structures cosmiques actuels... Alors que penser ?

Comme le dit l'auteur principal de l'étude : "Les événements extrêmement rares ont le pouvoir de renverser des théories bien installées"... C'est bel est bien vers un retour au tableau noir des cosmologistes que cette jolie découverte va entraîner les spécialistes.

Source :
Quasar quartet embedded in giant nebula reveals rare massive structure in distant universe
J. Hennawi et al.
Science 15 May 2015 Vol. 348 no. 6236 pp. 779-783 

mercredi 13 mai 2015

SN 1987A : une Supernova fortement asymétrique

Comment savoir si une supernova par effondrement de cœur, ce qu'on appelle une supernova de type II, explose de manière symétrique, ou bien asymétrique ? C'est une question que ce sont posée les astrophysiciens et à laquelle ils ont pu répondre en montrant que l'une des plus célèbres supernovae, SN 1987A avait explosé de façon totalement asymétrique.


Spectre gamma du Ti-44 du résidu de SN1987A observé
par NuSTAR (Caltech)
La supernova SN 1987A est célèbre car c'est la première que l'on a pu étudier de près avec des instruments modernes, elle se trouvait à une distance faible par rapport aux supernovas que nous observons habituellement (168000 années-lumière, une paille!), car se trouvant dans une galaxie satellite de notre Voie Lactée (le grand nuage de Magellan). On se souvient aussi que SN 1987A nous a permis de détecter nos tous premiers neutrinos en provenance de l'extérieur de notre galaxie...
La question de la symétrie de l'explosion peut sembler sans grand intérêt, mais au contraire, c'est une information très importante pour mieux comprendre ce qu'est vraiment une étoile en fin de vie. 
Quand une étoile s'effondre sur elle même car l'énergie dégagée par la fusion de son cœur ne permet plus de compenser sa propre gravitation, l'implosion qui va mener à une étoile à neutron ou un trou noir, suivie d'un rebond destructeur, produit une énorme onde de choc dans tout ce qui reste de l'enveloppe de l'étoile. Se faisant, des réactions nucléaires inédites ont lieu, produisant quantités de noyaux d'atomes pour bon nombre instables, radioactifs, qui se désintègrent ensuite petit à petit pour mener à d'autres noyaux.
Le résidu d'une telle supernova de type II comporte notamment une quantité importante d'un noyau radioactif, le titane 44.
Le titane 44 est radioactif : il décroit avec une période de 59 ans pour se transformer en scandium-44, radioactif lui aussi, qui décroîtra rapidement en calcium 44. Au cours de la décroissance du titane-44, des photons gamma sont émis, avec une énergie bien déterminée, comme pour tous les noyaux radioactifs (ou presque). Les deux photons gamma principaux du titane-44 ont une énergie de  67,9 keV et 78,3 keV. SN 1987A n'échappe pas à la règle (ou à la théorie), elle produit donc du Titane-44, plus exactement 0,3 millième de masse solaire, ce qui fait 100 fois la masse de la Terre!

Et les photons gamma, tout gamma qu'ils sont, n'en sont pas moins des photons, et comme tels, ils subissent les mêmes effets que n'importe quels autres photons, comme par exemple l'effet Doppler. C'est là que ça devient intéressant pour les astrophysiciens, car comme on le sait, l'effet Doppler est cet effet relativiste qui décale les longueurs d'ondes en fonction de la vitesse du point d'émission. En regardant où se situent exactement les raies gamma du titane-44 détectées, qui sont théoriquement situées à 67,9 keV et 78,3 keV (l'énergie est proportionnelle à la fréquence et inversement proportionnelle à la longueur d'onde), on peut donc connaître la vitesse des noyaux de titane qui ont émis ces photons gamma que nous détectons avec le télescope NuSTAR.
Fiona Harrison, chercheuse à l'université de Californie a mesuré avec son équipe le spectre gamma en provenance du résidu de SN1987A et ils ont découvert que les raies du titane-44 n'était pas à leur place. Elle n'étaient même pas élargies, mais tout simplement légèrement décalées vers des énergies plus basses (des longueurs d'ondes plus grandes si on préfère, ou encore "vers le rouge").
SN 1987A imagée par Hubble, l'anneau brillant est
de la matière éjectée avant l'explosion mais rendue brillante
par l'onde de choc de la supernova (ESA/NASA/Hubble)

Si l'explosion de SN 1987A avait été symétrique, l'enveloppe résiduelle comportant tout ce titane-44 se déplacerait en moyenne autant vers notre direction que vers la direction opposée. De tels mouvements produiraient sur les longueurs d'ondes émises autant de décalage "vers le bleu" que "vers le rouge", ce qui induirait au final un élargissement des raies gamma dans le spectre, qui resteraient centrées sur leur valeur théorique. Ici, rien de tel : les raies sont bien fines, mais toutes les deux décalées vers le rouge. La conclusion est très claire : le titane-44 du résidu de SN1987A se déplace en s'éloignant de nous à très grande vitesse :  700 km/s dans le référentiel au repos de la supernova. Cette mesure vient confirmer des indices antérieurs par des observations optiques de Hubble qui tendaient à indiquer déjà que l'explosion de SN 1987A avait été asymétrique, mais il faut maintenant parler de très forte asymétrie.
Il faut comprendre que c'est le processus interne de l'explosion qui a été profondément asymétrique, et qui s'est propagé ensuite au niveau du résidu. Des simulations numériques d'étoiles en train de s'effondrer ont été conduites au California Institute of Technology et ont montré que le cœur change de forme juste avant l'explosion, passant d'un cœur tout à fait sphérique à une masse informe et turbulente. Ces turbulences seraient produites par des hauts flux de neutrinos absorbés par le cœur. Les simulations montrent d'ailleurs que l'explosion n'aurait pas lieu si le cœur restait complètement sphérique. Les turbulences permettent d'aider les ondes de choc à se propager et ainsi à déclencher l'inévitable...

Mieux comprendre l'asymétrie des explosions de supernovas de type II permettra peut-être d'élucider pourquoi certaines explosions produisent une étoile à neutron et d'autres un trou noir. 
Au fait, si le titane-44 s'éloigne de nous à grande vitesse, cela signifie que l'objet compact produit dans la supernova (étoile à neutron ou trou noir) doit également se déplacer à grande vitesse, mais dans la direction opposée, donc en se rapprochant de nous...


Source  : 
44Ti gamma-ray emission lines from SN1987A reveal anasymmetric explosion
S. Boggs et al.
Science 8 May 2015  Vol 348 Issue 6235

dimanche 10 mai 2015

Découverte d'un gigantesque halo de gaz autour d'Andromède

Des chercheurs ont découvert l'existence d'un gigantesque halo de gaz entourant la galaxie d'Andromède, notre proche voisine. On savait qu'il existait un halo de gaz autour de cette galaxie, mais pas si gros... Le halo qui vient d'être mis en évidence est 6 fois plus gros et 1000 fois plus massif que ce qu'on pensait...


Schéma du principe de mesure utilisé par Lehner et al. (NASA/STScI)
Ce halo de gaz quasi invisible s'étend à plus de 1 million d'années-lumière de part et d'autre de la galaxie d'Andromède (M31), c'est à dire jusqu'à mi-chemin de la distance nous séparant d'elle et aurait une masse totale égale à la moitié de la masse des étoiles contenues dans la galaxie d'Andromède. On peut considérer que les halos de gaz entourant les galaxies sont comme leur atmosphère. Les propriétés physiques de ce type de halo contrôlent le taux de production de la formation de nouvelles étoiles notamment. 
Pour ce faire une idée de la taille de ce halo sphérique de gaz, si il était visible à l'oeil nu, il couvrirait sur la voûte céleste près de 100 pleines lunes (la galaxie d'Andromède faisant déjà 6 pleines lunes) ...
Ce gigantesque halo de gaz chaud a été découvert par l'astronome Nicolas Lehner, de l'Université de Notre Dame dans l'Indiana et son équipe, grâce à l'analyse de données produites par le télescope spatial Hubble. L'étude est publiée dans the Astrophysical Journal. Ils ont pour cela étudié la lumière de 18 quasars lointains situés dans des lignes de visées proches de  M31.
M 31 (NASA/ESA)
En analysant comment la lumière de ces quasars est absorbée dans certaines longueurs d'ondes, on en déduit la quantité de gaz présente entre le quasar lointain et l'observateur. Le grand intérêt de la galaxie d'Andromède vis à vis d'autres galaxies est sa proximité, c'est à dire son étendue sur le ciel, qui permet d'utiliser un nombre intéressant de quasars répartis un peu tout autour de la galaxie. Des études antérieures avaient été menées sur des galaxies plus lointaines, moins étendues, et étaient parvenues à déterminer la présence d'un halo gazeux mais le plus souvent en observant un seul quasar en arrière plan. Cette étude sur Andromède permet grâce à ses 18 quasars, de déterminer une forme pour le halo de gaz avec une assez bonne précision.

Pour arriver à ce résultat, l'équipe menée par Nicolas Lehner a exploité 5 ans de données archivées d'observations du télescope Spatial Hubble dans la région proche d'Andromède. Pour essayer de comprendre l'origine d'un halo gazeux si vaste, des simulations des grandes structures indiquent que le halo se serait formé en même temps que la galaxie. Les chercheurs américains ont également pu déterminer la composition chimique du halo et montrent qu'il est très enrichi en éléments lourds (plus lourds que l'hélium), ce qui signifie qu'il s'agit de matière produite par des explosions d'étoiles, des supernovas. On estime que sur la durée de vie de la galaxie d'Andromède, la moitié des éléments lourds produits par ses étoiles se retrouvent éjectée du disque galactique pour se retrouver dans le halo sphérique.

Il est bien sûr tentant d'estimer si notre propre galaxie possède elle aussi un aussi vaste halo de gaz chaud. Mais la mesure est assez difficile du fait que nous baignons à l'intérieur et on n'a pas de point de comparaison hors-halo. Ce qui est sûr, c'est que si les deux galaxies possèdent un halo de taille similaire, ces deux halos doivent se toucher! On pourrait dire que la galaxie d'Andromède et la Voie Lactée ont commencé leur fusion, théoriquement prévue dans 4 milliards d'années.


Source : 
Evidence for a Massive, Extended Circumgalactic Medium Around the Andromeda Galaxy
N. Lehner et al.
The Astrophysical Journal 804 79 (4 mai 2015) 

samedi 9 mai 2015

Quizz Astro n°8

Voilà, vous êtes 10 à avoir trouvé 8 bonnes réponses ou plus cette semaine. Vous pouvez être fiers de vous, surtout ceux d'entre vous qui en ont trouvé moins car désormais vous saurez y répondre! Voici la petite liste des 10 joyeux lurons : Clemtroff (10), PL56 (10), Ice3er (10), Riuzaki21 (9), Rene66 (9), Altaïr (9), PierreB(9), Ascorbik(9), Curu (9), plomplom (8).

Voilà donc venir notre antépénultième quizz pour cette année, le huitième, attention les yeux ! Prêts ? Partez! 

vendredi 8 mai 2015

Encelade : des rideaux d'eau au lieu de geysers

La revue Nature met cette semaine Encelade et ses jets de vapeur en couverture. Un article y présente une étude montrant que l'on a certainement mal interprété les images de la sonde Cassini et que ces jets de vapeur seraient bien plus imposants que de simples jets de vapeur ponctuels.



C'est la sonde Cassini qui a mis en évidence la présence de sortes de failles dans la couche de glace de Encelade aux environs de son pôle sud il y a déjà près de 10 ans. Elles ont été nommées les failles Alexandria, Baghdad, Cairo et Damascus. Ce sont ces failles qui semblent être la source des jets de vapeurs et de particules de glace qui ont été eux aussi découverts grâce à Cassini.  Mais alors que l'on pensait depuis leur découverte que ces émissions d'eau se faisaient sous la forme de jets quasi ponctuels, à l'image d'une série de geysers répartis le long des grandes failles, la nouvelle étude conduite par des planétologues américains assistés d'un spécialiste en imagerie montre qu'en lieu et place de jets ponctuels, il faut plutôt considérer être en présence d'émissions de vapeur en forme de vastes rideaux s'étalant sur de grandes distances le long des failles.

En haut : les images de Encelade par Cassini,
en bas : les images simulées reproduisant les images
observées (Nature)
L'interprétation des images de Cassini qui mena à la présence de jets individuels se révèle être une illusion d'optique liée à l'angle de vue sous laquelle est vue la scène. C'est ce que concluent Joseph Spitale du Planetary Science Institute de Tucson et ses collègues après avoir comparé les images de la sonde de la NASA et des images simulées à partir de la géométrie des failles du satellite Saturnien.

Les chercheurs américains ne se sont pas contentés de travailler sur une seule ou quelques images de la zone, mais ont exploité de multiples images du pôle sud d'Encelade, et à différentes époques, les phénomènes en jeu étant bien évidemment dynamiques. Ils ont ainsi produit une cartographie des émissions de vapeur réparties sur 5 périodes sur une année (entre 2009 et 2010). Le résultat qu'ils obtiennent est important : avoir l'image la plus précise possible du phénomène en jeu au pôle sud d'Encelade, à la fois dans sa distribution spatiale mais aussi temporelle permettra de mieux évaluer les théories tentant d'expliquer la présence de ces éruptions d'eau.
Des méthodes de triangulation avaient été proposées il y a quelques années pour essayer de déterminer le lieu d'origine des geysers observés. Or il se trouve que les geysers en question ne sont d'après Spitale et ses collègues que des images fantômes, des rideaux d'eau vue plus ou moins par la tranche, ce qui rend cette méthode de mesure inopérante et explique pourquoi elle n'avait mené nulle part.

Ce qu'ont pu observer les planétologues, en outre, ce sont des variations dans le temps de la géométrie des fractures, rendues nécessaires pour expliquer les variations de la forme des rideaux de vapeur dans les images de Cassini. Ainsi, les fractures pourraient ne pas être parfaitement verticales et la profondeur des réservoirs pourrait être variable. Les chercheurs peuvent en déduire certaines propriétés, par exemple si on estime que l'étendue des rideaux reflète fidèlement la dispersion gazeuse, un réservoir plus profond impliquerait la possibilité pour de fines particules d'interagir plus longtemps avec le gaz et d'en être affectées avant de se retrouver propulsées dans le vide de l'espace. Les chercheurs en déduisent également qu'une surface liquide plus grande vis à vis du volume du réservoir doit produire des vitesses de gaz plus grandes pour une température donnée.

Pour conclure, Joseph Spitale et son équipe expliquent que si la très grande majorité des jets observés par Cassini ne sont pas des jets ponctuels de type geysers mais des rideaux de vapeur, quelques images ne peuvent pas être expliquées par cette hypothèse et indiquent tout de même l'existence de quelques jets ponctuels, qui ont la particularité d'avoir un angle très prononcé par rapport au zénith...
Encelade se révèle être vraiment un monde très intriguant et toujours plus digne d'intérêt.

Source : 
Curtain eruptions from Enceladus’ south-polar terrain
J. Spitale et al.
Nature 521, 57–60 (07 May 2015)

dimanche 3 mai 2015

Risque de démence pour des astronautes en mission vers Mars à cause du rayonnement cosmique

Vous vous souvenez sans doute de ce que je vous avais raconté au sujet des rayons cosmiques qui existent dans le milieu interplanétaire (entre la Terre et Mars par exemple) et qui atteignent la surface de Mars, qui rendront extrêmement compliqué tout voyage et séjour sur la planète rouge pour des astronautes (voir ici et )


Je parlais alors avant tout des effets néfastes des particules chargées (protons et noyaux lourds et leurs particules secondaires) sur l'ADN des cellules des divers organes de nos chers astronautes.
Mais une nouvelle étude vient de paraître au sujet des effets des rayons cosmiques galactiques (GCR) sur des cellules très particulières, celles du cerveau, les neurones. Et les nouvelles ne sont toujours pas très réjouissantes... Cette étude, qui a été conduite sur des souris, montrent que les rayons cosmiques ont un effet étonnant : ils semblent provoquer une altération de la structure des neurones, ce qui peut avoir pour effet très indésirable, surtout pour des astronautes, de produire des troubles cognitifs sévères. 

Mars
L'étude, publiée dans Science Advances  a été menée sur des souris, car évidemment, il est très compliqué de faire ce type d'expérience sur des vrais astronautes à bord de l'ISS. Charles Limoli, biologiste moléculaire à l'Université de Californie et son équipe ont utilisé un accélérateur d'ions du NASA Space Radiation Laboratory pour bombarder des souris avec des ions d'oxygène-16 et de titane-48 accélérés à plusieurs GeV, mimant ainsi une dose de rayonnement de 50 à 300 mGy, niveaux sensiblement inférieurs à ceux potentiellement reçus par des astronautes en mission martienne par le rayonnement cosmique galactique.  

Les chercheurs ont ensuite laissé vivre tranquillement les souris durant 6 semaines, puis leur ont fait subir des tests cognitifs, comme par exemple un test de reconnaissance d'un objet familier (un jouet, en l’occurrence). Le groupe de souris qui a été exposé au faisceau de particules montre de graves défaillances par rapport à un groupe témoin n'ayant subit aucun rayonnement autre que le rayonnement naturel.
Les souris irradiées passaient autant de temps à explorer des nouveaux objets introduits dans leur cage que des objets déjà présents depuis longtemps, alors que les souris non exposées ne reniflaient que les nouveaux objets et très peu les anciens. Les souris irradiées semblaient ainsi ne plus pouvoir apprendre et se souvenir de nouvelles choses.

Limoli et ses collègues ont donc ensuite regardé de près le cerveau des rongeurs et ont découvert que les neurones avaient subi des altérations. Dans la région du cerveau appelée le cortex préfrontal, là où se situent les zones associées aux fonctions cognitives de haut niveau comme le raisonnement, la mémoire à court terme et la résolution de problèmes, les neurones montrent une réduction de 30 à 40% de leur nombre de dendrites, les "branches" qui reçoivent des signaux électriques venant d'autres neurones.
De tels modifications neuronales peuvent apparaître dans d'autres conditions qu'un environnement radiatif, comme le manque de stimulation environnementale, et il a pu être montré que des fonctions cognitives pouvaient dans ce cas être retrouvées grâce à un entrainement spécifique. Des études de plus long terme doivent être poursuivies pour savoir si dans le cas de l'irradiation, les déficits cognitifs chez la souris peuvent être résorbés ou non. Même si les chercheurs concluent que cela ne devrait pas constituer un point d'arrêt pour les missions humaines vers Mars ou ailleurs, ils notent néanmoins que cet effet devrait être très sérieusement pris en compte par la NASA, car il n'y a aucune raison que ce qui est observé chez la souris soit très différent de ce qui se passerait chez l'homme... C'est d'autant plus inquiétant que le cas d'une mission martienne implique pour les astronautes de nombreuses situations et environnements changeants et uniques qui compliquent les décisions à prendre, avec de plus une autonomie imposée par le délai des communications entre Mars et la Terre. Ils doivent avoir des capacités de raisonnement et de mémoire sans aucune faille pour accomplir ce type de mission.

La protection des astronautes contre les GCR devrait ainsi être une priorité absolue de toute mission lointaine, non seulement pour limiter le risque de cancer radio-induit mais aussi et peut-être surtout pour conserver des astronautes sachant réfléchir et comprendre ce qu'ils sont en train de faire. Or, aujourd'hui, la NASA ne possède pas de solution technologique efficace pour réduire drastiquement le flux des GCR. Mais les robots n'ont pas de neurones, eux...


Sources :

What happens to your brain on the way to Mars
V. Parihar et al.
Science Advances  Vol. 1 no. 4 (1 May 2015)

Space radiation may damage astronauts’ brains
Emily Underwood
Science News (1 May 2015)

samedi 2 mai 2015

Quizz Astro n°7

Et bien, vous êtes forts! Vous êtes 10 sur 97 à avoir trouvé plus de 8 bonnes réponses cette semaine. Les bras spiraux de notre galaxie vous ont posé quelques problèmes, c'est en effet un sujet encore en pleine recherche et un peu controversé, c'est pour cette raison que j'ai accepté deux bonnes réponses (2 ou 4)... Bravo à truchement (10), kraputnik (10), PL56 (10), zgreudz (10), Dr Goulu (9), Ryuzaki21 (9), rene66 (9), curu (8), le gros tricheur (8) [score très moyen avec un pseudo pareil ;-) ], mf (8). [un petit mot à luigi, c'est le premier envoi qui compte! ;-)) ]

Z'êtes prêts ? Allez, on y retourne, à vos souris ! 




vendredi 1 mai 2015

Première analyse de la lumière réfléchie d'une exoplanète

Une équipe européenne d'astronomes vient de publier une belle observation, celle du premier spectre de lumière visible réfléchie par la surface d'une exoplanète. Il s'agit de plus de l'une des exoplanètes les plus célèbres car étant la toute première découverte en orbite  autour d'une étoile du type du Soleil: 51 Pegasi b.



L'exoplanète 51 Pegasi b se situe à une distance de 50 années-lumière de la Terre, en orbite autour de l'étoile 51 Pegasi, dans la constellation de Pégase, elle a été découverte il y a déjà 20 ans. C'est une planète archétype de celles qu'on appelle des Jupiter chauds, qui sont assez communes. Ces exoplanètes sont assez similaires en taille à Jupiter, mais se trouvent beaucoup plus près de leur étoile que ne l'est Jupiter du Soleil.

Vue d'artiste de 51 Pegasi b autour de son étoile (Nature)
L'équipe de l'astrophysicien doctorant portugais Jorge Martins de l'Instituto de Astrofisica e Ciencias do Espaço de l'université de Porto, qui travaille à l'ESO au Chili, a utilisé l'instrument HARPS monté sur le télescope de 3,6 m de l'Observatoire de La Silla. 
La technique la plus répandue jusqu'à aujourd'hui pour observer des spectres de lumière en provenance d'exoplanètes est d'observer des raies d'absorption, quand la planète passe devant son étoile; il s'agit d'une méthode de spectroscopie par transmission. 
La nouvelle méthode appliquée par Martins et ses collègues consiste à mesurer la lumière de l'étoile qui est réfléchie par l'atmosphère de l'exoplanète, on parle alors de spectroscopie par réflexion. Le gros avantage de cette méthode est que les observations ne dépendent plus de l'existence d'un transit de la planète devant son étoile. Elle peut ainsi être appliquée sur de très nombreuses exoplanètes, et à tout moment (sauf si elles se trouvent derrière leur étoile bien sûr).
Et grâce à la spectroscopie par réflexion, de nombreuses caractéristiques de la planète étudiée peuvent être déduites, qui ne sont pas accessibles par les autres méthodes d'analyse existantes. Le principe de l'observation spectroscopique par réflexion consiste d'abord à mesurer précisément le spectre de l'étoile (ici 51 Pegasi), puis à chercher dans sa proximité immédiate un petit point de lumière montrant les mêmes raies spectrales, c'est la planète. La tâche est extrêmement délicate du fait de la taille très très petite de la planète... 
Ces nouvelles données spectroscopiques permettent de fournir aux astronomes des caractéristiques comme la masse de la planète, ainsi que son inclinaison orbitale, données essentielles si on veut bien comprendre le système stellaire en question. De plus, la réflectivité (ou albedo) peut être déterminée, ce qui permet de déduire la composition de la surface et de l'atmosphère de l'exoplanète. 


Zoom sur la localisation de 51 Peg (ESO)

51 Pegasi b a donc une masse qui vaut la moitié de celle de Jupiter et son orbite est inclinée d'environ 9° par rapport à la direction 51 Peg - Terre. 51 Peasi b, malgré sa plus faible masse, semble plus grosse en diamètre que Jupiter (entre 1,6 et 1,9 fois plus grosse) et a une plus forte réflectivité. Ces caractéristiques semblent néanmoins normales pour une planète de ce type à cette distance de son étoile.
Ce qui rend cette observation vraiment très intéressante, au delà de ces nouvelles analyses, c'est que le télescope utilisé n'était pas très bien adapté pour ce type d'observation. Cela rend les astronomes très optimistes, car ils vont bientôt pouvoir utiliser des spectrographes bien plus puissants comme par exemple le spectrographe ESPRESSO, sur des télescopes bien plus grands, comme le VLT ou le futur EELT. 

En attendant, si cela vous intéresse, vous avez la possibilité de proposer un nom pour cette exoplanète 51 Pegasi b. Un "concours" ouvert à tous est proposé par l'Union Astronomique Internationale et l'association Zooniverse.
Ça se passe par là : http://www.nameexoworlds.org/#signup


Sources : 
Evidence for a spectroscopic direct detection of reflected light from 51 Pegasi b
J. Martins et al.
Astronomy & Astrophysics 576, A134 (2015)

Communiqué de presse de l'ESO